Frédéric Verdavaine (Nexity) "Notre stratégie est d'être une plateforme de services"

Le directeur général délégué de Nexity revient sur la transformation digitale du secteur et analyse les changements qu'elle induit pour une organisation comme la sienne.

Frédéric Verdavaine, directeur général délégué de Nexity © Nexity

JDN. Comment Nexity s'adapte-t-il aux nouveaux usages en matière d'immobilier ?

Frédéric Verdavaine. Nous travaillons sur le coworking et le coliving. Nous planchons notamment sur un concept de résidence qui mixerait étudiants et jeunes actifs. Jusqu'à la naissance du premier enfant, la façon de vivre de ces derniers se rapproche souvent de celle d'un étudiant, à ceci près qu'ils n'ont pas le même pouvoir d'achat et qu'ils ont souvent un conjoint. Cela permet de proposer des logements plus grands que pour les étudiants, et d'augmenter ainsi la rentabilité du programme. Nous imaginons des espaces en rez-de-chaussée, voire en premier étage, qui seraient des espaces d'agora où les gens pourraient faire du coworking et du coliving. Mon souhait serait que des brassages de population s'opèrent entre les résidents et les gens de passage. Pour cela, nous avons vraiment besoin de l'IoT. Il va également falloir qu'on travaille avec des spécialistes du coworking et du coliving.

La location saisonnière est aussi au cœur de l'évolution des usages. Quelle est votre approche la concernant ?

L'encadrement des loyers a créé Airbnb à Paris. Les bailleurs se sont tournés vers la location saisonnière pour gagner plus. Nous ne pouvons pas lutter contre le sens de l'histoire. En tant qu'administrateur de biens, ce qui nous préoccupe, c'est que tout se passe bien dans les immeubles. Plutôt que de subir les choses, mieux vaut les organiser. Si Nexity s'occupe de tout, le bailleur n'a pas de souci à se faire. En tant que mandataire, nous garantissons que tout est en règle. J'ai longuement discuté avec Airbnb. Ils ont vidé certains centres-villes. A Alfama, à Lisbonne, par exemple, il n'y a plus de magasins aujourd'hui, ni d'écoles. C'est un quartier dans lequel on ne trouve que des gens qui viennent pour passer la nuit. Il faut qu'Airbnb crée des équilibres mais ça, je crois qu'ils l'ont compris. D'ailleurs aux Etats-Unis, ils disposent de leur propre concept d'hôtellerie. Nous sommes en train de discuter avec eux pour, peut-être, créer un concept commun. Conscients qu'un jour viendra où ils ne créeront plus de valeur, ils ont changé leur fusil d'épaule. C'est comme Amazon, qui était 100% digital, et qui s'est dit qu'il fallait maitriser le terrain, le physique et, pour cela, nouer des partenariats avec des grands distributeurs. Il n'y a pas de tout digital. La réussite, c'est l'alchimie entre ces deux mondes-là. C'est ma conviction depuis très longtemps.

Quel regard porte Nexity sur les proptech, les start-up de l'immobilier ?

"Nous ne serons jamais capables de répondre à tous les nouveaux usages tout seuls, c'est pourquoi nous cherchons à créer des écosystèmes avec des start-up"

Bien que nous disposions des outils nécessaires pour avancer très vite sur le digital – notre Startup Studio, notre direction digitale… – nous ne serons jamais capables de répondre à tous les nouveaux usages tout seuls. Notre stratégie est donc de créer des écosystèmes dans lesquels des start-up viennent se greffer sur les éléments de notre chaîne de valeur que nous souhaitons développer. Parfois, nous les branchons et tout se passe très bien. Parfois, c'est plus compliqué. Il y a un vrai conflit de paradigme entre certains jeunes start-upers, qui veulent très vite réaliser le multiple et la culbute, et le monde d'une grande entreprise comme la nôtre, dans un secteur comme le nôtre. Ce n'est pas une question de génération, d'ailleurs. Il faut peut-être plus d'accompagnement de notre part. Il faut également qu'on arrive à travailler avec des start-up qui acceptent de s'adapter à ce que nous sommes, comme nous le faisons de notre côté. J'ai parfois été assez étonné de cette rigidité chez les start-up, alors qu'on peut s'attendre, au contraire, à ce qu'elles soient plus flexibles.

Comment fonctionnez-vous avec elles ?

"Avec la start-up Bon de visite, nous  développons le 1er estimateur prédictif de prix immobiliers"

La relation commence souvent par un partenariat industriel. Sur le sujet de la location saisonnière, par exemple, en tant que gestionnaire de biens, nous avons noué un partenariat avec la conciergerie Luckey Homes. Notre essai n'a pas été concluant dans le Sud de la France mais cela fonctionne, en revanche, beaucoup mieux avec nos résidences étudiantes. Sur le sujet de la location saisonnière, nous n'étions pas complètement organisés et prêts de notre côté. Du leur, le produit n'était pas exactement adapté à ce genre d'offres dans le diffus, c'est-à-dire chez le particulier. Dans la résidence de services étudiante, c'est beaucoup plus simple. Ils veulent réadapter les chambres, demandent à ce que le mobilier soit connecté… C'est quelque chose que nous maitrisons. Nous travaillons également avec la start-up Bon de visite, avec laquelle nous construisons un estimateur prédictif de prix sur le marché de l'ancien.

Comment fonctionnera cet outil d'estimation ?

"Nous voulons proposer une solution de garantie complètement digitale et travaillons pour cela avec Garantme"

Il s'agit d'un algorithme intelligent, qui s'auto-améliore en permanence. Il a été développé à base d'IA. A la différence de ce qui existe aujourd'hui, cet outil n'est pas basé sur un historique uniquement. C'est très difficile, dans les zones rurales, de produire des estimations de prix qui soient fiables car, en tant qu'acteur, nous ne sommes pas suffisamment maillés. Nous n'avons pas suffisamment d'agences partout, et ce n'est pas notre vocation. Les réseaux Century 21 et Guy Hoquet, eux, sont déjà davantage présents. Mais les estimations restent compliquées à réaliser. Il vaut mieux partir sur des bases beaucoup plus larges, avec tous les intervenants du marché. Bon de visite, justement, achète des bases. Nous avons donc accès à des bases de données larges sur les ventes réalisées et, à chaque fois qu'une transaction a lieu, l'IA, qui est auto-apprenante, ré-affine son modèle. C'est un modèle qui est en permanence en apprentissage. Pour nous, il s'agit de proposer un service aux utilisateurs et, bien sûr, de réaliser de la captation de leads.

Quels types de start-up immobilières retiennent le plus votre attention ?

"Les start-up immobilières qui nous intéressent le plus sont celles qui opèrent dans le service"

Ce sont souvent des start-up qui opèrent dans le service. Les usages changent autour de la location, notamment parce qu'Airbnb a bousculé les choses. Mais ce n'est pas pour autant que nous allons internaliser une conciergerie, par exemple. Notre stratégie est d'être une plateforme de services, à la fois par le tressage entre nos métiers, promotion et services, et par la capacité que nous avons à créer cet écosystème autour des services grâce à ces start-up. Nous travaillons avec des sociétés comme Mesdépanneurs.fr, par exemple. Nous offrons la possibilité à nos propriétaires d'avoir une ligne directe avec eux. Nous travaillons également avec BeMove, une start-up qui fait des déménagements. A chaque fois que nous avons la compréhension de l'évolution d'un usage, nous essayons d'offrir un service.

Quels sont vos projets de partenariat et/ou prise de participation dans des start-up immobilières ?

Nous avançons en ce moment sur un dossier, mais je ne peux pas vous en dire plus, car nous sommes vraiment en train de closer. En revanche, je peux vous dire que nous travaillons avec Garantme afin de trouver une solution au problème du cautionnement à distance, dans le but d'ouvrir nos résidences étudiantes à des étrangers, notamment asiatiques. Les parents ne vont pas faire l'aller-retour depuis Shanghai juste pour signer les papiers ! Nous voulons donc proposer une solution de garantie complètement digitale.

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