Le BTP sera-t-il hors-jeu dans la France d'après ?

Même s'il est fort de leaders mondiaux, d'un tissu d'ETI et PME hors pairs et d'un écosystème de start-up innovantes, le BTP français est-il prêt pour accompagner le redémarrage de l'économie, et au-delà, pour se projeter dans le "monde d'après" ?

Alors que la pandémie que nous affrontons depuis plusieurs semaines met en lumière la fragilité de l'homme, quel est le devenir d'un secteur qui est le quatrième employeur de France et contribue largement à sa richesse nationale ? 

L’humain : premier capital

Le BTP c’est en France, 8% du PIB, près de 300 milliards d’euros de chiffre d’affaires chaque année, plus de 360 000 entreprises mais surtout 1,4 million de salariés qui, du jour au lendemain, ont stoppé leur activité au milieu du mois de mars (1). Sans hésitation, l’ensemble des dirigeants, anticipant de quelques jours les annonces des pouvoirs publics, ont tout arrêté. Bien conscients que s’ils poursuivaient, ils mettraient alors en péril ce pourquoi ils se battent à longueur de temps sur leurs chantiers : la santé et la sécurité de leurs salariés.

Tous le disent (2), et le débat sur la reprise des travaux, alors que la sortie du confinement est en cours, en témoigne : leur première préoccupation c’est de protéger ceux qu’ils ont de plus cher, et ce, bien avant les sujets financiers, la supply chain ou encore les cadences de production. Parallèlement, fruit d’un dialogue social efficace,  ils ont mis en place rapidement des mesures d’accompagnement de leurs salariés (maintien des rémunérations, modularité des horaires, fonds de solidarité, …) et plus largement de leurs parties prenantes tels que leurs fournisseurs et sous-traitants.

C’est cette culture de la "ressource humaine", profondément ancrée dans les gènes du BTP français, qui constituera un des "maillons forts" de la relance de l’économie du pays, alors que cette pandémie tend à montrer que l’homme en est le "maillon faible". Pour être pleinement efficiente, cette révolution par l’humain devra être accompagnée d’une accélération de la digitalisation du secteur. Elle viendra, entre autres, compenser les effets économiques défavorables des mesures sanitaires qui risquent de perdurer encore longtemps sur les chantiers.

Le Covid-19 : une fantastique opportunité pour un digital responsable

Avec une baisse estimée de 15% de leur chiffre d’affaires, 2020 sera "blanche" pour les entreprises du secteur dont les marges opérationnelles varient habituellement entre 4% et 8% pour les meilleures d’entre elles (3).

Pour atténuer les effets d’une baisse de la productivité, de la défaillance de certains fournisseurs ou sous-traitants, des coûts induits par les renégociations des contrats avec les maîtres d’ouvrage, une seule option : accélérer sur le digital et la numérisation des projets. Déjà très largement initiées et portées par un écosystème de start-up performantes, les politiques d’innovation (maquette numérique 3D, IoT, drones, IA, …) vont permettre l’évolution d’une main d’œuvre manuelle vers une main d’œuvre digitale dont la valeur ajoutée sera sans cesse en augmentation.

Coté marchés, il est fort à parier que la crise du Covid-19 va remettre au centre de la réflexion sociale et politique la nécessité d’évoluer dans un environnement plus durable dans lequel les immeubles à énergie positive, les villes intelligentes, le zéro carbone ne seront plus des exceptions mais nous l’espérons tous : la nouvelle normalité. Ce sont autant d’opportunités pour les acteurs du BTP. Ils le savent. Pour les saisir ils auront besoin de leur capital humain. Cela serait un merveilleux signe d’espoir en cette période morose : que les jeunes générations de talents soient attirées par cette grande idée : au sein d’organisations innovantes et profondément humaines, concevoir et construire le "monde d’après". Nul doute que les entreprises de BTP françaises auront à cœur de relever ce défi.

(1) Insee : Les entreprises en France –Edition 2019

(2) KPMG a interrogé quinze dirigeants de groupes et d’ETI des secteurs des infrastructures, de la construction et de la promotion immobilière entre le 7 et 20 avril 2020.

(3) Résultats de l’enquête KPMG.