La mutation énergétique des bureaux de demain : rêve ou réalité ?

Représentant à lui seul près de 40% du total des émissions de CO2, le secteur immobilier doit changer en profondeur et les bureaux ont un rôle fondamental à jouer.

Représentant à lui seul près de 40% du total des émissions de CO2, le secteur immobilier doit changer en profondeur et les bureaux ont un rôle fondamental à jouer. Fort heureusement, la prise de conscience collective a déjà eu lieu : lorsqu’on leur demande quelles sont leurs attentes concernant les bureaux de demain, près de la moitié des salariés français répondent en choix numéro 1 « une consommation énergétique plus raisonnée de leurs bureaux ». Nous avons même déjà dépassé ce stade : bilan carbone, nouvelles mesures législatives… Mais alors, pourquoi le cap est-il si difficile à passer alors qu’il existe des solutions et que de nouvelles pistes sont explorées pour parvenir à faire des bureaux de demain des modèles de vertu sur le plan écologique et humain ?

S’emparer des leviers existants et agir sur l’ancien

Impossible de dire aujourd’hui que rien n’est fait pour améliorer la performance énergétique du parc immobilier tertiaire. Pour faciliter la réhabilitation des bâtiments de bureaux, l’État met par exemple à disposition différentes aides centralisées par l’Ademe permettant de réaliser des travaux de rénovation énergétique. Pourtant un sentiment d’inertie subsiste, dont l’origine trouve sa source dans la difficulté d’obtenir ces aides, mais aussi dans l’inaction de certains bailleurs qui attendent de se retrouver au pied du mur pour investir.

Cela peut s’entendre, les coûts engendrés par des travaux, et la vacance locative qui serait inhérente à ces travaux rendent ces projets difficiles à supporter par les bailleurs s’ils ne sont pas aidés. Pourtant, on aurait tous à y gagner si la réutilisation adaptative des bâtiments tertiaires était facilitée et si chacun s’investissait. Il est en général plus rentable de rénover, réutiliser ou réaffecter une structure existante plutôt que de la démolir et d’en construire une nouvelle à la place. Plus rapide et plus durable, la réutilisation permet également aux propriétaires et aux promoteurs de préserver les bâtiments patrimoniaux qui peuvent être protégés par des lois locales. Qui plus est, des matériaux de plus en plus performants et de moins en moins polluants existent et peuvent être combinés à des solutions qui viennent réhausser le green level d’un bâtiment tertiaire : domotique, végétalisation ou aménagements visant à réduire la consommation énergétique et les déchets…

Pour finir, plusieurs normes et labels environnementaux dans l’immobilier d’entreprise, valorisant le bien et l’image de marque, ont vu le jour pour inciter à créer des espaces plus respectueux de l’environnement (RT, BBC, HQE…). La certification WELL va même plus loin : elle repose sur le bien-être des salariés et plus spécifiquement sur 7 critères d’évaluation : l’air, l’eau, la lumière, l’activité physique, le confort, l’alimentation et le bien-être psychologique. D’ores et déjà, les bureaux ont tout intérêt à englober dans leur trajectoire la dimension humaine pour être en phase avec le paysage professionnel de demain.

Les bureaux de demain : une mutation énergétique centrée vers l’humain 

L’ambition nourrie par de plus en plus d’entreprises est celle de pouvoir voir leurs bureaux se suffire à eux-mêmes, qu’ils possèdent leurs propres réseaux d’énergie et d’eau chaude sanitaire allant, jusqu’à utiliser l’air récupéré la nuit pour refroidir les bâtiments la journée (ou technologie free cooling) pour repenser l’utilisation des ressources. Il est indispensable pour y parvenir de mettre en corrélation les données d’exploitation des immeubles avec des données d’expérience collaborateur et de créer une synergie entre les différents métiers. Ainsi l’ensemble des acteurs de l’entreprise se mobiliseront afin d’atteindre les objectifs fixés.

Il va également s’agir de reconsidérer la nature comme faisant partie intégrante du cadre de travail et plus largement de nos enjeux sociétaux. On parle à ce titre de design biophilique, un principe consistant à ramener de la nature dans les espaces de travail en introduisant des plans d’eau et de la végétation pour améliorer le renouvellement d’air, en installant des systèmes de lumière dynamique ou encore en créant des “analogies naturelles” notamment avec le jeu des matériaux. Cette implémentation directe de la nature dans l’espace va avoir de nombreux atouts, tels que réduire le stress, favoriser la cohésion communautaire, mais aussi optimiser les capacités cognitives, améliorer la créativité et par conséquent accroître la productivité. 

S’il est avéré que le renouvellement du parc immobilier a bien lieu, notamment en France plus en avance sur le sujet que ses voisins européens, les changements sont longs à mettre en œuvre, y compris sur le continent américain. Les efforts en matière d’un immobilier écologique et durable ne sont pas menés par tous les pays de la même façon au regard des intérêts économiques immédiats (certains n’en sont même hélas qu’au stade de la réflexion). Il faut espérer cependant que toutes les perspectives qui se dessinent au gré des innovations encouragent de plus en plus d’entreprises à montrer l’exemple pour générer une dynamique vertueuse et accélérer le processus de transition. Il va sans dire que cette transition ne s'opérera efficacement qu’en impliquant toutes les parties prenantes et il reste essentiel de faire preuve de pédagogie à l’égard des salariés d’une entreprise, de ses prestataires et des preneurs côté bailleurs pour y parvenir.