L'industrie aéronautique française face à des turbulences financières inédites

L'industrie aéronautique française face à des turbulences financières inédites Alors que la reprise post-pandémie bat son plein, près de 40 grands sous-traitants de l'aéronautique française font face à des difficultés financières alarmantes. Entre endettement, inflation et défis structurels, la filière traverse une zone de turbulences.

Malgré une reprise encourageante du trafic aérien et des carnets de commandes bien remplis, la filière aéronautique française est confrontée à une situation paradoxale. Près de 40 grands sous-traitants, essentiels à la chaîne d'approvisionnement, sont en proie à des difficultés financières majeures. Entre les séquelles de la crise sanitaire, l'inflation et des marges comprimées, ces acteurs clés luttent pour maintenir leur activité.

Une chaîne d'approvisionnement sous pression

Selon une étude de la Banque de France réalisée à la demande du Gifas, près de 20% des grands fournisseurs d'Airbus et Safran, soit une quarantaine d'entreprises, sont en risque de défaillance. Ces entreprises, opérant principalement dans les secteurs de l'usinage et de l'aérostructure, affichent une capacité d'autofinancement insuffisante et des niveaux d'endettement préoccupants. Environ 30% d'entre elles ont essuyé des pertes financières en 2023, malgré une reprise globale de l'industrie aéronautique amorcée il y a deux ans.

Cette situation contraste fortement avec les performances des donneurs d'ordre comme Airbus et Dassault Aviation, dont les carnets de commandes assurent une visibilité sur plus de dix ans. Toutefois, la montée en cadence imposée par ces derniers s'avère difficile à suivre pour leurs fournisseurs, limités par des contraintes financières et opérationnelles selon La Dépêche.

Les héritages de la crise sanitaire et de l'inflation

La pandémie de Covid-19 a laissé des traces durables. Entre 2019 et 2021, les effectifs de la filière ont chuté de 206 000 à 188 000 salariés. Bien que le secteur ait depuis recruté massivement, atteignant 210 000 salariés en 2023, la perte de nombreux employés expérimentés a entraîné une baisse de productivité de l'ordre de 10 à 15%.

Par ailleurs, les prêts garantis par l'État (PGE), octroyés en pleine pandémie pour maintenir à flot les entreprises, pèsent encore lourdement sur les finances des sous-traitants. Ceux-ci doivent rembourser environ 500 millions d'euros à l'État d'ici trois ans d'après Le Journal de l'Économie. Cette charge s'ajoute aux investissements nécessaires pour moderniser les équipements, répondre aux exigences de décarbonation et augmenter les cadences de production.

L'inflation, exacerbée par la guerre en Ukraine, a encore amplifié les tensions. Les coûts des matières premières (titane, acier, aluminium) et de l'énergie ont bondi de 15 à 20%. Les sous-traitants, souvent liés par des contrats négociés à la baisse pendant la pandémie, n'ont pas pu répercuter ces augmentations sur leurs tarifs. Cette rigidité contractuelle, combinée à des marges déjà fragiles, aggrave leur situation.

Soutiens financiers et perspectives pour la filière

Malgré ces difficultés, des mesures ont été prises pour stabiliser la filière. Un fonds de soutien de 800 millions d'euros, baptisé "Aéro Partenaires", a été mis en place pour aider les sous-traitants à retrouver leur équilibre financier. Ce fonds permettra de soutenir les entreprises en difficulté via des prises de participation ou des investissements ciblés. Par ailleurs, plusieurs entreprises en redressement judiciaire ont été reprises par des acteurs plus solides, garantissant ainsi une certaine continuité industrielle.

Enfin, si la situation reste tendue, elle n'est pas critique pour l'ensemble du secteur. En 2024, seules dix défaillances ont été recensées sur un panel de 800 entreprises. Selon le Gifas, ces chiffres demeurent inférieurs à ceux observés avant la crise sanitaire, témoignant de la résilience globale de l'industrie aéronautique française.