Repli industriel global : l'Amérique et l'Inde résistent, l'Europe en retrait
Les disparités régionales s'accentuent en 2024, révélant des stratégies opposées entre continents et une redistribution des flux financiers mondiaux.
L'année 2024 marque une baisse marquée des investissements industriels à l'échelle mondiale, selon le baromètre Trendeo. Pourtant, dans ce contexte de recul global, les États-Unis et l'Inde parviennent à tirer leur épingle du jeu, tandis que l'Europe et la Chine voient leur attractivité diminuer.
États-Unis et Inde, nouveaux moteurs industriels
En 2024, les investissements industriels mondiaux atteignent 1 120 milliards de dollars, contre 1 516 milliards en 2023, soit une chute globale de 26%. Cependant, deux pays se distinguent par leur capacité à attirer des capitaux.
Les États-Unis captent désormais 36% des investissements mondiaux, une hausse spectaculaire par rapport aux 20% enregistrés l'année précédente. Ce succès est largement attribué à l'Inflation Reduction Act (IRA), un programme américain initié en 2022 par l'administration Biden, qui injecte 370 milliards de dollars sur dix ans pour renforcer l'industrie nationale.
David Cousquer, fondateur de Trendeo, souligne le rôle des capitaux étrangers : "La forte relance industrielle américaine est surtout tirée par des investissements européens", cité par Le Monde. En effet, 45% des investissements directs étrangers (IDE) aux États-Unis proviennent de l'Europe, ce qui fait du pays la première destination mondiale pour ces flux financiers. Pour la première fois, les IDE y surpassent les investissements domestiques.
De son côté, l'Inde se positionne comme la nouvelle locomotive asiatique. Le pays attire 25% des investissements industriels mondiaux, contre seulement 8% en 2023. Cette progression reflète une politique favorable au développement d'infrastructures et une diversification dans des secteurs stratégiques. Cette attractivité croissante contraste fortement avec le ralentissement observé en Chine, où les investissements chutent de manière significative.
Le recul de l'Europe et de la Chine
Si l'Europe parvient à stabiliser sa part des investissements mondiaux à 12% en 2024 (contre 10% en 2023) comme le souligne La Tribune, cette progression reste limitée. Une large part des capitaux européens continue de se diriger vers l'étranger, totalisant 412 milliards de dollars investis hors Union européenne, contre seulement 256 milliards à l'intérieur. Cette tendance, confirmée par le rapport Draghi, reflète un paradoxe industriel.
La France illustre parfaitement cette dynamique. Le pays enregistre une baisse de 10% des investissements industriels, marquée par un recul dans le secteur manufacturier et celui des équipements électriques. Le solde net d'ouvertures d'usines est négatif pour la première fois depuis 2019, avec 15 fermetures supplémentaires par rapport à l'année précédente. En revanche, les investissements augmentent dans des domaines comme l'énergie (+28% en 2024) et la chimie (+23%), portés par des initiatives de transition écologique.
En Asie, la situation est contrastée. La Chine, longtemps leader industriel mondial, voit sa part dans les investissements mondiaux passer de 13% en 2023 à seulement 7% en 2024. Ce recul est attribué à une crise de la demande interne et à un ralentissement des investissements dans des technologies déjà matures, comme les batteries électriques. Concernant ces dernières, "la Chine maîtrise tellement cette technologie qu'elle n'a plus forcément besoin d'investir autant que par le passé", explique Matthieu Dussud de McKinsey.
Transformations sectorielles majeures
La baisse globale des investissements affecte particulièrement certains secteurs. L'industrie manufacturière, par exemple, enregistre une chute de 37%, avec des reculs marqués dans l'électronique (-58%) et les équipements électriques (-60%). Ces baisses reflètent un ralentissement des projets liés aux batteries et aux véhicules électriques, particulièrement en Europe.
À l'inverse, certains secteurs émergent comme des moteurs de croissance. Le raffinage pétrolier et gazier enregistre une hausse de 65%, tandis que les data centers continuent leur expansion avec une augmentation de 16%. Les États-Unis dominent ce segment, profitant de la demande croissante en infrastructure numérique et du soutien massif des grandes entreprises technologiques.