Spatial : avec Iris2, l'Europe réplique à Starlink de SpaceX
Afin de ne pas dépendre des constellations géantes américaines, Starlink de SpaceX ou Kuiper d'Amazon, l'Union Européenne a donné ce lundi le coup d'envoi d'Iris2, sa future infrastructure de connectivité spatiale souveraine. Pour se faire, l'UE a signé un contrat de concession de douze ans avec le consortium SpaceRise, avec le français Eutelsat, le luxembourgeois SES et l'espagnol Hispasat. Les trois opérateurs de satellites de télécoms se sont partagé les responsabilités, SES s'occupant des aspects administratifs, Hispasat le segment Sol et Eutelsat les systèmes et l'ingénierie, faisant de lui le directeur technique (CTO) du programme. Le trio doit s'appuyer sur une équipe de partenaires industriels pour concevoir, fabriquer et exploiter Iris2 : Thales Alenia Space (TAS), OHB, Airbus Defence and Space, Telespazio, Deutsche Telekom, Orange, Hisdesat et Thales SIX. L'Agence spatiale européenne (ESA) doit, elle, apporter son expertise technique : "Ce ne sont pas les agences spatiales qui définiront le design détaillé du projet industriel, ce sont les industriels ! C'est un changement fondamental qui va dans le sens de l'histoire", précise Philippe Baptiste, président du Cnes.
Troisième programme européen
Après Galileo dans la navigation spatiale et Copernicus dans l'observation de la Terre, Iris2 est le troisième programme phare de l'UE. Après avoir observé l'utilité de Starlink pour les armées Ukrainiennes et la dépendance à Elon Musk, patron de SpaceX, qui a plusieurs fois coupé l'accès au signal de Starlink, Iris2 est lancé pour "relever les défis urgents à long terme en matière de sécurité, de sûreté et de résilience", explique Bruxelles. À partir de 2030, la constellation devrait pouvoir offrir des services de connectivité sécurisé aux États européens, aux armées, aux entreprises et aux citoyens (7% des foyers de l'UE) qui ne sont pas ou mal connectés à internet. En cas d'attaque ou d'effondrement de ceux-ci, Iris2 devrait servir de système de secours. "Iris2 ouvre la voie à des services quasi instantanés qui seront utiles pour la défense comme pour des applications civiles, comme les véhicules autonomes, la téléchirurgie et les transports", détaille Philippe Baptiste. Les données seront stockées en Europe et le centre de contrôle sera réparti entre Luxembourg, Toulouse et Fiumicino en Italie.
Rupture avec les constellations américaines
Iris2 sera financée à hauteur de 6 milliards par des fonds publics européens, dont 2 milliards ont été votés, de 4,1 milliards par les trois co-maîtres d'œuvre — Eutelsat étant le premier contributeur à hauteur de 2 millairds — et de 550 millions par l'ESA. Son budget est de 10,6 milliards d'euros au total, dont 30% réservé à des PME et des start-up. Plus avancée technologiquement que les méga constellations américaines, Iris2 marque également la rupture avec celles-ci. Première infrastructure mondiale de connectivité multi-orbites, elle doit associer 300 satellites interconnectés, en orbite basse et très basse, moyenne et géostationnaire avec dix satellites de communications gouvernementaux déjà existants.
La constellation "bénéficiera des synergies avec des technologies développées sur d'autres programmes commerciaux", explique Eva Berneke, directrice générale d'Eutelsat, soit la constellation OneWeb (620 satellites en service) puis OneWeb2. "C'est aussi la première constellation au monde qui sera compatible avec la norme 5G terrestre et qui inclura des mécanismes de cryptographies de pointe résilients aux nouvelles menaces étatiques (attaques cyber et électroniques)", précise Bruxelles.
Lancement des premiers satellites dès 2029
Après le travail par SpaceRise sur l'architecture de la constellation et sur la consolidation de la chaîne des fournisseurs en 2025, ce sera au tour de la phase de développement jusqu'en 2028, puis le lancement des premiers satellites à partir de 2029 suivi des premiers services en 2030 et 2031. "C'est long parce que certaines des technologies ne sont pas disponibles en Europe et doivent être développées : c'est par exemple le cas des antennes actives, des terminaux sols 5G et demain 6G, capables de s'interfacer avec les satellites et aussi des technologies quantiques qu'Iris2 devra intégrer mais qui n'ont pas encore atteint le bon niveau de maturité", explique Eva Berneke. En attendant le lancement d'Iris2, l'UE lance l'initiative GovSatCom dès 2025, qui offrira un premier service sécurisé aux armées européennes. Plusieurs pays non-membres souhaitent avoir accès à Iris2 comme le Japon, la Corée du Sud, l'Australie, la Norvège ou plusieurs pays africains, alors que Londres envisage un partenariat avec l'américain Kuiper.