La santé au travail post-Covid sera numérique ou ne sera pas !

En matière de prévention, de fluidification des échanges, de sensibilisation ou encore de prise en charge, les salariés, les entreprises et même l'Etat ont tout à gagner en empruntant enfin ce virage numérique.

La crise sanitaire nous a contraints à réinventer notre manière de travailler et à repositionner la santé en tant que priorité des entreprises et des salariés. Elle a aussi généré de nouvelles obligations à assumer en un temps record pour les employeurs, en raison notamment de l’adaptation des consignes générales de sécurité sanitaire. Avec la généralisation du télétravail, de nouveaux risques font leur apparition. Mais cette crise, est avant tout un accélérateur de mutations déjà bien engagées en matière de santé au travail. Les nouvelles générations, avec leurs besoins spécifiques et leur appétence pour le numérique représentent désormais une part importante des 26 millions de Français qui composent la population active. Les attentes des entreprises ont également évolué, pour réclamer plus de conseils de la part des services de santé au travail.

Pour faire face à ces évolutions qui ont vocation à perdurer après la crise de la Covid-19, la santé au travail doit impérativement se transformer et opérer sa révolution digitale. Véritable facilitateur, le numérique doit permettre aux acteurs de la santé au travail d’aller encore plus loin sur des domaines cruciaux comme la prévention, la fluidification des échanges entre les salariés, les entreprises et les services de santé au travail, la sensibilisation et même la prise en charge.

La technologie doit favoriser les échanges pour un meilleur suivi de la santé globale du salarié 

Les entreprises ont tout à gagner avec l’accélération de la transition numérique. La santé au travail ne doit pas constituer une contrainte pour l’employeur et le salarié, mais devenir, grâce aux innovations en la matière, un instrument de progrès mesurables pour la santé et la qualité de vie au travail, tout en contribuant aux résultats économiques de l'entreprise. Téléconsultation, médecine prédictive, E-learning, outils d’identification et d’évaluation des risques, gaming, réalité augmentée… constituent autant d’outils et de services innovants, d’ores et déjà activables par les services de santé au travail dans cette optique.

Avec l’ouverture croissante au télétravail pour une catégorie de salariés, comment ne pas plaider pour la généralisation de l’accès à la téléconsultation ? Le salarié, doit dès aujourd’hui être en mesure d’effectuer sa visite médicale à distance, si son exposition aux risques le permet. Comment ne pas plaider également pour l’usage d’une application mobile lui permettant, en plus de l’accès à la téléconsultation, de pouvoir consulter son exposition professionnelle, son historique de santé au travail et des conseils adaptés à sa situation personnelle ? Ces outils existent déjà et ne demandent qu’à être utilisés.

A terme, le numérique peut également permettre à l’Etat d’agir plus facilement sur la santé de la population active, notamment dans la mise en place de politiques plus efficientes en matière de prévention des risques. Un objectif rendu possible grâce à l’appui de datas consolidées et à condition d’inciter à l’interopérabilité totale des systèmes d’informations. Des mesures non négligeables quand on sait qu’elles permettent une plus grande maîtrise des dépenses de santé.

Ce virage numérique doit être aussi l’occasion de rapprocher – enfin - médecine de ville et médecine du travail, qui ont toujours fonctionné l’une à coté de l’autre en silos. Pourtant, la santé d’une personne est indivisible et ne peut pas être envisagée d’un coté dans un contexte privé et de l’autre professionnel. La technologie doit permettre de favoriser les échanges, pour un meilleur suivi de la santé du salarié. En ce sens, l’ouverture du dossier médical de travail au Dossier Médical Partagé (DMP) doit être un objectif commun.

Une médecine des 4P, sans compromis sur la sécurité des données !

Ces solutions de demain impliqueront tous les acteurs de la santé au travail : employeurs, salariés et services de santé interentreprises, au service d’une santé au travail des 4P. Prédictive, parce que le recours au big data permet une analyse des données considérablement plus performante et de réaliser ainsi de véritables benchmarks. Préventive, puisque ces données consolidées sont indispensables pour élaborer des politiques de prévention efficientes. Personnalisée, pour permettre à chaque salarié d’obtenir une visibilité globale de sa santé au sein de son environnement professionnel et des risques auxquels il est exposé. Et Participative, pour encourager l’engagement en temps réel des acteurs et fluidifier les échanges.

Si l’urgence de la digitalisation est réelle, celle-ci doit évidemment s’effectuer sans aucun compromis sur la sécurité des données personnelles de santé. Les craintes liées au DMP concernant la médecine de ville en témoignent. La question des données de santé est extrêmement sensible et il est parfaitement légitime de vouloir les sécuriser au maximum. En ce sens, le numérique ne constitue pas une menace pour la protection de nos données de santé au travail, mais bien une véritable opportunité d’en renforcer la sécurité grâce aux solutions techniques déjà existantes.

Au regard de ces éléments, les pouvoirs publics, à travers le projet de réforme de la santé au travail comme les acteurs de la santé au travail ne disposent d’aucune excuse valable pour ne pas emprunter ce virage numérique. Un virage serré, arrivant à vive allure, qu’il convient d’aborder collectivement. Un passage-obligé, pour assurer au mieux la santé des 26 millions de Français qui travaillent, surtout dans cette période de crise sanitaire.