Lutte contre le cancer : l'innovation en termes de financement, une condition au progrès thérapeutique

Journée mondiale de lutte contre le cancer, le 4 février est, chaque année, l'occasion de faire un état des lieux de l'épidémiologie, de parler du dépistage et des traitements ou encore d'identifier les marges de progrès afin de guérir plus de malades. Cependant, l'innovation en termes de financement est rarement au centre des débats.

Elle progresse moins vite que l’innovation médicale et technologique, alors qu’elle est centrale si l’on veut permettre aux patients d’accéder aux meilleurs traitements. La radiothérapie en offre une illustration exemplaire.

La lutte contre les cancers s’est accélérée de manière considérable : alors que l’incidence de la maladie n’a cessé d’augmenter depuis 25 ans, la mortalité est en baisse continue. Aujourd’hui, tous cancers confondus, on guérit désormais plus d’un cancer sur deux. Les progrès d’ores et déjà accomplis sont non seulement le fruit de l’amélioration du dépistage et du diagnostic précoce, mais aussi des avancées des traitements, comme la chirurgie ou les thérapies ciblées, les immunothérapies, sans oublier la radiothérapie, qui concerne 60% des personnes traitées pour un cancer à un moment ou à un autre de leur prise en charge. 

Grâce aux avancées de l’informatique et de l’imagerie médicale, la radiothérapie a connu, durant les 30 dernières années, des progrès qui témoignent de la révolution thérapeutique à l’œuvre dans la prise en charge des cancers, et notamment de l’essor de la médecine personnalisée. Ainsi, de même que les thérapies ciblées fondées sur l’analyse moléculaire de la tumeur offrent la possibilité de choisir la thérapie la mieux adaptée, l’association d’un accélérateur linéaire de particules (Linac) à une IRM – de qualité diagnostique pour les machines les plus avancées – permet de s’adapter en temps réel aux changements anatomiques du patient et d’offrir un traitement sur mesure. Ces nouveaux équipements permettent de traiter plus efficacement certains cancers, de diminuer le nombre de séances et de limiter les effets secondaires, comme l’incontinence urinaire ou la dysfonction érectile dans le traitement du cancer de la prostate. Ils s’inscrivent dans le cadre de la médecine personnalisée et ont un impact direct sur la qualité de vie des patients, mais le surcoût lié à l’acquisition et à l’utilisation de ces technologies innovantes n’est pas pris en compte dans le financement des traitements. 

Axe important de progrès des traitements, la qualité de vie est devenue l’un des enjeux majeurs de la prise en charge des cancers. En effet, si, pendant longtemps, le combat des chercheurs, des médecins, des industriels, s’est concentré sur la survie des malades, avec l’amélioration de celle-ci, l’attention accordée à la qualité de vie des patients est devenue capitale.  

La qualité de vie, c’est, comme on l’a vu, la diminution des séquelles, mais c’est aussi la qualité de vie pendant le traitement. Elle passe notamment par la diminution du temps de traitement la réduction du nombre de visites aux centres de soins. En matière de radiothérapie, l’évolution technologique des machines, permet désormais d’administrer la dose de rayons optimale pour neutraliser la tumeur en un nombre de séances (dites « fractions ») réduit. On parle d’hypofractionnement. Concrètement, certains centres de traitement du cancer mettent en place des organisations innovantes : ainsi, Gustave Roussy propose désormais aux femmes de plus de 60 ans atteinte d’un cancer du sein, un traitement en 5 jours au lieu de 3 à 5 semaines après leur intervention chirurgicale. L’efficacité demeure la même mais le gain en termes de qualité de vie est très appréciable, sans compter l’impact de cette organisation sur la limitation des risques de contamination en temps de pandémie. Ce type d’avancée issue de l’innovation technologique ne permet toutefois pas aux établissements de se rémunérer aussi bien qu’avec une séquence classique de 15 à 20 séances de radiothérapie parce qu’à l’heure actuelle, la tarification du traitement est fixée à la séance. Ce parcours innovant entraîne donc une perte de revenu pour le centre, qui n’est pas récompensé de son engagement en faveur de l’amélioration de la qualité de vie des patients. 

Ces exemples montrent combien l’innovation technologique a progressé plus vite que le système de tarification. Ils soulignent aussi les coûts induits par l’absence d’incitation à l’innovation : coûts en termes de transports, en termes de prise en charge des séquelles des traitements, d’impact sur la productivité. L’adaptation de la tarification est donc aussi un moyen de générer des économies. 

Le financement du traitement du cancer est un enjeu crucial dans la lutte contre la maladie, d’une part parce que son incidence augmente ; d’autre part, parce que, grâce à l’amélioration des traitements, la maladie devient chronique ; enfin, parce que la victoire contre le cancer passe de plus en plus souvent par l’association de différentes thérapies innovantes comme l’association de la radiothérapie et de l’immunothérapie dans certains mélanomes ou cancers du poumon, qui améliorent le pronostic. Il doit être au cœur de toutes les attentions. 

Le rapport Aubert sur la transformation du financement du système de santé rédigé, en 2019, à la demande de la ministre de la Santé Agnès Buzyn, propose des financements au forfait, qui tiennent compte de la pertinence et de la qualité des soins. Ce modèle de prise en charge devrait d’ailleurs se concrétiser dès l’année prochaine, conformément aux propos tenus par le ministre de la Santé Olivier Véran dans l’hémicycle, à l’occasion des discussions autour de la dernière loi de financement de la Sécurité Sociale. 

Si des pistes se dessinent pour adapter le financement des traitements au nouveau visage de la médecine, il faut aller plus vite pour favoriser l’accès des patients à l’innovation médicale et technologique. Le chantier est immense parce que nous sommes au cœur d’une révolution thérapeutique. Il est néanmoins essentiel si l’on veut gagner contre le cancer.  

C’est pourquoi la Journée mondiale de lutte contre le cancer doit nous inviter à faire preuve, ensemble, d’imagination pour favoriser l’accès des patients aux traitements innovants, qui améliorent à la fois le pronostic des cancers et la qualité de vie des malades.