Le secteur de la Santé en France pourra-t-il rattraper son retard ?

Que ce soit en France ou dans bon nombre de régions du monde, le secteur médical fait face à de nombreux challenges.

Au retour d’un voyage d’étude en Amérique du Nord, organisé en amont du salon HIMSS, mon premier constat est que cette crise sanitaire ne touche pas seulement la France ; c’est un défi mondial. Partout, les hôpitaux et les professionnels de la santé doivent composer avec différents facteurs : un nombre décroissant de praticiens, des problèmes de vocation et de rémunération pour attirer de nouveaux talents, mais surtout une augmentation significative de la demande, notamment en raison du vieillissement des populations et du développement des maladies chroniques.

Toutefois dans cette période complexe, certains pays font preuve de résilience et continuent d’avancer malgré les importantes difficultés rencontrées. C’est le cas du Canada qui affronte ces défis au quotidien et a su adapter son système de santé. Sans grande surprise, aujourd’hui, ils sont bien en avance sur la France. 

Une gestion de la crise sanitaire compatible avec l’amélioration du système de soin

Le fossé se creuse réellement entre la France et nos voisins d’outre-Atlantique notamment sur la capacité à anticiper les défis conduits par la crise sanitaire tout en continuant d’offrir aux patients des soins adaptés. Au Canada, l’accompagnement du patient avant et après son hospitalisation est considérablement développé et fait entièrement partie des processus de prise en charge habituels.

Avant chaque hospitalisation, une enquête est menée par les équipes médicales dédiées sur la situation personnelle du patient et son entourage, afin d’adapter son traitement.

La prise en charge du patient dès son domicile permet aux soignants :

●      De faire de la médecine prédictive, en analysant les potentiels risques et facteurs de développement des pathologies dans l’environnement du patient.

●      De faire de la médecine de précision, en orientant les patients vers le meilleur traitement et accompagnement possible, notamment à domicile.

En France, cette démarche n’étant pas systématisée, nous sommes encore trop accès sur le curatif. En allant chercher ces informations, l’hôpital corrige, adapte la prise en charge du patient et permet d’améliorer son retour à domicile par des équipes professionnelles dédiées (infirmiers libéraux, médecins de ville, praticiens spécialisés), et de potentialiser l’expérience et la satisfaction du patient.

En plus de l’amélioration des soins aux patients, le deuxième intérêt de cet accompagnement est la fluidification du parcours patient et le désengorgement de l’hôpital. Si le patient est accompagné par son médecin de proximité avant et après son hospitalisation, les lits seront optimisés dans les hôpitaux, les équipes seront déchargées et par conséquent, les centres hospitaliers réduisent leurs dépenses et leurs coûts. Avec la démocratisation de la téléconsultation et le télé suivi des patients à leur retour à domicile, les équipes médicales, souvent restreintes, peuvent prendre en charge les patients plus rapidement et plus sereinement.

A titre d’illustration, le Centre Hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), qui disposait de plus de 1100 lits sur 3 établissements il y a quelques années, fonctionne dorénavant avec un peu plus de 700 lits sur un seul bâtiment et se concentre uniquement sur son cœur de métier, c'est-à-dire, traiter les pathologies nécessitant une expertise forte.

La visite du Centre Hospitalier Universitaire Sainte Justine, un des plus grands centres pédiatriques en Amérique m’a aussi particulièrement intéressé. Une des principales problématiques rencontrées par cet établissement avec les enfants, est qu’ils verbalisent difficilement leurs symptômes, la téléconsultation devient alors un véritable challenge. Leurs chercheurs ont alors travaillé sur un système avancé pour contourner cet obstacle, notamment en formulant des questions fermées et en s’appuyant sur les accompagnants, qui eux ont la capacité de “décoder” leurs enfants.

De nouveaux enjeux : la data et l’intelligence artificielle

Le deuxième constat observé lors du salon HIMSS, est la nécessité d’obtenir des données saines. L'intelligence artificielle est de plus en plus utilisée dans le parcours des patients. En Amérique du Nord, l’IA est au service de la recherche médicale, de la médecine de précision, mais surtout de la médecine prédictive. Cette technologie, à condition de savoir l’interpréter, permet d’anticiper certaines pathologies ou état de santé d’un patient, et donne la possibilité au corps médical d’adapter le traitement en conséquence.

Toutefois, l'intelligence artificielle repose en grande partie sur la donnée et sur ce point, le système de santé français a du retard. L’utilisation de la donnée est un des principaux enjeux de la médecine aujourd’hui.

Les organisations médicales françaises se concentrent principalement sur l’extraction et l’exploitation de cette donnée. Toutefois celle-ci est difficilement utilisable car essentiellement présente dans le compte rendu et donc non structurée. C’est l’erreur qu'ont faite les États d’Amérique du Nord, il y a déjà quelques années. Après l’avoir (la donnée) standardisée, exploitée et intégrée dans les outils du quotidien, ils sont revenus à la source et ont travaillé sur des programmes pour faciliter la saisie des données de manière structurée. Cette prise de conscience témoigne de la maturité de ces pays autour de cet enjeu qu’est l’accès à des données de qualité.

Alors que le recrutement dans le secteur de la santé est de plus en plus difficile, il devient primordial pour les établissements d’utiliser ces outils et ces technologies pour simplifier le quotidien des praticiens et attirer de nouveaux profils en facilitant les tâches administratives.

La mise en place de plateformes d’échanges et de partages d’informations de santé, accessibles à tous les praticiens d’un groupement hospitalier permet aux professionnels de santé de suivre le traitement de leurs patients, d’enregistrer des données et d’avoir accès aux résultats d’examens facilement, leur dégageant ainsi plus de temps auprès de leurs patients.