Quel avenir pour l'encadrement des pratiques addictives dans les jeux vidéo ?

Si le jeu vidéo est un art dont la reconnaissance ne reste qu'à parfaire auprès de certains esprits conservateurs, il ne faut néanmoins pas fermer les yeux sur l'existence de pratiques addictives.

Précisément, sont ici visées les fonctionnalités perverses tendant à faire dépenser des sommes importantes aux joueurs ou celles les incitant à jouer quotidiennement pour créer une dépendance.

A titre d’exemple, ces pratiques correspondent à des récompenses de connexions quotidiennes, des loteries en ligne pour l’obtention de divers objets (lootboxs) ou encore des affichages trompeurs comme ne pas indiquer les prix en euros mais dans la monnaie virtuelle du jeu.

Ces pratiques, dont les objectifs premiers sont la rentabilité et la maximisation des profits, ont été encadrées par certains pays. Depuis 2018, la Belgique et les Pays-Bas ont strictement interdit le mécanisme de lootxbox dans les jeux vidéo en les assimilant juridiquement à des jeux d’argent et de hasard. Cette prohibition a eu pour effet d’empêcher la sortie sur les territoires de certains jeux comportant ce type de fonctionnalité tels que Lost Ark ou Diablo. En Chine, un projet de loi est en étude depuis le 22 décembre et jusqu’au 22 janvier 2024. Parmi les diverses propositions de ce projet, il y a notamment le fait d’interdire les récompenses de connexions ou à la suite d’un premier achat ainsi que l’instauration d’un affichage d’avertissement pour le joueur qui dépense son argent de manière irrationnelle.  Ce nouveau corpus normatif étudié semble d’ailleurs déjà avoir été intégré par d’importants éditeurs chinois à portée mondiale, tel que Hoyoverse, qui ont d’ores et déjà modifié certaines de ces fonctionnalités dans leurs jeux.

En France, bien que ces sujets aient fait l’objet de divers rapports institutionnels, articles de doctrine ou encore questions directes à l’Assemblée nationale, il n’existe aucune régulation spécifique sur ces pratiques. Les lootboxs ne peuvent pas être qualifiées de jeux d’argent et de hasard du fait que dans certaines situations, les conditions de qualification de sacrifice financier, d’existence de gain ou d’espérance de gain pour le joueur ne peuvent pas être observées. Les fonctionnalités visant à une connexion régulière pour plus de récompenses ne sont de leurs côtés pas prohibées tout comme certains affichages à caractère trompeur.

Néanmoins, le droit français encadre tout de même ces pratiques addictives de manière indirecte. Par exemple, le Code de la consommation, que ce soit par l’obligation générale d’information précontractuelle des consommateurs ou la prohibition des pratiques commerciales déloyales - dont l’un des éléments de définition est la possibilité d’altération du comportement économique du consommateur -, instaure des premiers contours à ces fonctionnalités.

Au niveau européen, ces problématiques font l’objet de discussions à vocation normative. Le 13 octobre 2022, un rapport a été déposé au Parlement européen faisant notamment état de ces pratiques et invitant la Commission à « envisager des mesures législatives (…) pour résoudre les problèmes liés » à ces phénomènes. Dans un communiqué de presse en date du 12 décembre 2023, le Parlement indique qu’il a été demandé à la Commission de « combler les lacunes juridiques existantes et d’introduire une nouvelle législation contre la conception addictive ». Affaire à suivre donc.

Si l’apparition de normes plus spécifiques semble se faire désirer eu égard aux dérives observables dans le monde du jeu vidéo, l’encadrement de ces pratiques ne doit pas constituer une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre des sociétés du secteur et, in fine, freiner le développement économique du marché. Il s’agira d’effectuer une balance des intérêts adéquate.