Economie collaborative : origine et législation

Depuis plusieurs années, des entreprises innovantes à internationalisation rapide apportent sur le marché des innovations disruptives. Si la plupart d’entre elles sont d’ordre technologique, l’une s’est imposée comme un nouveau modèle économique : l’économie collaborative (ou participative).

Cela fait des décennies que nous parlons d’internationalisation, de mondialisation ou de globalisation. Il est même envisageable de considérer cette expansion comme inhérente à l’évolution humaine : de tout temps, l’Homme étend son territoire, se regroupe en communautés de plus en plus grandes, de plus en plus organisées. Les nouvelles technologies, la standardisation des procédés et l’abaissement des barrières des marchés ont rapetissé le monde. L’internationalisation n’est plus seulement l’apanage des sociétés fortement implantées sur leur territoire national mais s’offre à toute entreprise ambitieuse. De nouvelles sociétés audacieuses se lancent dès leur naissance vers des marchés extérieurs. Pour elles, la notion de frontière est relative. Ce qui importe c’est que les marchés ciblés soient semblables au marché domestique. Ces entreprises à internationalisation rapide sont surnommées les « Born Global ».

Les difficultés que rencontrent ces « Born Global » sont grandes : ils doivent opérer dans différentes langues, s’adapter à la culture de chaque pays, être conformes aux législations internationales et locales et être flexibles dans un contexte économique mouvant. En réponse aux récentes crises économiques, climatiques et sociales sans précédent à une échelle mondiale, certains « Born Global » sont à l’orée d’un nouveau mode de consommation : ils ont inventé l’économie collaborative. Ils permettent de mettre rapidement en contact des particuliers qui souhaitent échanger des biens ou services. C’est le cas notamment d’Airbnb, VoulezVousDiner ou BlablaCar.

Cette économie, parfaitement adaptée au contexte de récession actuel, est en pleine croissance : selon le cabinet PwC, le chiffre d’affaires mondial du secteur est en phase de connaître une évolution de plus de 1 400 % sur 12 ans en passant de 20 milliards (en 2013) à plus de 300 milliards d’euros d’ici 2025. En France, le marché représente actuellement 3.5 milliards d’Euros. Les régulateurs y voient ainsi une opportunité et souhaitent mieux le réglementer.

Ces start-ups du collaboratif à l’orée d’une nouvelle législation

Si le système actuel ne présente pas de vide juridique en tant que tel, il faut reconnaître qu’il n’est pas prévu pour encadrer cette nouvelle forme d’activité économique : les particuliers éprouvent des difficultés à identifier les revenus à déclarer ou non à l’administration fiscale. En effet, seuls les revenus relevant du partage de frais ne sont pas imposables. Aujourd’hui par exemple, les revenus perçus via le site BlablaCar ne sont pas imposables tant que l’opération de covoiturage relève de la co-consommation. Ils le sont en revanche s’ils représentent un moyen de s’enrichir (opération commerciale).

A ce jour, l’administration fiscale n’est pas capable d’identifier les revenus provenant de l’économie collaborative mais des mesures sont prises pour pallier ce manquement. Par exemple, depuis fin 2015, le site Airbnb collecte lui-même - et reverse aux mairies de certaines grandes agglomérations - la taxe de séjour pour le compte de ses hôtes. Dans le même sens : la loi de finance de 2016 demande aux sites relevant de l‘économie participative d’informer leurs utilisateurs des sommes qu’ils doivent déclarer à l’état – sachant que le montant à déclarer dépend de plusieurs facteurs dont la nature des sommes et leur périodicité. L’objectif est de mieux informer pour inciter les déclarants à être exhaustifs quant à leurs sources de revenus : un sondage de TNS Sofres datant de 2014 montre que seuls 15 % des sondés déclarent, ou ont l’intention de déclarer, à l’administration fiscale les recettes provenant de l’économie participative. Ces mesures permettront d’augmenter le nombre de déclarants.

Malgré la mise en place de ces règles, cette nouvelle économie échappe toujours en partie à l’Etat. Des travaux sont en cours pour y pallier et c’est dans ce sens que Pascal Terrasse (député de l’Ardèche) a écrit un rapport début 2016. Celui-ci pose les grandes lignes pour une fiscalité équitable tout en y apportant un meilleur cadre réglementaire. Concernant l’imposition des usagers, la 19ème préconisation du rapport stipule que « sans aller jusqu’à prendre en charge la collecte de l’impôt, les plateformes qui ont connaissance des revenus dégagés par leurs utilisateurs pourraient en communiquer les montants aux administrations sociales et fiscales en vue de fiabiliser les déclarations des contribuables ».

Quel avenir pour le secteur ?

Alors que le manque de réglementation permettait à ces start-ups d’imaginer leur marché et de créer leurs propres règles, elles sont en passe aujourd’hui de disposer d’un cadre réglementaire. Cela représente une contrainte supplémentaire à laquelle elles doivent s’adapter. Toutefois ce rempart législatif  bénéficiera aux entreprises traditionnelles - concurrentes des plateformes collaboratives - qui joueront désormais à armes égales avec elles. La SNCF par exemple, pour lutter contre la menace que représente pour elle le site Blablacar, a développé son offre de voyages en bus dotés de wifi et a racheté le site 123envoiture.com.

Ce nouveau modèle économique créé par ces « Born Global », qui y ont vu une nouvelle manière de consommer à une échelle mondiale, redonne du pouvoir aux usagers. Ils ne réinventent pas l’économie mais offrent une alternative crédible aux entreprises traditionnelles en supprimant au maximum les intermédiaires entre l’offre et la demande. Aujourd’hui, ce modèle fonctionne surtout sur la thématique de l’ « échange de biens ou services ». Il est envisageable que, demain, tous les secteurs soient impactés (l’énergie ou la grande distribution pour en citer quelques-uns). L’évolution des cadres juridiques et fiscaux est à venir et les régulateurs devront être flexibles. Enfin, l’enjeu principal pour les Etats sera de veiller à la bonne application du cadre juridique.