Ludovic Loy (Groupe Bruneau) "L'idée marketing géniale n'a de sens que si elle est directement utile au business"

Alors que la Nuit du Directeur Digital se rapproche, le chief marketing & digital officer du groupe de fournitures de bureau présente au JDN le dernier chantier majeur qu'il a conduit pour transformer l'entreprise.

JDN. Quelle a été votre priorité numéro 1 en 2017 ?

Ludovic Loy est chief marketing & digital officer du Groupe Bruneau. © Groupe Bruneau

Ludovic Loy. Notre priorité numéro 1 est d'améliorer sans cesse l'expérience client, notamment sur le site web. Nous avons l'habitude de mener beaucoup de projets en parallèle, dans le but de faciliter la vie du client, de proposer un site rapide et sûr, et une navigation simple, efficace et agréable. Cela dit, en 2017, notre grand chantier a incontestablement porté sur la data web et son exploitation, avec un objectif clair : une personnalisation beaucoup plus poussée de nos actions, tant sur Internet que sur d'autres canaux plus traditionnels. Sur le marché du B2B, on s'adresse à des personnes qui n'ont pas de temps à perdre. En captant un maximum d'informations, nous sommes en mesure de reconnaître le client lorsqu'il se connecte, et ainsi lui proposer une navigation personnalisée avec des recommandations produits parfaitement adaptées à ses besoins. Son expérience d'achat devient tout de suite plus simple et plus rapide.

Comment atteindre cet objectif le plus efficacement possible ?

L'organisation est un point clé. Fin 2016, nous avons opéré le rapprochement de l'équipe IT Web, issue de la DSI, avec mes équipes marketing data et marketing Web. Ma direction héberge désormais cette équipe IT. Ce rapprochement était nécessaire pour créer un terreau favorable à une culture partagée de la data. Notre métier consiste à faire émerger de nouvelles idées marketing qui s'appuient essentiellement sur de la donnée, exploitée par les data scientists, et de plus en plus sur de la technologie, maîtrisée par les développeurs. En rapprochant ces équipes, nous gagnons en rapidité d'exécution, en agilité… Nous sommes tout simplement plus "malins". L'idée marketing géniale ou innovante n'a de sens que si elle est directement utile au business, et s'il est possible de la mettre en œuvre techniquement. En mettant les développeurs aux côtés des marketeurs, nous sommes capables de prendre la bonne décision beaucoup plus rapidement. C'est ce que nous avons fait en développant notre propre moteur de merchandising personnalisé pour le site Web.

Pour quelle raison avoir lancé un tel développement alors que de multiples offres existent sur le marché ?

Nous sommes un site B2B et la personnalisation est un moyen pour que nos clients se sentent pris en charge dès qu'ils se connectent sur le site. Ils viennent pour passer commande à partir de besoins qui leur sont propres, et nous nous devons de les aider à choisir facilement parmi les 45 000 références proposées. Nous avons donc mené quelques expérimentations auprès d'éditeurs de solutions de recommandations produits, et nous avons décidé de nous lancer en parallèle dans le développement de nos propres algorithmes. Bruneau a une culture de la mesure et du test fortement ancrée dans son ADN. Il était donc évident que nous devions tester ces solutions externes contre nos algorithmes, et nous avons pu vérifier que nous étions plus performants que les solutions tierces.

"Nous avons pu vérifier que nous étions plus performants que les solutions tierces"

Nous avons aussi lancé une réflexion sur la façon la plus pertinente de mettre en œuvre cette personnalisation sur le site. Au-delà des algorithmes, le véritable enjeu était de disposer d'un outil de merchandising capable de pousser les données sur le site en fonction de tels critères ou de telles règles. Ce fut l'une de nos plus grosses réalisations 2017 : un outil de middle office qui permet à la fois de gérer notre connaissance client, tant liée aux transactions qu'aux données personnelles de navigation des visiteurs, mais aussi de piloter les mises en avant et les recommandations sur le site. C'est un outil qui est aujourd'hui à la disposition des marketeurs qui peuvent ainsi mettre en œuvre eux-mêmes toutes les actions de personnalisation, soit de manière automatisée en laissant travailler les algorithmes, soit manuellement pour mettre en avant une marque ou une catégorie de produits par exemple. Toutes ces zones de merchandising personnalisé pèsent déjà 14% de notre chiffre d'affaires Web.

Quels autres usages avez-vous aujourd'hui de vos algorithmes ?

Dès lors que l'on dispose de données sur les visiteurs du site et sur leur navigation personnelle, cette information est utile pour identifier des centres d'intérêt, des affinités ou d'éventuels projets en cours. Ce qui va permettre de guider intelligemment le visiteur vers la mise au panier d'articles, mais ce qui permet aussi de piloter nos actions sur d'autres canaux, notamment l'e-mail. Un comportement donné peut déclencher une action spécifique, comme par exemple auprès du visiteur qui a créé un compte ou visité une page, mais qui n'aurait pas commandé.

Nous menons de plus en plus d'actions marketing et commerciales très ciblées et très contextuelles, qui vont bien au-delà de la connaissance client classique. La data nous permet d'être au plus près du "bon moment" pour adresser la bonne offre en mode push. Outre le canal e-mail, Bruneau s'appuie toujours sur des catalogues papier, ainsi que sur des commerciaux qui peuvent accompagner les entreprises clientes dans leurs projets d'aménagement de bureaux, par exemple. Ces commerciaux s'appuyaient traditionnellement sur des interactions clients classiques (rendez-vous, échange téléphonique…). Avec la data issu du Web, nous pouvons maintenant leur délivrer des informations qui vont les aider dans leurs actions commerciales et leur remonter des leads en fonction de comportements observés sur le site.

Résumé du projet :

  • Pourquoi il est innovant :

"En 2017, notre grand chantier a incontestablement porté sur la data issue de la navigation web, et son exploitation à la fois dans notre politique marketing, dans nos segmentations, dans nos actions tant sur Internet que d'autres canaux. Les zones de personnalisation et de merchandising sur nos sites pèsent déjà 14% de notre chiffre d'affaires Web."

  • Pourquoi il est stratégique :

"Nous sommes issus de la VPC, et face à l'arrivée du Web nous avons considéré qu'il s'agissait d'une réelle opportunité pour avoir accès à un plus grand nombre de clients potentiels, mais aussi réduire nos investissements papier. Néanmoins, le point clé a été de ne pas vouloir créer une direction Internet spécifique, mais bien de faire en sorte que les experts produits, logistique, finance, relation client et marketing intègrent tous Internet dans leur travail au quotidien."

  • Pourquoi il est transformateur :

"Le rapprochement de l'équipe IT Web et des équipes marketing data et marketing Web nous a permis de gagner en rapidité d'exécution, en agilité. L'idée est bien de faire émerger des idées qui soient très directement utiles au business. Dès lors que les développeurs sont aux côtés des marketeurs, on est capable de prendre le bon chemin et la bonne décision beaucoup plus rapidement."

  • Pourquoi il est accélérateur :

"La data constitue un accélérateur de développement pour tout le groupe Bruneau. Les succès rencontrés en France sont ensuite partagés avec l'Espagne et la Belgique, et réciproquement. Nous n'agissons pas sur un mode défensif, mais bien avec la volonté de créer des modèles vertueux partagés dans le groupe pour dynamiser le business, et prendre des avantages décisifs face à la concurrence."

Le JDN propose pour la quatrième année consécutive le 19 juin prochain un événement destiné à récompenser les meilleurs chief digital officers de France. Pour en savoir plus : la Nuit du Directeur Digital.