Une dose d'IA, une touche d'IoT : les ports français aussi deviennent smart

Une dose d'IA, une touche d'IoT : les ports français aussi deviennent smart De nouvelles technologies vont permettre d'optimiser la logistique des ports du Havre et de Marseille... qui ont du retard à combler sur les grandes places maritimes européennes.

L'interface numérique des ports va devenir presque aussi importante que leur infrastructure physique pour leur permettre d'attirer toujours plus de marchandises. Sur ce sujet, les grands ports de marchandises ne partent pas de zéro. Des systèmes informatiques existent déjà, qui les aident à savoir approximativement où en est un conteneur (déchargement, inspection de la marchandise…). Et le guichet portuaire informatisé permet déjà aux transporteurs de déclarer leur marchandise avant même qu'elle soit arrivée.

En plus de ces initiatives,  l'arrivée de l'intelligence artificielle et celle de l'IoT apportent de nouvelles solutions pour améliorer la logistique des ports. En couplant machine learning et analyse de l'historique de ses données, il sera possible pour le gestionnaire d'un port d'établir différents scénarios logistiques en fonction de son niveau d'activité. Cette logistique prédictive va permettre aux clients de savoir où se trouveront leurs marchandises dans le port à tel ou tel moment. Le même procédé assure également une meilleure circulation des véhicules venant chercher des marchandises dans le port, les transporteurs routiers étant informés en temps réel.  

Conteneur connecté

"Ils pourront connaître l'état de la zone et donc le temps qu'ils vont y passer, via une application pour smartphone et tablette qui sera mise en service cette année", explique Frédéric Dagnet, directeur de la mission prospective et évaluations du port de Marseille-Fos. "Un système de rendez-vous existe déjà, mais il ne prend pas en compte les imprévus. Si le transporteur vient à l'heure alors qu'un accident a tout retardé de deux heures, il a perdu son temps." Le Havre planche sur un dispositif similaire.

Autre piste pour assurer un meilleur suivi de la marchandise, le conteneur connecté, développé par une société comme Traxens qui travaille avec des entreprises de logistique maritime dont CMA CGM et MSC. Ces conteneurs connectés peuvent être localisés avec précision dans le port et alerter leur propriétaire en cas de choc. Cette localisation millimétrée permet aussi d'optimiser leur gestion en repérant ceux qui sont vides, précise Frédéric Dagnet. "C'est un gros sujet pour les transporteurs qui veulent réduire le vide autant que possible. Il faut pour se faire replacer les conteneurs vides aux bons endroits afin de les remplir au maximum. "

Au Havre comme à Marseille, ces initiatives font partie de vastes plan de modernisation lancés par les deux ports français

 

Mais avant même d'assurer une meilleure circulation des marchandises il faut déjà améliorer celle des navires dans le port. L'une des solutions du Havre vient des plans de fonds de mer, qui indiquent la profondeur disponible à différents endroits du port. Un moyen d'identifier les zones trop peu profondes… et donc à éviter. D'autant que celles-ci peuvent varier. "Nous allons numériser ces plans, les mettre à jour systématiquement et les rendre accessibles à nos clients en temps réel", annonce Baptiste Maurand, directeur adjoint du port du Havre. 

Au Havre comme à Marseille, ces initiatives font partie de vastes plans de modernisation lancés par les deux ports français. Dans la ville normande, il s'agit du projet "Smart port city", élaboré dans le cadre d'une candidature de la communauté d'agglomération havraise (Codah) auprès du plan investissements d'avenir (PIA 3, Territoires d'innovation de grande ambition). A la clé, cinquante millions d'euros de financements. Le Havre fait partie des 24 lauréats sélectionnés en janvier dernier et espère désormais être l'un des dix finalistes qui recevront 50 millions chacun. Les résultats sont attendus en fin d'année.  Le projet, qui s'étalera sur dix ans, regroupe pouvoir publics, entreprises et universitaires. Il repose sur trois volets : la transformation technologique, la transition écologique et la construction d'une meilleure interface entre la ville et le port.

La concurrence devient technologique

A Marseille, la démarche smart port est guidée par le projet de recherche et d'innovation Brain Port Community. Comme au Havre, il s'appuie sur l'écosystème local, avec le lancement d'un "smart port challenge" prévu pour cet été. Cinq grands groupes lanceront cinq défis à des start-up, qui déboucheront sur des expérimentations de trois à six mois. Le port phocéen mise aussi sur le réseau universitaire local. "Une multitude de disciplines universitaires traitent du port d'une manière ou d'une autre mais en silo : énergie, environnement, ingénierie, économie…, pointe Frédéric Dagnet.  Nous voulons mettre en réseau tous ces enseignements des universités, écoles de commerce et d'ingénieurs à travers le lancement d'une chaire Smart port."

Là où de nombreux projets de projets smart city visent à réduire les coûts, ceux des ports s'inscrivent plutôt dans une démarche d'attractivité. Car Le Havre et Marseille sont en concurrence avec les grands ports du Nord de l'Europe, comme Rotterdam, Anvers, ou Hambourg, pour attirer les marchandises venues du monde entier. "Si l'accessibilité  maritime et terrestre restent des critères qui font que l'on fait plus confiance à un port qu'à un autre, la dimension smart port devient critique", remarque Baptiste Maurand. Et sur ce terrain, les ports du Nord ont un temps d'avance.  Fin janvier, le port de Rotterdam a signé un partenariat pluri-annuel avec IBM pour connecter tout le site en le truffant d'IoT, ce qui permettra de remonter sur un tableau de bord unique toutes sortes de données sur la météo, les courants, le niveau de l'eau, les disponibilités d'amarrage… A Hambourg, les systèmes de logistique prédictive convoités par Marseille et Le Havre sont déjà une réalité. "Hambourg est très avancé sur le smart port et nous a servi de modèle d'inspiration", reconnaît d'ailleurs le Marseillais Frédéric Dagnet. Les leaders portuaires de demain seront aussi des précurseurs technologiques.