Adecco se digitalise à temps plein

Adecco se digitalise à temps plein Pour s'adapter au nouveau marché du travail et contrer les start-up aux dents longues, le poids lourd de l'intérim multiplie les initiatives.

L'intérim est un marché comme un autre, il n'échappe ni à la révolution numérique, ni aux nouvelles attentes. Ce n'est pas Adecco, lancé depuis quatre ans dans une vaste stratégie de digitalisation, qui dira le contraire, et encore moins son PDG France, Christophe Catoir : "Les intérimaires ont changé : quel que soit leur niveau de qualification, leur âge, leur localisation, ils sont adeptes de l'immédiateté et accros à leurs smartphones."

En quelques clics il est désormais possible de réserver un billet de train ou d'effectuer un virement. "Logiquement, nos intérimaires ne comprenaient pas pourquoi ils devaient parcourir parfois une dizaine de kilomètres pour prendre connaissance des offres et perdre du temps dans la paperasse." Adecco a pris le temps de s'adapter : en 2014, le groupe a entamé un "start-up tour" qui l'a conduit à découvrir 180 jeunes pousses de l'e-RH en deux ans. Objectif : comprendre les mutations du marché du travail et s'adapter avec de nouvelles offres. Leurs noms ? Aloha et Adecco et moi.

"L'année dernière, 250 000 personnes ont échangé avec notre bot Aloha"

Aloha est un chatbot, ou agent conversationnel. Autrement dit un programme informatique qui dialogue avec l'internaute en comprenant les questions posées par ce dernier. Il permet aux intérimaires de trouver une offre correspondant à leurs attentes mais aussi de poser des questions relatives à leur contrat de travail ou leur statut. "Aloha est disponible sur le compte Facebook d'Adecco et sur notre site officiel", explique Rémi Thorel, en charge de l'activité bot pour Adecco. Lancé à titre expérimental il y a un an et demi, Aloha a dépassé les attentes initiales. "L'année dernière, 250 000 personnes ont échangé avec le bot et nous avons reçu 16 000 candidatures suite à une interaction avec Aloha", se félicite Rémi Thorel, qui envisage de le déployer dans d'autres pays.

Adecco s'est également attaqué à l'aspect administratif en lançant il y a un an Adecco et moi, son agence d'intérim 100% en ligne. L'application permet notamment de signer les contrats de travail à distance, de télécharger les certificats de travail, des bulletins de salaire, des attestations Pôle emploi ou encore de demander un acompte ou d'envoyer par scan sa pièce d'identité. Une formule qui en une année a séduit 350 000 intérimaires.

Un plan anti-start-up

Avec ces innovations, le groupe souhaite lutter contre les start-up qui proposent des emplois temporaires sans passer par des agences physiques. De jeunes pousses ambitieuses comme Badakan et Brigad pour l'hôtellerie-restauration ou encore de StaffMe pour l'emploi étudiant.

Mais en répondant à la dématérialisation… par de la dématérialisation, Adecco ne risque-t-il pas de mettre en péril ses 820 agences ? Pas le moins du monde, répond Christophe Catoir : "Le personnel des agences est débarrassé d'une partie des tâches routinières et dispose de plus de temps pour travailler sur la satisfaction candidat et le sourcing. C'est vital puisque 15% de nos missions ne trouvent pas de candidats".

"Le marché des plateformes de freelances est un véritable far-west"

Autre forte tendance du marché du travail : la montée en puissance des freelances. Spécialisés dans le conseil, la tech ou encore le marketing, ils étaient 800 000 en France en 2017. Un chiffre en hausse de 126% en dix ans. Une mine d'or à laquelle se sont attaquées des plateformes Internet telles que Malt, Crème de la Crème ou encore Comet et talent.io. Impossible pour Adecco de passer à côté de ce marché. Mais comment se distinguer face à ces start-up agiles ? En utilisant leurs recettes pardi !

Yoss, une plateforme à destination des grands groupes

Depuis février 2017, Adecco possède sa propre plateforme. Son nom : Yoss. A sa tête, Guillaume Herrnberger, ancien directeur de l'investissement digital monde chez Adecco. "Le marché des plateformes de freelances est un véritable far-west. Tous les acteurs veulent structurer ce segment en croissance de 300% par an alors que pour l'instant, seuls 13% des freelances passent par des plateformes. Adecco doit prendre le lead", estime-t-il. Totalement opérationnel depuis février 2018, Yoss s'adresse en particulier aux grands groupes et aux entreprises de services numériques. Parmi ses 300 clients : Axa, Essilor et Michelin.

Avec sa stratégie digitale, Adecco compte donc garder son cœur de cible, l'intérim traditionnel, tout en attaquant un nouveau marché. Un pari risqué ? " Si on reste dans notre zone de confort, nous serons disruptés. En revanche, si nous sommes agiles, en phase avec les tendances du marché, le futur sera radieux", assure Christophe Catoir.

Un article paru dans le Figaro Tech

Cet article est originellement paru le 24 septembre dans le Figaro Tech, supplément trimestriel du quotidien Figaro, fruit de la collaboration entre les équipes du Figaro Economie et du JDN. Objectif de ce cahier : créer un point de repère dans l'innovation technologique, pour distinguer les modes des phénomènes de fond.