L'urgence de valoriser le métier de technicien pour faire face à la pénurie de talents dans le secteur de la mobilité

Le secteur de la mobilité fait face à une pénurie de talents, mais plusieurs pistes existent pour permettre aux acteurs de fidéliser les techniciens tout en optimisant le rendement de leurs activités.

Avec la loi européenne, votée en juin 2022, mettant un terme à la vente de véhicules thermiques neufs à l'horizon 2035, les constructeurs automobiles vont intensifier la production de véhicules électriques. Alors que le marché français de la mobilité électrique fait preuve d'une certaine inertie, cette évolution du secteur, pourtant indispensable pour répondre à cette nouvelle directive, risque d’être freinée par le manque de main d'œuvre qualifiée. Le secteur doit donc anticiper pour atteindre cet objectif.

Cette nouvelle réglementation est une étape importante pour lutter contre le réchauffement climatique mais confronte les professionnels du secteur à une faille qui existe depuis plusieurs années. Fin 2022, on comptait un peu plus d’un million de voitures électriques immatriculées en France et d’ici à 2035, le nombre de véhicules électriques va augmenter entraînant, ainsi, une augmentation des besoins en bornes de recharge. Mais alors que la France avait pour objectif d’installer 100 000 points de recharge publics en 2021, il a fallu attendre 2023 pour atteindre ce cap, ce qui illustre bien la lente progression du secteur. Ce ralentissement s’explique à la fois par des prises de décision lente mais principalement par une difficulté à recruter des techniciens pour répondre à la demande. Cependant, les acteurs de la mobilité ont plusieurs leviers à leur disposition pour inverser la tendance.

La formation des techniciens

La raréfaction des talents peut s’expliquer par une méconnaissance des métiers de la mobilité électrique. En effet, cette industrie étant relativement récente, elle bénéficie de moins de visibilité expliquant ainsi, le manque de candidats. Promouvoir la visibilité des métiers de la mobilité permettra d’encourager les générations futures à rejoindre le secteur. Pour cela, intervenir dans les écoles pour faire découvrir les professions du domaine aux étudiants ainsi que les projets à développer pourrait être la clé. Les véhicules électriques n’étant encore qu’à leurs balbutiements en comparaison aux véhicules thermiques, plusieurs grandes révolutions sont encore à mener et ils ont les moyens d’y contribuer. C’est une vision à long terme qui permet d’améliorer l’image des professions du milieu et enrichir le vivier.

Optimiser les processus

Une étude de Juho Sakari Kerttula souligne que les techniciens subissent une perte de 26% de leur temps sur un chantier. Parmi les raisons de cette perte de temps, on retrouve l’absence ou le manque du matériel nécessaire lors d’une intervention. Cette difficulté multiplie les allers retours chronophages et provoque l’agacement des clients. Par ailleurs, l’autre raison de cette perte de temps est la transmission de l’information. Sur place, le technicien constate les caractéristiques du chantier. Néanmoins, le risque est qu’il ne rapporte pas toutes données en bonne et due forme en interne. 

En l’absence de talents, que ce soit à court ou moyen terme, ré-adapter les processus est un bon moyen pour rester productif. A l’ère du digital, il est important d’utiliser les innovations du numérique afin de révolutionner les opérations sur les chantiers. Parmi les bénéfices dont les experts du secteur peuvent tirer parti, on peut citer l’obtention des informations en temps réel, l’optimisation et des actions menées lors des interventions, une meilleure prévision du matériel requis et la validation des étapes avant d’acter la fin d’un chantier. La modernisation des outils devient une nécessité pour les entreprises du secteur qui pourront, par la même occasion, avoir une meilleure visibilité des interventions, même à distance.

Elargir l’écosystème de travail

Le manque de talents n’est pas une difficulté propre au secteur des mobilités. Selon une étude sur les tendances 2023 d’Indeed et Glassdoor, 63% des entrepreneurs français redoutent un manque de main d’œuvre dans les années à venir et 35% le considèrent comme le principal défi des entreprises pour les années à venir. Cependant, certaines industries nécessitent des socles de compétences communs. C’est le cas de la mobilité et du BTP. 

La pénurie de main-d’œuvre provoque dans ces deux secteurs un retard dans la livraison des chantiers ainsi que dans les opérations de maintenance. De plus, elle encourage la sous-traitance qui permet de combler artificiellement le déficit en ressources humaines et représente un coût supplémentaire. L’entreprise n’a, par ailleurs, que très peu de contrôle sur cette ressource, provoquant ainsi une perte de temps encore plus importante ainsi que des doutes, voire des risques de sûreté, sur la qualité de la prestation délivrée. 

En encourageant la rencontre entre entreprises de différents secteurs, cela favoriserait le partage d’expérience afin mieux analyser les faiblesses et booster l’évolution de chacun. A terme, le partage de salariés pourrait être une alternative de qualité à la sous-traitance.

La pénurie de main-d'œuvre n’est pas une fatalité mais un obstacle dans l’évolution du marché. Il est crucial que les experts du secteur alimentent cette réflexion sur les processus d’activité car le constat est qu’il y a un retard sur l’implantation et la sensibilisation du public pour la mobilité électrique. D’ici 10 ans, et en l’absence de procédés concrets allant dans ce sens, les acteurs de la mobilité s’exposent à des difficultés plus grandes. S’il n’est pas possible de recruter plus de talents, contribuer à de meilleures pratiques et un enrichissement des métiers encouragerait à optimiser la fidélisation et le rendement.