Assurtechs : la nécessité de se réinventer

La "crise de la tech" a marqué la fin de l'année 2022 et fait vaciller certaines valeurs emblématiques.

La "crise de la tech" a marqué la fin de l'année 2022 et fait vaciller certaines valeurs emblématiques comme Snap, Meta ou Amazon. La résistance d'Apple interroge. Et si son modèle hybride, mêlant hardware et services, sa moindre dépendance à la publicité numérique, était sa force ?

C'était une belle promesse.

A leur arrivée sur le marché, grâce à l'innovation technologique, à la collecte et à l'analyse des données détaillées des clients (à la data donc) et à l'intelligence artificielle, les assurtech pensaient simplifier les liens commerciaux entre l'assureur et l'assuré, en se dotant d'un service accessible (sur son smartphone), capable d'améliorer à la fois la prévision du risque et la couverture d'assurance.

Cependant, leur modèle financier très dépendant des levées de fonds les a conduits à chercher toujours plus de croissance par une rapide d'acquisition de nouveaux clients (pour un coût d'acquisition très fort). Les tentatives d'hypercroissance s'apparente à de l'achat de part de marché, les éloignant toujours un peu plus de la rentabilité, de la stabilité et finalement de leur promesse initiale. Dès la fin 2021, les montants des levées de fonds ralentissent et l'inflation, voire la crainte de récession, et donc l'absence de perspectives claires à long terme recentrent les investissements vers des projets avec un horizon de rentabilité plus court. Cela s'est concrétisé par une baisse globale de -10% des levées en 2022 par rapport à 2021 (558M€ vs 621M€), sachant que 75% ce montant s'est concentré sur 4 acteurs.[1]

Les exemples américains d'assurtech contraintes à d'importants licenciements sont nombreux (Lemonade, Hippo) au deuxième semestre 2022, tandis qu'à la même période l'Europe et la France sont touchées par des faillites[2] d'assurtechs faute de rentabilité suffisante à court/moyen terme.  Comme si à trop privilégier la forme, ces nouveaux acteurs de la tech en avaient oublié les fondamentaux économiques de toute entreprise, c’est-à-dire le chiffre d'affaires et la rentabilité. La crise actuelle, qui est principalement une crise des financements, puisque les levées de fond se sont taries, semble encore largement devant nous ; elle impose de revenir aux fondamentaux sur la rentabilité, pour l'intérêt de tous : les assurés, qui ne souhaite pas voir une augmentation rapide de leurs cotisation, leurs salariés, capacité d'investissement sur des projets rentables à moyen terme, et les actionnaires pour les inciter à réinvestir en retour.

Il s'agit donc pour les assurtechs de repenser leur business model et de changer leurs habitudes de fonctionnement ; il s'agit aussi pour le secteur assurantiel tout entier d'en tirer les enseignements en imaginant de nouveaux modes de rentabilité qui prennent en compte les atouts de chacun des modèles et le meilleur des deux mondes.

Garder l'humain

Prendre le meilleur des mondes c'est avoir conscience de la nécessité de mélanger interface humaine et interface « on line ». Sur un sujet si personnel que la santé, les Français restent attachés à un accompagnement humain pour l'achat de leur complémentaire. Dès lors il ne s'agit pas de leur imposer du 100% digital ou de les contraindre à engager une discussion virtuelle avec un ChatBot.

Le courtier a ici un rôle à jouer. En tant qu'intermédiaire, il peut défendre ce modèle hybride qui semble plus satisfaisant et respectueux des attentes des assurés. Un modèle qui marche sur deux pieds, l'humain et le digital, et qui permet de souscrire à tout moment, de comparer les garanties et obtenir du conseil. A cet égard, le téléconseiller a une mission essentielle, en posant les bonnes questions pour cerner les besoins, il peut requalifier de nombreux devis. C'est à lui qu'il appartient notamment de rendre la compréhension de l'assurance plus accessible : en ligne uniquement combien sont les assurés à saisir ce que signifie par exemple "remboursement de 150% du BRSS"?

L'enjeu est également celui de la rentabilité durable car un assuré qui bénéficie de ce réel conseil sur sa couverture, d'une réponse rapide à ses questions va naturellement rester plus longtemps et permettre d'être rentable.

Garder la technologie mais être audacieux

L'innovation technologique poussée par les assurtechs (UX design, gamification, objets connectés voire blockchain) a révolutionné le secteur de l'assurance, il parait inconcevable de s'en priver à l'avenir tant elles sont précieuses. Mais l'ajout de cette "couche" technologique ne suffit pas à elle seule à régler tous les problèmes du système de soins. L'équation de la fonction financière de l'assurance qui doit chercher un équilibre entre les dépenses et les cotisations ne doit pas être occultée.

Hormis la technologie, face à l'explosion des coûts, il revient finalement au secteur assurantiel de trouver la fameuse "disruption" qui lui permettent de réduire fortement les coûts en offrant un service équivalent.

[1] https://www.argusdelassurance.com/tech/assurtech-le-bilan-de-l-annee-2022-en-france.209541

[2] https://www.argusdelassurance.com/acteurs/la-planete-assurtech-en-pleine-revolution.160474