Où passe l'argent des titres-restaurants périmés ?

Où passe l'argent des titres-restaurants périmés ? Selon les professionnels du secteur, pas moins de 700 millions d'euros de titres-restaurants ne sont pas consommés chaque année en France. Une manne qui n'est pas perdue pour tout le monde.

700 millions d'euros : c'est le montant total des amendements parlementaires validés par Bercy dans le cadre de la loi de finances pour 2023 pour, notamment, soutenir le pouvoir d'achat des ménages. Mais c'est aussi la somme correspondant aux titres-restaurants qui, chaque année, ne seraient pas utilisés par les Français, selon une récente estimation des professionnels du secteur. Alors que 146 000 entreprises proposent aujourd'hui ce service à quelque 4,8 millions de salariés d'après la Commission Nationale du Titre-Restaurant (CNTR), ce sont ainsi près de 10% des 7,5 milliards d'euros de titres émis l'espace d'une année qui seraient non consommés, perdus ou périmés. Une bonne affaire pour les émetteurs de titres que sont les Edenred, Sodexo, Groupe Up ou encore Swile ?

Des règles fixées par le Code du travail

La gestion de cette manne est strictement encadrée par le Code du travail, qui régit plus largement les règles relatives à l'utilisation des titres-restaurants et à la collecte des fonds dans ses articles L. 3262-1 et suivants et R. 3262-1 et suivants. Avant tout, un titre-restaurant dont l'année de validité (dite millésime) est dépassée n'est pas immédiatement perdu. "Il suffit à l'employeur de demander à l'émetteur d'échanger les titres concernés contre des titres du nouveau millésime", prévient Patrick Bouderbala, DRH de transition et président de la CNTR. Cette requête doit être effectuée dans les 15 jours suivant la date de péremption des titres. Ceux sous format papier sont valables jusqu'au 31 janvier de l'année suivante, et ceux dématérialisés jusqu'au 28 février.

Une fois ce délai passé, deux options sont alors possibles. D'abord, le salarié peut faire don jusqu'au 31 mars de ses titres périmés à des associations habilitées, en l'occurrence Action contre la faim, Les Restos de cœur, la Croix Rouge, le Secours Populaire et la Fondation Abbé Pierre. Pour ce faire, il convient pour les titres papiers de les barrer, d'écrire sur chacun d'eux le nom du bénéficiaire choisi et de lui envoyer les titres ; pour les titres dématérialisés de demander à l'émetteur de verser les fonds au bénéficiaire retenu. Durant tout ce laps de temps, les émetteurs doivent cantonner sur un compte spécial les sommes qui n'ont pas encore été utilisées par les salariés titulaires des titres-restaurants. "Par l'intermédiaire d'un cabinet d'audit, la CNTR s'assure deux fois par an que cette obligation est bien respectée", précise Patrick Bouderbala. Si le salarié ne privilégie pas cette solution, ses titres sont alors considérés comme périmés et il perd dès lors le bénéfice de cet argent.

Une redistribution qui profite à tous les clients de l'émetteur

Conformément aux dispositions du Code du travail, les émetteurs de titres sont ensuite tenus de reverser la contre-valeur des titres périmés au "budget des activités sociales et culturelles" des entreprises auprès desquelles les salariés se sont procuré leurs titres. Ces "activités sociales et culturelles" correspondent aux activités destinées aux salariés, "à caractère social ou culturel, non obligatoires, mais visant à améliorer les conditions de travail et éventuellement de vie des salariés". Elles peuvent inclure par exemple l'octroi de chèques cadeaux, de chèques vacances, de cadeaux pour la naissance d'un enfant, de cadeaux pour le Noël des enfants du personnel, etc. A ce titre, les fonds sont redistribués au comité social et économique (CSE) lorsque la société en compte un. "Le reversement de la contre-valeur des titres périmés doit avoir lieu dans le courant de l'année en cours, explique Julien Cutolo, directeur général de Swile. Généralement, nous rétrocédons ces sommes en septembre." Selon la CNTR, seulement 1,25% des titres-restaurant non utilisés sont reversés au titre des activités sociales et culturelles des entreprises.

Sur ce plan, la réglementation prévoit un mécanisme original. Même si les titres périmés concernent les salariés d'un seul employeur, ces remboursements doivent en effet profiter à… l'ensemble des clients de l'émetteur ! "Chaque CSE reçoit en effet une somme, calculée au prorota des volumes de titres-restaurants commandés durant le millésime concerné", poursuit Julien Cutolo. En cas de non-respect de cette obligation, l'émetteur s'expose notamment à des sanctions pécuniaires.

Aucun agrément nécessaire

A ce jour, aucun manquement n'aurait été constaté dans ce domaine. Il n'empêche, la CNTR ne serait pas opposée à un encadrement renforcé. "Comptant aujourd'hui une dizaine d'émetteurs, le marché des titres-restaurants, très dynamique, attire un nombre croissant d'acteurs qui n'ont pas besoin d'être agréés pour exercer", constate Patrick Bouderbala. De fait, la CNTR n'assure aujourd'hui à leur encontre qu'une mission de contrôle.