Le marché du carbone, vecteur d'opportunités pour les banques
Pour atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations-Unies, de nombreux pays se tournent vers le marché du carbone.
Malgré la pandémie, la crise économique et le conflit ukrainien, le secteur s’est montré résilient, jouant un rôle crucial dans la stabilisation de l’inflation. Les prix du carbone ont même atteint des records dans l’Union Européenne, en Californie en Nouvelle-Zélande et en Corée du Sud, et les infrastructures de marché se développent rapidement pour faire face à la demande. Dans le même temps, les régulateurs cherchent à faire appliquer les accords sur la diminution des émissions globales de gaz à effet de serre (GES) et l’objectif de neutralité devrait demeurer la priorité des gouvernements durant les trois prochaines décennies.
Alors que le marché du carbone devrait peser 50 milliards de dollars en 2030, l’échange de quotas d’émission (Emissions Trading Schemes en anglais – ETS) est une opportunité pour les banques de tirer parti d’une croissance soutenue, d’une liquidité accrue et d’une relative stabilité. Le potentiel est immense car, d’après la Banque Mondiale, les systèmes d’échanges de quotas actuels ne couvrent que 23%.
Alors, quelle est la configuration actuelle du marché du carbone et comment les banques peuvent-elles aider leurs clients à naviguer dans cet écosystème complexe et atteindre leurs objectifs de neutralité ?
Le nouveau visage du marché du carbone européen
Le système européen d'échange de quotas d'émission (SEQE-UE) est le pionnier des systèmes de de « plafonnement et d'échange ». Créé en 2005, il a généré plus de 100 milliards d’euros de recettes pour les états membres de l’UE depuis 2013. Le SEQE-UE permet aux acteurs de l’industrie, de l’énergie, du transport commercial aérien et, maritime, de vendre des quotas d’émission (European Union Allowances en anglais, UEA) à d’autres entreprises lorsqu’ils sont excédentaires et d’en acheter s’ils sont déficitaires. La quantité de quotas mises sur le marché par les États diminue progressivement, ce qui augmente la valeur des quotas et incite les producteurs à réduire leurs émissions.
Face au succès de l’ETS ces vingt dernières années, les décideurs européens ont décidé d’élargir son champ d’application à de nouveaux secteurs industriels. Outre l’extension au transport maritime depuis janvier 2024, un second marché du carbone nommé ETS 2 devrait voir le jour en 2027 pour le chauffage des bâtiments et les carburants transports routiers, avec comme objectif de réduire les émissions de 42 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2005. Ces mesures devraient favoriser les nouveaux entrants et stimuler la liquidité sur le marché. Dans le même temps, le nombre de quotas alloués sera réduit de 4,4% dès 2028 et les quotas gratuits supprimés progressivement. En outre, le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (aussi dit « Taxe carbone », « MACF » ou « CBAM ») exige l'achat de certificats MACF pour tous les biens importés dans l'UE à partir de 2026 afin de remédier aux fuites de carbone dans les principaux secteurs polluants. Cette taxe sur les biens et services non-originaires de l'UE, garantit que leurs prix tiennent compte de l’impact réel de la production en termes d'émissions de carbone. Le CBAM vise à créer des conditions de concurrence équitables sur les marchés à forte intensité énergétique, avec des mécanismes similaires proposés au Royaume-Uni et au Canada.
Quelles mesures doivent prendre les banques ?
À mesure que les quotas diminuent, les organisations des secteurs les plus polluants sont contraintes de s'adapter et de modifier leurs activités. Pour les banques, cela signifie une opportunité d’apporter un soutien précieux en les conseillant sur la meilleure façon d’aborder ce marché fragmenté et en facilitant l'accès aux échanges de quotas. Les banques peuvent également apporter un soutien financier pour l'acquisition de crédits carbones volontaires (CCV) liés à des projets qui contribuent à éviter, capter ou séquestrer des émissions de gaz à effet de serre. Elles agissent ainsi en tant que contrepartie commerciale et aident à la négociation des contrats.
En outre, les banques peuvent offrir à leurs clients plus d’exposition aux marchés du carbone en investissant dans des fonds de crédits carbone, qui regroupent les investissements de plusieurs clients pour acquérir des CCV. Elles peuvent également élaborer des produits carbones structurés, qui permettent aux clients d'investir dans un portefeuille diversifié de CCV correspondant à leur tolérance au risque et à leurs objectifs de rendement. En outre, les banques peuvent accorder des prêts liés au carbone, dont les taux d'intérêt dépendent de la capacité du client à réduire ses émissions, ce qui permet d'aligner les conditions financières sur les performances environnementales.
Les marchés du carbone se diversifient et les banques continueront à chercher de nouvelles façons d’adapter l'exposition de leurs clients aux marchés du carbone. Toutefois, la capacité d'obtenir, d'interpréter et d'agir sur les données du marché en temps réel nécessite des technologies de pointe, transparentes et sûres. Alors que les gouvernements, les organisations et les institutions financières s'efforcent de s'aligner sur les objectifs de durabilité, les banques - soutenues par les fournisseurs de technologie financière - sont particulièrement bien placées pour jouer un rôle central la transition de leurs clients vers la neutralité carbone.