L'intelligence artificielle envahit Office 365 et G Suite
Graph d'entreprise, bots de productivité, aide à la conception de documents... Les digital workplaces intègrent un nombre croissant de services d'intelligence artificielle.
L'avènement de l'intelligence artificielle au sein des digital workplaces ne date pas d'hier. "Microsoft a intégré cette dimension à Office 365 dès 2015 en lançant Delve", rappelle Arnaud Rayrole, directeur du cabinet de conseil français Lecko. La finalité de Delve ? Proposer à l'utilisateur une vue unifiée de ses contenus Office (fichiers, mails, alertes, conversations...). En termes d'IA, l'application fait appel au machine learning pour personnaliser leur hiérarchisation, via l'analyse des différentes dimensions de l'Office Graph de l'usager (son historique relationnel et collaboratif, le maillage de ses centres d'intérêt...). Google a depuis répondu à cette initiative via le module Quick Access de Drive et un tout nouveau moteur de recherche documentaire coiffant G Suite (Google Search).
Automatiser le traitement des contenus
Ces derniers mois, Microsoft comme Google ont accéléré la cadence. Tous deux ont notamment introduit dans leur suite des moteurs d'aide à la conception de documents... à base d'IA. Partant de l'analyse sémantique d'un fichier en cours d'édition, ces dispositifs vont glaner des données connexes (de type image ou texte) à la fois sur le terminal et sur le web, susceptibles de servir de matière à la rédaction (lire le post de Google). Au sein d'Office 365, la fonction en question (pour l'heure limitée à Word et PowerPoint) tire là encore profit de l'Office Graph pour proposer des contenus.
"A l'heure où les volumes de données explosent, l'émergence de l'IA dans les suites de productivité est une bonne nouvelle"
Du côté de Microsoft, l'IA bureautique est également conversationnelle. Sur ce plan, l'assistant vocal du groupe de Satya Nadella, alias Cortana, donne la possibilité à l'utilisateur d'interroger l'Office Graph pour accéder notamment aux contenus de son équipe ou à son tableau de bord Delve. Microsoft a par ailleurs ouvert les API de son graph, permettant par la même occasion à des fournisseurs tiers d'adosser à Office leur propre application d'IA.
Parmi les dernières évolutions en date en matière d'intelligence artificielle dans Office, on relève la refonte de l'environnement de gestion de contenu vidéo Office 365 Video. Rebaptisé Stream, il intègre désormais de multiples mécanismes d'IA pour l'aide au montage vidéo et traitement audio : reconnaissance d'images, traduction automatique, transcription audio en texte (ou "speech-to-text")... Dans la même logique, PowerPoint bénéficie depuis peu d'une fonctionnalité de sous-titrage conçue pour traduire en temps réel le commentaire d'un speaker, avec la prise en charge de 60 langues.
"IBM commence lui aussi à injecter de l'intelligence artificielle dans ses offres collaboratives", souligne de son côté Jean de Laulanié, cofondateur et CTO du cabinet Spectrum Group. "En s'appuyant sur son supercalculateur Watson, il analyse les flux de conversations transitant par sa solution de réseau social d'entreprise Connections en vue de dénicher des contenus qui peuvent se révéler importants pour l'utilisateur." De même, IBM a recours à Watson pour proposer des réponses pré paramétrées aux e-mails au sein de sa solution de messagerie Verse. Une fonctionnalité que propose d'ailleurs aussi Google dans son webmail de nouvelle génération Inbox.
Un édifice loin d'être achevé
"A l'heure où les volumes de données explosent, l'émergence de l'IA dans les suites de productivité est une bonne nouvelle, notamment sur le plan de l'automatisation des traitements", reconnaît Arnaud Rayrole. Mais pour le consultant, ce nouveau levier ne va pas se généraliser immédiatement à l'ensemble des usages de la digital workplace. "Il se limitera dans un premier temps à certains domaines comme la traduction ou la reconnaissance vocale", estime l'expert. "C'est l'histoire de la poule et de l'œuf. Tant que les briques d'IA des offres bureautiques ne disposeront pas d'assez d'utilisateurs, elles n'auront pas l'historique suffisant pour être pertinentes. Or, ce manque de pertinence ne les rend pas attractives. Grâce à leur audience massive, les applications grand public, type Facebook et autres, n'ont pas ce problème."
"Si Microsoft Teams s'impose, l'IA devrait commencer à décoller dans Office 365"
Chez Spectrum Group, Jean de Laulanié abonde. "Pour fonctionner dans les digital workplaces, l'IA doit forcément avoir à sa disposition un certain volume de données à analyser. Il y a quelques années, le réseau social d'entreprise Jive a intégré un moteur de recherche auto-apprenant censé pousser des contenus personnalisés. Pour être pertinent, il doit bénéficier de six mois d'historique d'activité sur la plateforme. Mais ce temps de mise en route n'est pas forcément un frein, car l'IA permet réellement de fluidifier les échanges, et de mettre en valeur une information pertinente souvent cachée dans la masse." Conclusion : le jeu pourrait en valoir la chandelle.
Reste que la multiplication des briques au sein d'Office 365 et G Suite ne contribue pas à favoriser l'émergence de l'IA dans ces environnements. "Les éditeurs de suites bureautiques ont tendance à disperser leurs efforts, pour répondre à un maximum de besoins, mais au détriment de l'intégration. Or, sur le terrain de l'IA, il faudrait plutôt faire l'inverse pour favoriser l'émergence d'un usage clair et cohérent, qui puisse ensuite faire boule de neige en termes d'adoption, et engendrer un historique d'activité important rendant par ricochet les algorithmes pertinents."
Les bots : un vecteur de démocratisation
Au sein des plateformes de productivité, l'IA pourrait néanmoins trouver sa planche de salut dans les bots. "Les agents conversationnels disponibles dans les outils de team messaging comme Slack ou Hipchat contribuent à démocratiser l'intelligence artificielle, même si le mouvement reste encore timide et les projets bien souvent au stade de prototype", analyse Jean de Laulanié. Ce vecteur d'adoption pourrait-il s'accélérer ? "Oui. Il suffirait que Teams (le produit lancé par Microsoft en réponse à Slack, ndlr) décolle vraiment pour que l'IA émerge dans Office qui, rappelons-le, demeure la suite bureautique la plus utilisée", estime le CTO de Spectrum Group. Tout comme Slack, Teams donne en effet la possibilité de faire appel à des chatbots via sa galerie d'applications. Sans compter qu'une entreprise utilisatrice a aussi la possibilité de développer ses propres agents conversationnels dans la messagerie collaborative de Microsoft (tout comme dans Slack).