Le français Aircall lève 65 millions de dollars et se voit déjà licorne

Le français Aircall lève 65 millions de dollars et se voit déjà licorne La plateforme cloud de téléphonie va se déployer dans l'IA. Le défi ? Recourir au natural langage processing pour analyser les appels et coacher les équipes de vente.

Sur le terrain de la téléphonie en mode cloud, Aircall entend bien jouer dans la cour des grands. Revendiquant 5 000 organisations clientes à travers le monde, la société parisienne boucle une levée de 65 millions de dollars. Elle est menée par le fonds DTCP. L'ensemble des investisseurs historiques remettent au pot, dont Balderton, Draper Esprit, eFounders ou NextWorld. De nouveaux actionnaires comme Adam Street entrent au capital. L'opération porte à 106 millions de dollars le total des fonds levés par l'entreprise depuis sa création en 2015. Valorisée plusieurs centaines de millions de dollars, Aircall ambitionne de passer le cap du milliard de dollars de valorisation d'ici un à deux ans.

La principale valeur ajoutée d'Aircall ? Sa plateforme s'intègre à quelque 60 applications d'entreprise centrées majoritairement dans la gestion de la relation client. Parmi lesquelles HubSpot, Intercom, Kustomer, Microsoft Dynamics, Salesforce, Shopify, Zendesk ou encore Zoho. Côté outils collaboratifs, Aircall prend en charge les messageries d'équipe Slack et Teams. Gérant les appels entrants et sortants et leur transfert quel que soit le terminal (fixe ou mobile), Aircall peut ainsi synchroniser les données téléphoniques avec toutes ces applications.

Intégrer la téléphonie aux ventes et au support

Dans le cas d'un service de support basé sur Zendesk par exemple, Aircall notifie les appels et les noms des correspondants directement dans l'interface de l'outil de help desk. Toutes les informations des calls sont transmises : numéro, date, heure, enregistrement, message vocal, etc. Ainsi, il sera possible de les router en priorité vers le dernier agent s'étant entretenu avec le correspondant.

"Notre ambition est de devenir l'écosystème de la voix en multipliant les intégrations"

Dans le cas de Salesforce (qui recouvre à la fois service client et gestion des ventes), Aircall gère toutes les communications en un point unique... à savoir Salesforce. Les enregistrements d'appels peuvent être associés à n'importe quel objet Salesforce, y compris les leads, contacts, comptes, tâches et activités, puis synchronisez avec l'historique de chaque appelant. Objectif : donner au commercial ou à l'agent de support une vue à 360° du client ou du prospect au téléphone. En cas d'appel manqué par un vendeur sur le terrain, le centre de contacts pourra dresser un rapport lui permettant de rappeler son correspondant dans les meilleures conditions. Un ticket sera créé dans Aircall et une tâche lui sera attribuée pour l'alerter de l'appel.

"L'intégration avec Shopify ouvre accès depuis Aircall aux dernières commandes des clients qui appellent, leur fiche, leur parcours détaillé. Vous avez y compris la possibilité de réaliser un remboursement via Aircall, sans changer d'interface", illustre Jonathan Anguelov, cofondateur et COO de la société.

Aircall se niche dans 60 applications comme ici avec Salesforce. La solution permet d’intégrer un système de téléphonie complet au cœur de la plateforme de CRM. © Capture / Aircall

La plateforme de téléphonie fait aussi l'objet de passerelles vers des applications de gestion des recrutements. C'est le cas avec Bullhorn ou JobAdder. Selon la même philosophie que le cas d'usage vu plus haut en matière de CRM, ces passerelles permettent de garder une trace de tous les calls émis ou reçus de candidats (enregistrement, commentaires associés…). A l'instar de l'intégration à Shopify, Aircall affichera instantanément la fiche d'un candidat qui appelle. "Notre ambition est de devenir l'écosystème de la voix en multipliant les intégrations et les extensions", résume Jonathan Anguelov.

Jonathan Anguelo est cofondateur et COO d'Aircall. © Aircall

La crise du Covid-19 a-t-elle une un impact sur Aircall ? "L'activité a été très active pendant la phase de confinement", constate Jonathan Anguelov. "La pandémie et l'explosion du travail à distance ont incité les entreprises à s'orienter vers les systèmes de téléphonie dans le cloud, permettant de travailler depuis chez soi." Et Olivier Pailhès, cofondateur et PDG d'Aircall, d'insister : "Ce besoin impérieux de pouvoir avoir des conversations plus efficaces et humaines, que ce soit avec des clients, des prospects, des candidats ou des collègues, est devenu plus urgent et d'actualité que jamais. Or, notre vocation est justement d'optimiser le potentiel de la voix pour faciliter de nouveaux accords commerciaux."

Dans le sillage de son nouvel apport de fonds, Aircall affiche une feuille de route ambitieuse. Première étape : la gestion du messaging. Une nouveauté que l'éditeur prévoit d'introduire dans les semaines qui viennent. "Elle permettra de piloter l'envoi et la réception de SMS et de messages WhatsApp. Comme pour le vocal, les flux de SMS entrants viendront enrichir les fiches clients des vendeurs dans les applications métier", explique Jonathan Anguelov. "Compte tenu des taux d'ouverture des SMS qui montent facilement à 90%, c'est un vrai plus pour les forces commerciales. Quant aux services desk, ils pourront bénéficier de notre système de ticketing pour gérer le support par SMS."

D'ici la fin de l'année, Aircall compte s'étendre, en plus du messaging, à la gestion des appels et meetings en visio. Avec à la clé la même volonté d'intégration aux systèmes existants. "L'objectif est in fine d'évoluer vers une gestion de la communication unifiée", assure Jonathan Anguelov.

Analyser le sentiment des appels

Autre chantier de R&D prévu pour 2020 : l'intelligence artificielle. Aircall compte notamment recourir au NLP (natural language processing) pour analyser les appels, décrypter les sentiments qui s'en dégagent, détecter les passages les plus intenses, ceux évoquant par exemple des questions financières, ou lors desquels une ou des voix se font plus intenses, ou encore bégayent, traduisant une hésitation. Ce n'est pas tout. Aircall entend capitaliser sur le machine learning pour créer un assistant taillé pour coacher les équipes de commerciaux et de support client, en termes de wording, d'emphase.

"L'IPO, est une voie clairement envisagée, mais pas à court terme. Pour le moment, la priorité c'est le produit"

L'entreprise cible à la fois les PME et les ETI, des entreprises allant de 10 à 1500 salariés. Parmi ses références, elle revendique à la fois des pure player numériques, comme BlaBlaCar, Cityscoot, ManoMano, Frichti ou Lydia. Mais aussi, et c'est assez nouveau, des entreprises click and mortar, telles Prisma Media, Cap Retraite ou les agences immobilières Stéphane Plaza Immobilier. La plateforme cloud se déploie sur les principales géographies, que ce soit en Amérique, en Asie ou en Europe (et notamment en France). "Le client a par ailleurs la possibilité de stocker chez lui ses données d'appel s'il le souhaite", ajoute Jonathan Anguelov.

Fort d'une croissance de 100% depuis trois ans, Aircall enregistre 90% de son chiffre d'affaires à l'international. Environ un tiers de son activité est réalisé aux Etats-Unis et 30% en Europe. Le reste se répartit entre l'Amérique Latine, l'Asie et l'Asie-Pacifique. Aux côtés de son siège de Paris qui compte environ 200 personnes et abrite sa R&D, Aircall a ouvert un bureau à New York en 2017, regroupant pour l'heure 100 salariés. A ces deux implantations va venir s'ajouter en 2021 un site à Sydney pour développer une présence commerciale en Australie. L'éditeur envisage également d'ouvrir un second laboratoire de R&D l'année prochaine, toujours en Europe. Objectif du groupe : améliorer son attractivité sur un marché de l'emploi qui reste très tendu dans le secteur numérique. De 300 collaborateurs aujourd'hui, Aircall prévoit de recruter 100 personnes supplémentaires d'ici la fin de l'année.

Pour la suite, Aircall a une priorité en tête : continuer à développer sa plateforme en gardant son indépendance. "Nous ne souhaitons pas nous faire racheter. Quant à l'IPO, c'est une voie clairement envisagée, mais pas à court terme. Pour le moment, la priorité c'est le produit", conclut Jonathan Anguelov.