Lutte contre la fraude : les assureurs misent sur la technologie

La lutte contre la fraude est un cheval de bataille de longue date pour les assureurs, encore plus depuis le début de la crise sanitaire. Pourtant, il existe des solutions simples et efficaces qui font appel à la technologie pour les aider dans ce combat.

La fraude est un casse-tête permanent pour le secteur de l'assurance. Selon l'Alfa (Agence pour la lutte contre la fraude à l'assurance), la fraude représentait 1 demi-milliard d’euros en IARD en 2018, et seuls 300 millions d'euros étaient effectivement détectés et récupérés par les assureurs toutes catégories confondues. Les mesures pour lutter contre ce problème existent, comme des sanctions civiles et pénales à l'encontre des fraudeurs, sans être pour autant suffisamment déployées ou efficaces. De plus, dans le contexte actuel de crise sanitaire du Covid-19, les assureurs sont nombreux à avoir constaté une hausse importante des tentatives de fraude.

Les assureurs investissent dans la lutte contre la fraude

Néanmoins, la plupart d'entre eux décident de riposter. Au Royaume-Uni, Allianz a récemment annoncé que ses efforts de lutte contre la fraude ont permis d'économiser 65,2 millions de livres sterling en 2019, une augmentation de 450 000 livres par rapport à l'année précédente qui était déjà un record. Si l'assurance automobile reste la plus concernée par les fraudes pour Allianz, l'entreprise a également constaté une augmentation des activités frauduleuses dans le domaine des dommages, conduisant Allianz à investir davantage dans la prévention de la fraude.

Dans leur quête de nouveaux moyens pour lutter contre la fraude, les assureurs pourraient envisager d’inverser le modèle d'identification de la nature frauduleuse des demandes d'indemnisation. En d'autres termes, plutôt que de mettre sur liste noire les clients qu'ils considèrent comme des mauvais élèves, les assureurs pourraient au contraire établir une "liste blanche" de ceux qui agissent bien. Cette approche, qui reprend des pratiques habituellement associées à la cybersécurité, permettrait aux assureurs de réduire le champ d'action des gestionnaires de sinistres lorsqu'ils tentent d'identifier les fraudes. Les demandes d'indemnisation des clients présentant des antécédents de comportement non frauduleux peuvent être traitées plus rapidement, tandis que les demandes d'indemnisation des clients qui ne font pas partie d'une liste blanche peuvent être vérifiées de manière plus approfondie pour s'assurer de leur honnêteté.

Les nouvelles technologies à la rescousse

De nombreux assureurs se tournent vers la technologie pour les aider à identifier des modèles de comportement frauduleux, que ce soit chez des individus lambda ou au sein de groupes organisés. C'est le cas de Generali France, qui enregistre chaque année environ 300 dossiers frauduleux sur les 125 000 sinistres déclarés ; la filiale française a récemment annoncé le déploiement de la solution anti-fraude de l'assurtech français Shift Technology pour mieux détecter les dossiers suspicieux liés aux sinistres, avec l'objectif de passer de 0,8% à 2% de taux de détection des fraudes. Cette solution utilise l'intelligence artificielle et les techniques d'apprentissage automatique pour rechercher des modèles de comportement et d'autres signaux d'alerte qui indiquent la possibilité d'un sinistre frauduleux. L'IA permet aux assureurs de générer très rapidement des connaissances précieuses issus de l'énorme quantité de données dont ils disposent afin de mieux appréhender les situations auxquelles ils sont confrontés. Generali France estime pouvoir économiser, grâce à la technologie de Shift, environ 20 millions d'euros d'ici trois ans.

Les réseaux sociaux peuvent également entrer en jeu dans la détection des fraudes et sont de plus en plus utilisés, en particulier dans les pays anglo-saxons, tandis qu’en France, leur utilisation reste pour l'instant plus marginale. La consultation des profiles Facebook, Twitter ou encore Instagram des assurés afin de vérifier la véracité des informations qu’ils ont fournies ne suffit pas. Il faut les coupler avec d’autres outils car leur utilisation à bon escient requiert une logistique complexe afin que les différentes sources d’informations dont disposent les assureurs se complètent de façon efficace. Néanmoins, un nombre croissant d'enquêtes est initié à partir de données trouvées sur les réseaux, pour vérifier si la fraude a eu lieu ou pas. Enfin, dans ce même combat contre la fraude, on peut citer la technologie blockchain, qui a été privilégiée par EDF, Engie, La Poste et la Caisse des Dépôts afin de vérifier et d’attester de l'authenticité des justificatifs de domicile utilisés par les particuliers auprès des banques, assureurs et prestataires sociaux.

Quelle que soit la technique utilisée par les assureurs dans leur combat contre la fraude, ils doivent veiller à ce que les fonctions de lutte contre la fraude et de règlement des sinistres soient réunies au sein d'une même entité intelligente pour fonctionner de manière harmonieuse. Les systèmes qui n'arriveront pas à se compléter entre eux produiront un gouffre de données dans lequel se perdra leur force d'action. En revanche, les systèmes intelligents qui priorisent les informations les plus importantes et les transmettent aux gestionnaires de sinistres au moment opportun peuvent aider les assureurs à lutter contre la fraude tout en réduisant les primes et en améliorant le service à la clientèle pour les clients honnêtes. Pour cela, la technologie est une alliée indispensable à mettre en œuvre.