IA Auteur et Propriété individuelle

La création de contenus était jusque là l'apanage de l'espèce humaine. Avec l'apparition de l'IA "Auteur", que disent les lois liées à la propriété intellectuelle ?

Jusqu’à très récemment, la création de contenus artistiques ou professionnels était l’apanage indiscuté de l’espèce humaine. Cette spécificité est désormais derrière nous. En combinant des algorithmes complexes, des bases de connaissance volumineuses et une puissance de calcul parfois énergivore, l’IA est devenue Auteur.

Si cette “petite” singularité technologique n’est pas encore la grande, celle qui a été imaginée, dès les années cinquante, par le mathématicien John von Neumann nous offre néanmoins son lot de disruptions.

En matière de propriété intellectuelle, les lois, qui ont été conçues avant l'avènement de l’IA Auteur, se révèlent parfois inadaptées.

Une demande de brevet effectuée au nom de l’intelligence artificielle Dabus conçue par le physicien Thaler a mis en exergue cette curieuse question : un inventeur doit-il être nécessairement humain ? Ou plutôt : une IA peut-elle être considérée comme un inventeur ?

Un inventeur, une personne physique ou morale ?

Pour l’Office européen des brevets (OEB), un inventeur doit être une personne physique ou morale, alors que pour l’Office américain du droit d’auteur (USCO), une invention doit être considérée comme un acte mental. En considérant ces deux définitions, le problème semble être simple et résolu. Pourtant, il n’en est rien !

Un arrêt en date du 30 juillet 2021 émis par la Cour fédérale d’Australie a estimé que l'intelligence artificielle Dabus pouvait être considérée comme un “inventor”.

Si cette première mondiale reste marquante en reconnaissant le caractère créateur des IA, elle ne modifie pas pour autant les règles de propriété.

Bien que l’intelligence Dabus apparaisse désormais sur un document officiel en tant qu’inventeur, il n’a pas été question de lui attribuer le statut de demandeur ou de titulaire du Brevet. En la matière, seul un humain, à savoir le Docteur Thaler, a pu obtenir cette reconnaissance.

Quid de l'Europe ?

Nous voilà globalement rassurés, l’humain garde le contrôle et la singularité technologique peut attendre. Pourtant cette décision juridique n’est pas rien, tout en gardant un certain équilibre, la Cour fédérale d’Australie a validé une première dans l’histoire humaine : la co-création entre un homme et une machine.

Autre sujet, tout aussi sensible d’un point de vue légal : les données d’apprentissage. Quel que soit leur niveau de sophistication, les IA ne fonctionnent pas ex nihilo. Pour atteindre leur plein potentiel, les intelligences artificielles doivent alimenter généreusement leurs algorithmes. L’accès aux datas est devenu de ce fait un enjeu stratégique et la propriété de ses données plus encore.

En la matière, la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil sur l’équité de l’accès aux données et sur leur utilisation du 23 février 2022 ne nous dit pas grand-chose. Si la libre circulation des données au sein de l’Union européenne et la protection des données à caractère personnel sont des principes clairement énoncés, la question des jeux de données d’apprentissage et les droits associés semble être laissée en suspens.