L'IA dans la compliance : la "compliance augmentée"

Les départements de compliance peuvent aujourd'hui s'appuyer sur les nouvelles technologies (IA, Machine Learning, Base orientée graphe …) afin de détecter des signaux ou comportements atypiques.

Tribune cosignée par Luc Julia

Les montages mis en place par les criminels sont de plus en plus sophistiqués (trust, fondation, prête-nom, etc.) et difficiles à détecter en temps voulu.
Malgré l’empilement de dispositifs internationaux, européens et nationaux, le blanchiment des capitaux est loin d’être éradiqué et semble se renforcer au fur et à mesure que les parades sont trouvées pour échapper aux contraintes législatives et réglementaires destinées à la contrer. 

Une réponse à la hauteur des enjeux

En témoignent les scandales successifs qui tous, révèlent l’existence de structures juridiques prétendument légales qui constituent des outils de contournement de toute forme de régulation et, in fine, des armes de destruction massive des États de droit. Ainsi, au cœur des montages c’est la possibilité de créer des entités opaques qui permettent de contourner notamment les obligations fiscales des entreprises comme celles de particuliers. Ce sont ces mêmes constructions qui permettent au blanchiment, à la corruption et au financement du terrorisme de prospérer et de déconstruire les États de droit, rendant inopérantes toutes les conventions internationales sur lesquelles ils reposent.

Le problème a été identifié de longue date, dès 1989, au moment de la création du GAFI, mais la réponse des États à l’échelle internationale et européenne reposant sur l’identification du bénéficiaire effectif n’a jamais permis d’apporter une réponse à la hauteur des enjeux.  

L’identification du bénéficiaire effectif vise à permettre d’accéder à̀ des informations exactes, actuelles et adéquates sur les bénéficiaires réels de manière à pouvoir identifier les auteurs de comportements prohibés et éviter que les fraudeurs masquent leur identité derrière l’opacité qu’offrent des structures juridiques dédiées.

Elle est depuis toujours et demeurera encore longtemps, malheureusement, la pierre d’achoppement de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. 

Détecter des signaux ou comportements

Des progrès ont certes été réalisés suite à l’instauration d’un registre des bénéfices effectifs accessibles au grand public dans l’UE suite à l’adoption de cinquième directive. Néanmoins, des pays comme la Grande-Bretagne ou les USA, utilisent leur taille ainsi que leur complexité institutionnelle pour ne pas coopérer d’une façon satisfaisante avec les autres pays. Ce sont bel et bien les limites que nous devons vaincre grâce à une mobilisation internationale.

Face à cette problématique, les départements de compliance peuvent aujourd’hui s’appuyer sur les nouvelles technologies (IA, Machine Learning, Base orientée graphe …) afin de détecter des signaux ou comportements
caractéristiques de dysfonctionnements répréhensibles ou délictuels tels que le non-respect des process internes, la violation de réglementations ou plus spécifiquement la détection de schémas d’intrusion, de corruption, de collusion et de fraude dont nous constatons, trop souvent impuissants, l’augmentation continuelle tant en termes de complexité que de fréquence.

Simplicité intellectuelle

Les IA ne sont cependant que des outils et n’imitent en rien le cerveau humain. Il faudra toujours l’humain pour traiter les cas inédits. Seulement les cas répétitifs pourront être traités par les IA. On parle de « simplicité intellectuelle ».

L’IA offre des capacités de traitement d’un grand volume de données qui permettent de mieux pointer les transactions frauduleuses. On peut dire que nous allons vers une « intellectualisation » du compliance officer. l’exercice de leur métier au quotidien.
Les nouvelles technologies permettront de décharger les compliance officer des tâches, répétitives et chronophage. Ils pourront dès lors se concentrer sur les tâches à plus forte valeur ajoutée. 

Il est fort à parier que ce métier fera partie d’ici quelques années des métiers les plus passionnants du secteur financier. En remplaçant les outils basés sur des règles et des scénarios par des modèles Machine Learning, une institution financière peut diminuer le nombre de false positive de 60 à 70%.  Ne soyons cependant pas utopiste. Pour entraîner un robot, il est nécessaire d’être en possession de plusieurs centaines voire des millions de données lors de la phase d’apprentissage. Les institutions financières possèdent malheureusement bien plus de data sur les personnes physiques que sur les personnes morales.