Marie-Hélène Briens Ware (Orange Business) "Un utilisateur chez Orange Business s'est demandé si être impoli avec Copilot améliorerait ses réponses"

Orange Business fait partie des 600 entreprises dans le monde à tester en avant-première Microsoft 365 Copilot. Marie-Hélène Briens Ware, vice-présidente employee experience portfolio, nous fait part des premiers retours de cette expérimentation.

JDN. Quelle stratégie Orange Business a-t-il adopté pour expérimenter le copilot de Microsoft ?

Marie-Hélène Briens Ware. Orange a été sélectionné en juin pour participer au programme de Microsoft. De juin à août, une phase de préparation a été menée pour définir l'approche des tests. L'objectif était d'avoir une population de testeurs diversifiée, tant en termes de métiers que de pays. Cette diversité permet d'explorer le potentiel de l'outil au sein de tous les métiers du Groupe Orange. Aujourd'hui, une quinzaine de pays et 16 à 17 métiers différents sont représentés parmi les testeurs.

Orange a fait le choix de ne pas limiter les tests aux équipes IT ou aux profils technophiles. L'objectif était d'aller au-delà de l'exploration des fonctionnalités techniques, pour observer l'appropriation de l'outil au sein de différents métiers. Après six semaines de tests, nous disposons désormais de retours sur la façon dont les utilisateurs se saisissent de cet outil.

Quels sont vos premiers retours ?

Dès juin-juillet, lors des premiers contacts avec les utilisateurs pour le programme d'accès anticipé, leur première réaction a révélé une évolution culturelle sur ces sujets. Leur questionnement portait sur la protection des données : conformité RGPD pour les données client, confidentialité des données personnelles, risques de manipulation, impact du Cloud Act aux USA… Nous avons dû faire de la pédagogie sur ses règles de confidentialité, de sécurisation et de traçabilité des documents, afin de rassurer sur le respect de ces règles par l'outil Copilot.

Marie-Hélène Briens Ware, vice-présidente employee experience portfolio Orange Business. © MW

Les retours montrent qu'il existe une courbe d'apprentissage dans l'utilisation de l'outil Copilot. Même si l'interaction tend à devenir naturelle avec les outils numériques, il y a des phases d'adaptation. Certains utilisateurs ne savent pas encore ce qu'ils peuvent demander. D'autres trouvent les réponses parfois trop succinctes. L'existence d'une communauté active d'utilisateurs s'entraidant sur la formulation des demandes est très enrichissante. C'est un point clé identifié dans la littérature : comment poser la question de manière optimale ? Il existe des fantasmes et des questionnements complexes sur ce sujet.

Un exemple amusant : un utilisateur s'est demandé si être impoli avec Copilot améliorerait ses réponses ! Cela montre la réflexion créative autour de ces interactions inédites avec l'IA.

Microsoft 365 Copilot apporte-t-il un véritable gain de productivité ?

Il n'est pas très difficile de mesurer si les gens ont gagné du temps, on leur demande chaque semaine dans les retours des testeurs. Mais ce n'est pas vraiment une mesure de la productivité. Par exemple, vous gagnez du temps pour faire le compte rendu d'une réunion car Copilot vous le fait à partir de la transcription. Disons que vous gagnez une demi-heure. Cela ne veut pas dire que l'entreprise fera des économies sur votre salaire ou que vous allez ne rien faire pendant cette demi-heure gagnée. Vous allez faire autre chose : une formation, être plus créatif sur vos projets, avancer plus vite.

Le gain de temps se réinvestit de façon enrichissante plutôt qu'il ne se traduit mécaniquement en économies. Il faut analyser la productivité de façon multidimensionnelle au-delà du simple temps économisé.

Chez Orange Business, nous avons réfléchi à cette question de la productivité pour Copilot et les environnements de travail numériques. Nous sommes arrivés au concept de "productivité positive" en 5 dimensions : l'implication des employés, la satisfaction des employés, leur bien-être, la capacité des équipes IT à se concentrer sur le business et la RSE. Nous cherchons à mesurer tous ces impacts dans notre expérimentation.

Que conseilleriez-vous à un groupe qui souhaite adopter, à l'échelle, un outil d'IA tel que Copilot 365 ?

La première chose à retenir est qu'il vaut mieux procéder progressivement, prendre le temps de bien comprendre le fonctionnement, plutôt que de se trouver dépassé dans un an face à une technologie déjà très répandue. Se précipiter de peur d'être le dernier à adopter l'IA générative comporte des risques. Mieux vaut avancer à son rythme pour intégrer cette technologie de manière optimale.

Second point essentiel : il est primordial de bien structurer sa démarche, même si cela peut paraître évident. Cela dépend des objectifs de l'entreprise et de sa culture interne. Va-t-on commencer par une large diversité de métiers, comme nous l'avons fait, et dans ce cas, que va-t-on mesurer, comment et quelles conclusions en tirer en termes de généralisation ? Ou au contraire, va-t-on adopter une approche très technologique en confiant les tests à des experts qui vont pousser la technologie dans ses retranchements et évaluer performances et sécurité afin de fournir les retours dont l'entreprise a besoin ? Tout est question d'objectifs et de culture d'entreprise.

Prévoyez-vous d'expérimenter d'autres solutions d'IA générative ?

Nous explorons plusieurs technologies d'IA générative et analysons les principales solutions du marché pour comprendre leurs apports potentiels. En tant que grand groupe avec de multiples métiers et pays, nous utiliserons très certainement plusieurs outils d'IA et d'IA générative. Nous construisons cette stratégie dans un domaine en pleine évolution. Nous testons diverses solutions et il est probable qu'Orange dote ses employés de plusieurs outils d'IA générative dans les années à venir, comme c'est déjà le cas avec certains outils actuels.