L'IA, l'énergie et le développement durable : en tête des tendances pour les data centers en 2024

Comment les data centers, clés de l'écosystème numérique, affronteront en 2024 des défis d'IA, énergie, acceptabilité locale et écologie ?

Les data centers, ces centres de traitement et de stockage de données, sont devenus un pilier essentiel de l’écosystème numérique au regard du nombre considérable de données échangées dans le monde et qui transitent, à un moment de leur vie, par l’une de ces infrastructures.

Le déferlement de l’IA, son impact sur la densité des centres de données et les besoins en énergie, mais également les problématiques d’acceptabilité au niveau des territoires et celles liées à la réduction de l’empreinte environnementale, constituent autant de tendances et de défis pour le secteur en 2024.

TENDANCE Nº1 : une acceptabilité à construire

Les data centers font face à de nombreuses critiques : ils seraient trop énergivores, créeraient peu d’emplois et sont souvent perçus comme des forteresses imprenables. La croissance importante de ce secteur – qui crée chaque année entre 1000 à 2500 nouveaux emplois directs* – a fait apparaître l’enjeu de l’acceptabilité, vis-à-vis des autorités locales et des populations situées à proximité.

Au-delà des exigences en matière de performance énergétique de leurs infrastructures (PUE), les opérateurs de data centers doivent aujourd’hui montrer d’autres paramètres de type « UE » - Usage Effectiveness – concernant l’eau (WUE), le carbone (CUE), les analyses complètes de cycle de vie (ACV), etc…

Par ailleurs, les acteurs du secteur mettent majoritairement en avant leurs scopes 1 et 2 sur l’impact carbone alors que la majorité de leur impact environnemental concerne le scope 3, c’est-à-dire leur responsabilité indirecte (construction de nouveaux data centers, gestion des déchets sur les sites, achats de produits & services, déplacements de collaborateurs, etc…). La réduction de ce scope constituera un enjeu important dans les années à venir.

TENDANCE Nº2 : S’intégrer dans le territoire et l’économie

Un campus de data centers ne se conçoit pas de façon isolée. Il doit faire partie d’un tissu industriel et, plus largement, d’un territoire local pour assurer un avenir durable et collaborer avec d’autres secteurs industriels.

La réutilisation de la chaleur dite « fatale » - celle produite par les data centers - devient ainsi une obligation préalable au développement de nouveaux sites. Les solutions existent, comme le chauffage urbain, beaucoup pratiqué dans les pays nordiques ou encore des applications dédiées au secteur agro-alimentaire (hydroponie, serres, fermes aquacoles, etc.) Si les cas d’usages restent techniquement peu nombreux et financièrement peu rentables, il est indispensable aujourd’hui de nouer des partenariats multi-sectoriels pour passer à l’échelle industrielle.

Enfin, les programmes de sensibilisation des jeunes générations aux enjeux du numérique, via des partenariats avec des collèges, lycées et écoles d’ingénieurs, se développent de plus en plus.

TENDANCE Nº3 : surfer sur la vague de l’IA

La demande en matière de capacité de calcul et de stockage de données ne cesse de croître. L’IA générative est en train de bouleverser internet et les centres de données. Les modèles d’apprentissage d’intelligence artificielle, très gourmands en ressources, se développent rapidement.

Pour cela, les CPU et autres GPU [unités matérielles qui permettent aux ordinateurs de fonctionner] affichent désormais des TDP [Thermal Design Power] qui dépassent les 500W, générant des racks à plus de 40kW ! On se rapproche ainsi de supercalculateurs, mais cette fois-ci à l’échelle industrielle… Avoir la capacité de déployer rapidement des data centers « HPC-ready » ou « IA-ready » pour répondre à la demande croissante des clients, constituera un réel défi pour le secteur.

TENDANCE Nº4 : Optimiser la gestion de l’énergie sur les sites

Pour soutenir la demande induite par l’IA notamment, l’optimisation de la gestion de l’énergie sur les sites est un enjeu majeur. Dans ce domaine, via une collaboration étroite avec le gestionnaire du réseau électrique, il pourrait ainsi être possible de réduire la consommation aux heures de pointe, en utilisant les générateurs ou en stockant de l’énergie sur site. Un travail devra également être mené avec les opérateurs de cloud pour assurer l’adaptation de la charge avec la disponibilité d’énergie renouvelable, ce que les data centers ne peuvent faire seuls.

Les programmes de collaboration entre centres de données et réseaux doivent s’intensifier et l’hiver 2022/2023, notamment en France, a bien montré la criticité de ce dialogue avec, en contrepartie, le potentiel énorme d’une gestion « intelligente » de l’énergie entrante.

Si les technologies à base d’hydrogène sont prometteuses, elles sont encore au stade expérimental. A l’instar des énergies renouvelables, les plans d’investissement et les subventions des Etats et de l’Europe seront décisifs pour passer à une échelle économiquement viable.

TENDANCE Nº5 : DÉVELOPPER DE nouveaux systèmes DE REFROIDISSEMENT

De nombreux projets sur de nouvelles méthodes de refroidissement apparaissent comme le fait d’utiliser les courants d’un fleuve quand cela est possible, avec à la clé des promesses de réduction d’énergie.

Avec les CPU et GPU toujours plus puissants se développent des techniques à base de refroidissement liquide, soit directement via des systèmes DLC [Direct Liquid Cooling] avec un échange direct de chaleur sur les éléments critiques via des « waters blocks », soit en immergeant complètement les serveurs, deux techniques très performantes en termes de PUE.

Par ailleurs, l’approche digitale basée sur l’apprentissage machines (IA) permet également des gains significatifs sur le PUE, « simplement » en utilisant les millions de données générées par les systèmes critiques du centre de données.

TENDANCE Nº6 : miser sur l’ACV pour tous les projets

Conscients de leur impact et des défis environnementaux colossaux que doivent relever tous les acteurs de la chaîne numérique, les opérateurs de data centers misent sur l’analyse du cycle de vie (ACV) qui s’est imposée comme LA méthode d’évaluation la plus complète pour auditer tous les flux et les impacts autour de la conception et la production d’un data center.

Une démarche qui dépasse la simple analyse des émissions de gaz à effet de serre (GES) et des paramètres qui influent sur les ressources et la qualité de l'environnement puisqu’elle permet de calculer l’impact environnemental lié à la phase de construction d’un data center et celle liée à son fonctionnement.

Cette meilleure visibilité sur ce qui peut et doit être amélioré permet de mieux hiérarchiser les priorités d’action et, in fine, de créer une « vérité environnementale » pour tous les projets techniques et technologiques, évitant ainsi les transferts d’impacts environnementaux.

Obtenir la meilleure visibilité possible en termes d’impact carbone pousse également les opérateurs à explorer de nouvelles pistes sur l’éco-conception des centres de données, avec de nouvelles thématiques très présentes sur la réutilisation de sites industriels (notamment en lien avec la loi Zéro artificialisation nette, dite loi ZAN) et l’utilisation de béton bas carbone.

*France Datacenter 2023