Évolutions technologiques : quelle place pour l'Humain au cœur du droit ?

Les outils basés sur l'IA rencontrent une faible adhésion, et le secteur juridique ne fait pas exception. Entamant sa digitalisation, la place croissance de la "Tech" dans le secteur interroge.

Il y a encore quelques mois, l’intelligence artificielle était annoncée comme une révolution aux conséquences inégalées. Or, les derniers chiffres publiés par BPI France viennent perturber ces prédictions : seulement 3% des dirigeants français de TPE-PME font un usage régulier de l’IA générative. Ce faible engouement pour les outils basés sur l’IA tient à plusieurs choses : le caractère éthique de l’IA interroge, la constellation de solutions laisse perplexe et l’importance de l’expertise humaine est de plus en plus réaffirmée. Le secteur juridique, ne fait pas exception, et entame seulement sa digitalisation, laissant de plus en plus de place à la « tech ». Une évolution qui soulève des interrogations : où se situe véritablement l’innovation technologique dans le domaine du droit ? Quelle est (encore) la place de l’intelligence humaine ? 

Digitalisation du secteur du droit : une (r)évolution (timide) en cours 

L’IA est sur toutes les lèvres ! Si la majorité des métiers n’ont pas attendu OpenAI pour amorcer leur digitalisation, force est de constater que la progression fulgurante de l’IA entraîne une (r)évolution des pratiques professionnelles. Les applications concrètes de l’IA qui émergent sont très variables selon les secteurs d’activité. En l’occurrence, le secteur juridique est en pleine expansion et voit foisonner le nombre de startups issues de la Legaltech, tout en étant l’illustration même de cette disparité entre usages potentiels et mise en pratique concrète de l’IA. Un exemple et non des moindres, la signature des actes authentiques à distance a seulement été instaurée en 2020… alors que la France reconnaît légalement les signatures électroniques depuis l’année 2000. 

Plus largement, hormis les « nouveaux » outils de communications (site web, newsletter, etc.), rares sont les professionnels du droit à être passés au tout numérique, se satisfaisant des solutions historiques dont ils disposent déjà, telles que l’aide à la rédaction d’actes ou la signature électronique, et qu’ils savent parfaitement maîtriser. En dépit de cette lente transition au numérique, ils sont néanmoins de plus en plus nombreux à se saisir de solutions permettant de gagner en productivité sur certaines de leurs missions les plus chronophages (analyse et traitement de données juridiques, tâches administratives, …). Et nous devons cette accélération à la crise du Covid-19, qui a obligé les professionnels à se tourner vers des outils digitaux pour des raisons évidentes de compétitivité ! Ainsi, par la force des choses et dans un souci accru de performance, les métiers juridiques entament progressivement leur transition numérique… même si le chemin reste encore long ! 

La relation client : nerf de la guerre des professionnels du droit

D’ores et déjà au cœur des préoccupations des professionnels du droit, la relation client revêt désormais une importance d’autant plus cruciale. Et cela tient à plusieurs raisons. Tout d’abord, la concurrence accrue entre les professionnels due à la liberté d’installation, accordée depuis peu à certains corps de métiers juridiques : ce sont par exemple près de 600 notaires qui doivent être titularisés d’ici 2025. Par ailleurs, il faut ajouter à cela que les professionnels du droit n’ont pas accès aux armes privilégiées du secteur privé pour gagner en notoriété, que constitue la publicité et le marketing ! Obligeant alors avocats, notaires et commissaires de justice à adapter leurs pratiques pour se démarquer et répondre aux nouveaux défis qui leur incombent : leur accessibilité et la qualité de leur accompagnement. 

Grâce aux outils numériques, les professionnels peuvent donc se consacrer à leur cœur de métier : l’accompagnement et le conseil à apporter au justiciable, à chacune des étapes de ses grands moments de vie (premier achat immobilier, litiges, successions, PACS, décès, etc.) Car, nous aurions tort de l’oublier, au-delà d’un rôle de « conseil » les professionnels du droit ont un rôle profondément social, voire de pair-aidants ! Et là aussi, la technologie a un formidable rôle à jouer en matière de gestion de la relation client (prise de rendez-vous, transmission de document, suivi, relances, etc.). Encore faut-il que le bon outil agissant sur l’ensemble des volets de la relation client voit le jour…

In fine, bien que source évidente d’opportunités, la digitalisation du secteur juridique semble constituer le principal défi à relever par les professionnels, tant en matière d’outils à adopter que d’acceptabilité. Aux craintes d’une ubérisation des métiers du droit, nous arguons cependant que la « tech » ou bien « l’IA » n’a pas et n’aura jamais vocation à remplacer les professionnels du droit. Déléguer la justice, pan essentiel de notre société, à des machines est impensable et présenterait une véritable menace.