Hayete Gallot (Google Cloud) "Project Mariner vise à démystifier les agents IA auprès du grand public"

Hayete Gallot, chief customer experience officer chez Google Cloud, décrypte les évolutions du marché de l'IA générative ces derniers mois et détaille les nouvelles capacités IA déployées par Google.

JDN. En 2022, Google a tiré la sonnette d'alarme en interne, évoquant un "code rouge" face au risque de déclassement de Google si les équipes ne redoublaient pas d'efforts sur l'intelligence artificielle générative. Trois ans plus tard, Google est à la pointe des innovations du secteur. Comment l'entreprise a-t-elle réussi à se réinventer ?

Hayete Gallot est chief customer experience officer chez Google Cloud. © Google Cloud

Hayete Gallot. Je pense qu'on a toujours été des leaders sur l'IA. Quand vous regardez notre moteur de recherche, c'est du machine learning. Les Transformers, c'est nous qui les avons créés. Notre investissement en recherche, notamment sur DeepMind, est énorme. Sur les Tensor Processing Unit (TPU), on a créé notre propre matériel parce qu'on n'arrivait pas à trouver de hardware qui pouvait délivrer ce dont on avait besoin. Je pense qu'on a toujours été en avance, mais on n'a pas été très bons pour raconter notre histoire.

Au départ, nous nous concentrions sur le grand public avec notre moteur de recherche et nos résumés automatiques, et nous étions confiants sur ces produits. Mais nous avons réalisé que le marché entreprise représentait un énorme potentiel pour l'IA. Nous avons donc restructuré nos équipes et annoncé des réorganisations, notamment au niveau de l'ingénierie. C'est maintenant beaucoup mieux organisé. L'efficacité que vous observez aujourd'hui résulte de notre nouvelle approche. Nous définissons mieux nos priorités, nous organisons différemment nos équipes d'ingénierie, et nous optimisons la collaboration entre DeepMind et nos autres divisions pour exploiter pleinement leurs innovations. C'est ce qui nous permet de lancer des produits comme Imagen, Veo ou Lyria.

Le Project Mariner a beaucoup fait parler de lui lors de Google I/O. Pourriez-vous préciser les usages clés de cet agent et en quoi il se distingue des autres solutions du marché ?

Project Mariner est vraiment innovant car il vise à démystifier les agents d'IA pour le grand public. L'objectif est de construire la confiance en montrant concrètement ce qu'un agent peut faire. Son principe est simple : sur un navigateur, vous saisissez une requête, et l'agent commence à travailler pour vous. Sa particularité est de documenter chaque étape de son processus, en fournissant des références et un résultat final. C'est une opportunité formidable de faire comprendre ce qu'est réellement un agent IA.

En 2023, l'IA était encore au stade de l'expérimentation dans la plupart des entreprises. En 2024, nous avons assisté à ses premiers déploiements en production. En 2025, observez-vous chez vos clients des premiers signes de maturité dans l'adoption de l'IA ?

Je dirais que nous sommes dans une vraie transition du POC à l'échelle. Aujourd'hui, les business decision makers se sont intégrés dans le processus de décision. Les entreprises ont beaucoup travaillé sur leurs processus et à la manière de passer d'une idée à un déploiement à grande échelle. Quand elles décident d'avancer, elles examinent méticuleusement plusieurs aspects : la sécurité, les principes, l'évolutivité, les coûts, et surtout comment anticiper et maîtriser les dépenses. Ce qui est particulièrement intéressant, c'est la diversité des secteurs impliqués : de Renault à LVMH, en passant par le BTP et les Galeries Lafayette. Tous les secteurs sont désormais en compétition, avec une approche centrée sur les processus métiers. L'objectif est de favoriser une adoption large, en formant les utilisateurs.

Quels sont les produits d'IA Google Cloud que vos clients adoptent le plus ?

Notre démarche avec Gemini dans Workspace était de démocratiser l'IA. Nous avons mis en place un modèle tarifaire incitatif qui a largement facilité son adoption. Le résultat est impressionnant. Tous les utilisateurs l'utilisent. D'un autre côté, NotebookLM est également un excellent exemple, avec 100 000 entreprises utilisatrices en quelques mois. Nous constatons aussi une adoption marquée sur le secteur de l'IA pour le service client. Les entreprises veulent investir dans l'innovation et cherchent à optimiser leur efficacité.

Enfin, il y a tout l'écosystème développeur. Les entreprises n'arrivent pas à recruter suffisamment de développeurs. Tous les outils de développement de code et d'assistance aux développeurs deviennent donc cruciaux, car il faut que les développeurs existants puissent produire davantage de code. La cybersécurité suit la même logique. Face au manque d'analystes, les agents de sécurité couplés à la threat intelligence permettent désormais à davantage de personnes de contribuer à l'écosystème.

Si l'on regarde maintenant le marché, notamment en comparant l'Amérique du Nord et l'Europe, constatez-vous aujourd'hui encore des différences d'adoption des technologies d'IA ?

Au début, l'Europe accusait effectivement un certain retard. Aujourd'hui, les niveaux d'adoption de l'IA sont assez similaires entre l'Amérique du Nord et l'Europe. La vraie différence réside désormais autour des enjeux de souveraineté technologique. Toutes les entreprises, qu'elles soient globales ou locales, partagent une préoccupation commune : innover sans compromettre leur compétitivité, tout en répondant aux exigences réglementaires.

L'AGI (intelligence artificielle générale) suscite de nombreuses attentes. Google travaille-t-il sur ce sujet, et anticipez-vous de nouveaux cas d'usage concrets ?

L'évolution est fascinante. Nous sommes passés des assistants aux agents, et maintenant certains évoquent l'AGI. Mais aujourd'hui, nous sommes résolument dans l'ère des agents. Les clients sont pragmatiques. Leur préoccupation n'est pas théorique mais opérationnelle. Ils se demandent comment construire un agent, comment les orchestrer, comment créer de la confiance avec les utilisateurs, comment les aider concrètement ? Cette démarche est rassurante car elle garde le cap sur la valeur ajoutée réelle.