Moins de gaspillage, plus d'efficacité : l'IA s'installe dans les cuisines françaises
L'IA est en passe de transformer le secteur de la restauration en France avec des solutions pensées pour améliorer l'efficacité opérationnelle, réduire le gaspillage et enrichir l'expérience client.
L’intelligence artificielle n’est plus une simple innovation marginale dans le secteur de la restauration : elle devient un véritable levier stratégique. Une enquête de Food Service Vision et de Food Hotel Tech publiée en février 2024 révèle que 71 % des Français anticipent une adoption significative de l’IA au cours des deux prochaines années, et 27 % estiment que le secteur de la restauration utilise déjà ces technologies. Du côté des professionnels du secteur de la restauration et de l’hôtellerie interrogés en novembre 2023, 28 % affirmaient intégrer l’IA dans leurs activités quotidiennes. Cette tendance s’accélère : 89 % des professionnels affirmaient s’intéresser à l’IA pour une mise en œuvre dans les deux prochaines années.
Par ailleurs, une étude menée lors du salon Food Hotel Tech 2025 vient renforcer ces données. Sur place, 77 % des restaurateurs interrogés ont déclaré utiliser des outils d’IA dans leur établissement, qu’il s’agisse de systèmes de gestion automatisée, d’outils de prévision ou d’optimisation de la relation client. L’IA n’est donc plus une perspective abstraite, mais une réalité concrète dans de nombreux établissements français.
Optimisation des opérations et réduction du gaspillage alimentaire
L’un des apports majeurs de l’IA réside dans l’optimisation de la chaîne opérationnelle. Les algorithmes permettent d’analyser en temps réel les flux de ventes, les stocks disponibles, les comportements de consommation et même les prévisions météorologiques afin de mieux anticiper la demande. Grâce à ces données, les restaurateurs peuvent ajuster les commandes fournisseurs, réduire les ruptures ou les excédents, et ainsi limiter le gaspillage alimentaire.
Le logiciel Inpulse en est un exemple. Cette plateforme d'IA tout-en-un permet de générer des prévisions de vente précises en intégrant des facteurs externes comme la météo, les jours fériés, les tendances de consommation ou encore les événements locaux. Le co-fondateur d’Inpulse, Brice Konda, mentionne que pour la chaîne Côté Sushi, l’adoption de ce logiciel a permis de réduire de 70 % les pertes liées au saumon – un ingrédient coûteux et périssable – et d’augmenter la marge brute de l’entreprise de 800 000 € en un an (source: Hôtellerie Restauration). Ce type de résultats démontre l’impact direct que peut avoir l’IA sur la rentabilité et la durabilité du secteur.
Une expérience client enrichie par l’IA
L’IA ne bénéficie pas uniquement aux professionnels : elle transforme également l’expérience vécue par les clients. Ces derniers apprécient les améliorations apportées, notamment en termes de personnalisation, de rapidité et de qualité de service.
Par ailleurs, d’après l’étude conjointe de Food Service Vision et de Food Hotel Tech, 67 % des consommateurs se disent favorables à la recommandation de restaurant adaptée à leurs contraintes de budgets et à leurs goûts. Ils verraient d’un bon œil des alertes en temps réel sur le niveau d’affluence (61 %) ou les suggestions d’accompagnements et de boissons en accord avec le plat choisi (55 %). Utiliser l’IA pour ces besoins peut permettre d’anticiper les besoins des clients, d’individualiser les parcours et de proposer une expérience culinaire plus fluide et intuitive.
Dans certains établissements, des chatbots intelligents sont utilisés pour faciliter les réservations, répondre aux questions fréquentes ou encore enregistrer des préférences clients pour de futures visites. Ces outils, accessibles via les sites internet ou les applications mobiles, contribuent à créer une relation continue entre le client et le restaurant, au-delà du simple repas.
L’intégration de la robotique dans les établissements français
En parallèle du développement logiciel, la robotique fait une entrée remarquée dans les établissements français. Des robots serveurs sont déployés dans certains restaurants pour effectuer des tâches simples et répétitives, comme apporter les plats ou débarrasser les tables. L’objectif n’est pas de remplacer le personnel humain, mais de le soulager sur des fonctions à faible valeur ajoutée, notamment lors des pics d’affluence ou dans des zones en tension sur le plan du recrutement.
Un cas emblématique : l’utilisation par le restaurant Montecito de l’hôtel Kimpton St Honoré Paris d’un robot hybride baptisé Bryan capable de transporter repas et boissons tout en circulant seul dans la salle et commandé par l’IA. Bryan peut livrer les plats ou rapporter les assiettes vides, permettant ainsi aux équipes de se concentrer encore plus sur l’expérience client.
D’autres établissements expérimentent également des bras robotisés pour la préparation de plats simples, ou encore des systèmes automatisés pour le nettoyage. Dans les hôtels comme Aiden by Best Western, des robots d’accueil capables de guider les visiteurs commencent aussi à faire leur apparition.
Certains défis posés par l’IA
Malgré les nombreux avantages, l’intégration de l’IA et de la robotique dans la restauration soulève encore de nombreuses interrogations. L’une des principales préoccupations concerne l’impact sur l’emploi. Certains redoutent que la multiplication des technologies autonomes ne conduise à une réduction des postes, notamment ceux liés au service ou à la cuisine.
Par ailleurs, la convivialité - élément central de l’expérience gastronomique française - pourrait être altérée par une automatisation excessive. Selon l’étude menée par Food Service Vision et Food Hotel Tech, 39 % des Français et 52 % des professionnels estiment qu’un robot contrôlé vocalement pour le service et le nettoyage pourrait dégrader l’expérience d’un repas au restaurant.
En outre, toujours selon la même étude, 6 Français sur 10 expriment des doutes quant à la compatibilité de l’IA avec les notions de « fait maison » et de convivialité. Un des risques pourrait être que les plats deviennent trop standardisés ou que la créativité du chef soit bridée par des algorithmes de rentabilité. Il faudra donc veiller à utiliser ces outils comme des leviers d’amélioration, et non comme des substituts à l’humain.
Les restaurateurs doivent aussi faire face à des questions de cybersécurité et de protection des données personnelles. La collecte d’informations sur les habitudes de consommation, les préférences alimentaires ou les avis clients nécessite de garder en tête la protection de la vie privée des utilisateurs.
Perspectives : vers une restauration augmentée
L’avenir de l’IA et de la robotique dans la restauration française s’annonce prometteur, à condition de concilier innovation technologique et valeurs humaines. Le secteur fait face à de nombreux défis, - inflation, pénurie de main-d’œuvre, attentes environnementales -, auxquels l’IA peut apporter des réponses efficaces.
On peut s’attendre à voir émerger des concepts de « restaurants augmentés », où les chefs, les serveurs et les machines collaborent pour offrir une expérience culinaire enrichie, durable et adaptée aux attentes des nouvelles générations. L’IA pourrait assister à la création de recettes, analyser les tendances culinaires en temps réel, ou encore anticiper les besoins nutritionnels des clients.
En parallèle, la robotique pourrait continuer à se développer dans des domaines comme la livraison autonome, la cuisson de plats simples ou la logistique interne, tout en laissant à l’humain la gestion des interactions sociales et de la créativité.
Si l’intelligence artificielle et la robotique sont souvent perçues comme des éléments futuristes, elles sont aujourd’hui bien ancrées dans le paysage de la restauration française. Leur potentiel est immense : mieux gérer, moins gaspiller, mieux servir. Toutefois, pour garantir une adoption durable et bénéfique, il faudra placer l’humain au cœur de cette transition technologique, en favorisant la complémentarité entre savoir-faire traditionnel et intelligence numérique.