L'intelligence artificielle ou la nouvelle géonumérique du pouvoir
L'intelligence artificielle déplace le pouvoir mondial : la géonumérique appartient à ceux qui contrôlent infrastructures, ressources et recherche.
À l’heure où l’intelligence artificielle restructure les marchés et les chaînes de valeur, une nouvelle forme de puissance s’impose : celle du numérique. L’équilibre mondial se recompose autour de ceux qui contrôlent les infrastructures, les ressources stratégiques et la R&D. Sous l’impulsion de l’IA, le pouvoir se déplace et les frontières du numérique sont redessinées. Une ère géonumérique s’ouvre, où la technologie devient le levier central de l’influence économique et politique, et où ceux qui la maîtrisent redistribuent les cartes du pouvoir mondial.
L’intelligence artificielle ou le nouvel ordre mondial
Selon Forrester, en 2026, l’IA atteindra un point de bascule : un quart des investissements prévus sera reporté à 2027, tandis que moins d’un tiers des décideurs savent relier la valeur de l’IA à la croissance financière de leur entreprise. Fin de l’euphorie : la hype s’efface, la rigueur s’impose. L’IA entre dans une ère de maturité où les ambitions doivent enfin produire des résultats mesurables.
Mais derrière cette correction du marché se dessine une transformation bien plus profonde. Nous entrons dans l’ère de la géonumérique du pouvoir : une reconfiguration silencieuse mais implacable, où la puissance ne se mesure plus à la taille d’un PIB ou à la force d’une armée, mais à la capacité de contrôler le numérique — ses ressources, ses constructeurs et sa recherche.
Le centre de gravité technologique mondial glisse. Les véritables leviers de puissance se trouvent désormais dans le contrôle des terres rares, dans la maîtrise des infrastructures critiques — data centers, GPU, semi-conducteurs — et dans la capacité à financer une R&D souveraine. Autour de ces axes, une nouvelle hiérarchie se forme : celle des acteurs capables de bâtir ou de faire évoluer les architectures de l’IA. Les néoclouds, les start-ups spécialisées ou les fournisseurs d’IA souveraine s’imposent peu à peu comme des contre-pouvoirs aux géants établis.
Un décalage criant entre les promesses et la réalité
Beaucoup de projets d’IA ont été vendus comme des révolutions. Dans les faits, les intégrations sont longues, la formation des équipes coûteuse, et la rentabilité incertaine. Résultat : budgets différés, pilotes à l’arrêt et dirigeants sommés de prouver la valeur de chaque euro investi.
À cela s’ajoute un verrou humain et technologique. Forrester anticipe que le temps nécessaire pour recruter des développeurs qualifiés va doubler. Sans ces compétences, les ambitions s’essoufflent. Dans le même temps, la cybersécurité doit évoluer pour protéger des systèmes interconnectés et vulnérables, tandis que la sécurité quantique s’impose comme un impératif coûteux mais vital.
Le danger, dans ce contexte, serait de se laisser happer par la surface des choses — les annonces, les démos, les promesses. La vraie bataille se joue sous la ligne de flottaison : là où se redessine la carte du pouvoir numérique mondial. Car ceux qui maîtrisent à la fois les ressources, les constructeurs et la capacité d’innovation détiennent désormais la clé de la puissance économique et technologique.
Pour Forrester, l’IA n’est pas un raccourci vers la croissance. C’est un levier stratégique qui redéfinit les marchés, transforme les chaînes de valeur et redistribue les rapports de force mondiaux. Comprendre cette géonumérique du pouvoir, c’est comprendre où se jouera la prochaine décennie : dans les alliances technologiques, les investissements R&D et la souveraineté des infrastructures. Ceux qui la cartographient aujourd’hui en traceront demain les frontières.