Face au coronavirus, les acteurs de l'IoT pris entre deux feux
Le carnet de commandes de Drone Volt est plein. Début mars, le spécialiste français du drone civil annonçait même avoir signé avec le producteur d'électricité canadien Hydro-Québec. Mais depuis, toute son activité a été mise à l'arrêt. Les difficultés ont touché en premier lieu la chaîne d'approvisionnement. "Nous avons ressenti les premiers effets de la crise au moment où la Chine s'est fermée en décembre dernier. Nous avons anticipé en gonflant nos stocks de matières premières mais, avec le temps, ces derniers s'épuisent", raconte le PDG Olivier Gualdoni. Depuis le 5 mars dernier, l'entreprise de Villepinte ne dispose plus des moteurs et cartes électroniques nécessaires à l'assemblage de ses drones et s'est vu contraint d'arrêter sa production.
"Nous avons ressenti les premiers effets de la crise quand la Chine s'est fermée en décembre dernier"
Des défauts dans la chaîne de livraison s'ajoutent désormais au problème. Drone Volt n'a plus de transporteur, tous ses envois de produits sont reportés. "Nous sommes confrontés au décalage entre les géographies : alors que la Chine recommence à produire, c'est l'Europe qui se ferme", constate Olivier Gualdoni. Une situation identique pour la plupart des fournisseurs de composants IoT : le fabricant Enless Wireless a annoncé la fermeture de ses usines de production et de son centre logistique jusqu'à fin mars et la start-up nîmoise Ineo-Sense, spécialisée dans la conception de systèmes IoT industriels, a dû également stopper sa production, son chiffre d'affaires étant restreint aux prestations de services uniquement. "DHL a indiqué qu'il maintiendrait ses services mais nous allons sans doute devoir changer d'entrepôt qui devrait fermer. S'adapter au plus vite est devenu le maître mot dans cette période d'incertitudes", témoigne de son côté Amélie Caudron, CEO chez Invoxia, fournisseur français de trackers GPS.
S'il est encore trop tôt pour évaluer les coûts de la crise, le centre d'innovation de La Coque à Marseille estime que le secteur a déjà subi une chute d'activité de l'ordre de 30% ces dernières semaines. Selon une étude publiée le 18 mars par la société de conseil ABI Research, les fournisseurs IoT d'asset tracking et de gestion de flotte sont les plus touchés. Les fabricants chinois de matériels IoT (puces, modules, passerelles) sont quant à eux restés "muets sur l'impact du Covid-19 sur leurs entreprises", indique le rapport.
"Surmonter la crise est un enjeu d'écosystème, il faut que les grands groupes aident les start-up"
Au-delà de la chaîne logistique, les entreprises du domaine craignent davantage l'absence de demande. Avec les mesures de confinement, l'ensemble des projets IoT ont été stoppés. La start-up Olythe, qui conçoit un éthylotest connecté, a perdu jusqu'à 80% de son chiffre d'affaires en quelques jours. "Nous avons réalisé des stocks pour assurer la production mais le business chute et nous ne parvenons pas à obtenir d'aides financières malgré les annonces gouvernementales à ce jour", s'inquiète Guillaume Nesa, cofondateur d'Olythe. Avant la crise, la jeune pousse était en phase de levée de fonds pour préparer un lancement commercial, devenu incertain à l'heure actuelle.
"Toutes les start-up qui n'ont pas de trésorerie d'avance risquent de disparaître", s'alarme Vincent Richet, PDG et cofondateur de La Coque, qui espère que les salons sur l'IoT, comme IoT World ou le Sido, reprogrammés à la rentrée, vont contribuer à la reprise de l'activité. Chez Invoxia, Amélie Caudron est soulagée d'avoir trouvé un soutien auprès de son fonds d'investissement Newfund qui a mis en place un outil d'échange de bonnes pratiques entre start-up. "Il faut rester positif et nous entraider car on n'en est qu'au début de la crise en France", prévient Stéphanie Suretat, directrice de la communication du montpelliérain Matooma, spécialiste de la connectivité IoT par carte SIM multi-opérateurs.
Pour faire face à la situation, l'opérateur Jaguar Network vient de lancer au sein du cluster Medinsoft une commission nommée IoT Alliance, regroupant une vingtaine d'entreprises. Objectif : dégager des solutions en matière de financement ou de gestion de stocks de produits non-déployés. "Surmonter cette crise est un enjeu d'écosystème, il faut que les grands groupes aident les start-up", affirme Kevin Polizzi, son CEO, avant de conclure : "Le moment de la reprise sera également complexe en termes opérationnels car il faudra synchroniser la fabrication, le transport des produits, la disponibilité des sous-traitants, etc."