Emmanuel Mouton (Synox) "Le programme de R&D E-Seanergy permettra à Synox de répondre à trois usages BtoB de l'IoT maritime"
L'éditeur IoT français veut mettre l'IoT au service du milieu marin et de l'économie maritime en concevant avec l'Institut d'Electronique et des Systèmes une offre spécifique pour trois cibles de clients.
JDN. Vous dévoilez ce jeudi 25 mars le programme de R&D sur l'IoT maritime E-Seanergy. En quoi consiste-t-il ?
Emmanuel Mouton. E-Seanergy est un programme de R&D que nous allons mener sur trois ans avec le laboratoire de recherches IES engineering, la structure spécialisée dans la microélectronique de l'Institut d'Electronique et des Systèmes. L'objectif est de concevoir et de développer un service global de mesures en milieux marin, lagunaire et portuaire. Nous ciblons trois usages différents dans le BtoB : en premier lieu la remontée de données de bateaux de plaisance – pour déterminer combien de temps ils sont utilisés, leur localisation, leur mode de pilotage ou encore le contexte dans lequel ils ont évolué, c'est-à-dire le pH, la température, la salinité de l'eau. Constituant un carnet de bord du bateau, ces informations se révèlent utiles pour les constructeurs, les loueurs, les clubs nautiques ou encore les ports qui veulent animer leur communauté.
L'offre sera étoffée par l'analyse de l'eau au niveau des bouées marines fixes pour des visées scientifiques, afin de permettre aux chercheurs ou aux agences environnementales de connaître l'impact des activités humaines sur l'eau. La France a près de 550 aires maritimes protégées qui représentent des milliers de mètres carrés à surveiller. Connecter et rendre utilisables ces bouées constitue un véritable enjeu car au niveau mondial, il y a plus de 8 000 bouées dont la moitié ne sont plus utilisées par manque de batterie.
Enfin, nous voulons mettre l'IoT au service des professionnels de la mer, dans l'aquaculture notamment, pour leur fournir des données biologiques. Dans la filière conchylicole par exemple, qui regroupe en France 476 entreprises dont la plupart sont dépendantes des aléas climatiques impactant le milieu lagunaire, on s'est aperçu que 30% de la production est perdue car les moules ou les huîtres ne sont pas bien alimentées. Avoir des informations sur leur état a un réel intérêt économique.
Quel est le calendrier du projet ?
IES engineering travaille sur le design des capteurs, sur leur miniaturisation, leur autonomie énergétique, leur sécurisation, etc. De notre côté, nous travaillons sur l'intégration d'algorithmes pour avoir une donnée dans le temps et savoir si l'état des mers s'améliore ou régresse. L'un des enjeux de R&D concerne le travail sur les phosphates et les micro plastiques, pour savoir quel taux est présent dans une eau. Par ailleurs, nous échangeons avec l'opérateur d'IoT satellitaire Kinéis sur la manière d'intégrer l'IoT satellitaire à notre plateforme pour élargir la couverture en mer. Nous espérons finaliser pour les bateaux de plaisance un premier prototype du capteur avec son environnement (réseaux et plateforme, ndlr) à la fin de cette année 2021. Nous ferons appel à un fabricant qui l'industrialisera pour que l'on puisse commercialiser la solution en 2022. Il nous faudra un an de plus, jusqu'en 2023, pour proposer une offre consacrée aux bouées marines. Et 2024 sera l'année où nous finaliserons la solution sur les pontons destinée à l'aquaculture.
Que représente le secteur maritime pour Synox ?
Dans notre étude de marché, nous n'avons pas trouvé beaucoup de solutions sur le marché dans ce domaine et celles existantes ne sont pas toujours abordables. Il y a par ailleurs de fortes attentes économiques et sociales des acteurs. Un exemple : le label Pavillon bleu décerné aux plages est attribué en avril en fonction de tests et il est valable pour toute la saison. Avoir des données en temps réel permettrait de l'adapter de manière dynamique. Chez Synox, notre leitmotiv est d'apporter des solutions éthiques et environnementales et nous avons vu dans ce projet l'opportunité de montrer la valeur de l'IoT. Le maritime est donc un domaine nouveau pour Synox, mais passionnant. Avec E-Seanergy, l'IoT se jette à l'eau. Pour mener à bien le projet, nous allons recruter des ingénieurs et nous travaillons avec des partenaires, notamment sur le design thinking pour adapter l'interface selon que l'on s'adresse aux plaisanciers, aux gestionnaires de parc de bateaux, etc. Cela nous permet de développer nos compétences.
Quel sera le modèle d'affaires des solutions créées ?
Le coût du projet de R&D est de 1,6 million d'euros, subventionné de moitié par la Région. Les équipes d'IES engineering détailleront les procédés de fabrication des capteurs et nous aurons des droits d'usage. Nous lancerons en premier l'offre destinées aux bateaux de plaisance car le marché est phénoménal au niveau mondial et c'est dans ce secteur que les ROI seront les plus rapidement atteints pour les clients. Cela nous permettra de financer la suite du projet. L'objectif est d'arriver à plusieurs dizaines de milliers d'équipements, nous ne voulons pas d'expérimentations mais de projets à large échelle. Une dizaine de clients se sont déjà montrés intéressés et des particuliers sont aussi en attente de telles solutions pour la vente ou la location de leur navire. Nous nous réjouissons de créer en Occitanie une expertise dans ce domaine.
Emmanuel Mouton fonde sa première société dédiée à la mobilité en 2003. Synox voit ensuite le jour en 2005 et compte en 2021 plus de 600 clients pour lesquels elle gère plus de 70 000 objets connectés. Egalement président de Digital 113, le cluster numérique d'Occitanie, Emmanuel Mouton intervient également auprès des élèves du Master 2 Marketing Innovation et Territoires de Montpellier Management.