Comment une nouvelle génération de robots collaboratifs redéfinit la nature des tâches manuelles
Si elle contribue à rendre le travail moins dangereux, moins pénible et moins fastidieux, l'automatisation requiert également une mise en œuvre délicate et l'engagement des entreprises à requalifier leurs employés.
Si elle contribue à rendre le travail moins dangereux, moins pénible et moins fastidieux, l’automatisation requiert également une mise en œuvre délicate et l’engagement des entreprises à requalifier leurs employés. Un enjeu de taille pour le secteur agroalimentaire puisqu’avec plus de 500 000 emplois et près de 18 000 entreprises, il représente le premier employeur industriel du pays offrant plus de 21 000 postes à pourvoir chaque année (1).
La robotique, une réponse pertinente pour faire face à la nouvelle normalité
Bien avant le début de la décennie, plusieurs forces se conjuguaient pour élargir l’adoption de la technologie robotique. Les robots étaient de plus en plus nombreux dans les usines, mais également dans les laboratoires scientifiques, les entrepôts ou les plateformes logistiques, sans oublier certains domaines historiquement gourmands en main-d’œuvre, tels que la transformation alimentaire.
En mars 2020, ces forces ont soudainement connu une très forte accélération avec l’apparition du virus SRAS-CoV-2. Fruit de la crise sanitaire, la « nouvelle normalité » a imposé la distanciation physique sur de nombreux lieux de travail et montré aux industriels à quel point leur chaîne d’approvisionnement mondialisée pouvait être fragile. Dans le secteur agroalimentaire, l’innovation a cessé de s’intéresser à l’introduction de nouveaux produits pour se reporter sur les processus. Dans ce contexte inédit, la robotique a une importante carte à jouer pour aider les industriels à réagir aux phénomènes induits par la Covid.
Les innovations technologiques ont permis aux systèmes robotiques de devenir à la fois plus rapides et plus simples à mettre en œuvre. Dans la mesure où les défis techniques peuvent être relevés plus facilement qu’auparavant, l’attention peut à présent se porter sur les personnes et les processus. Le risque de voir les robots remplacer les opérateurs humains à leur poste constitue une crainte légitime, même si l’introduction d’automates élimine des « tâches », et non des emplois. Les opérateurs devront toujours exécuter ce qu’un robot ne peut accomplir en faisant preuve d’imagination et de créativité pour affiner ou réinventer des processus. La robotique peut entraîner d’importants changements, qu’il s’agisse du déploiement des effectifs, des besoins de compétences et de formation, de la culture organisationnelle et même de la société au sens large. C’est pourquoi une telle évolution mérite une attention particulière de la part des entreprises et des pouvoirs publics.
Conseils aux entreprises qui déploient un programme de robotique
Les problématiques liées à l’introduction ou à l’extension de la robotique sont nombreuses et variées. Il est plus important que jamais de prendre de la hauteur, dans la mesure où la pandémie pousse les entreprises à accélérer l’adoption de cette technologie. Les sociétés qui prennent ces enjeux en compte déploieront cette technologie de manière à la fois plus rapide et plus efficace à leur profit, mais également pour le bien des communautés où elles sont implantées.
Les robots améliorent de manière significative la productivité d’un bout à l’autre de la chaîne de production industrielle. Alors que leurs utilisations classiques impliquent le déploiement de machines aussi encombrantes que coûteuses et dont l’installation, la mise en service et la programmation nécessitent parfois plusieurs semaines, de nouveaux types de robots, notamment les robots collaboratifs (« cobots »), suscitent un intérêt de plus en plus vif. Elles constituent en effet, une réponse pertinente aux exigences de distanciation physique en atelier mais également aux absences pour cause de maladie ou de quarantaine qui compliquent la planification des horaires de travail. En d’autres termes, à l’heure où les employeurs ne peuvent pas compter sur leurs effectifs habituels, robots et cobots apportent une solution bienvenue.
La pandémie a par ailleurs exercé une pression considérable sur les chaînes d’approvisionnement mondiales. Une solution de plus en plus prisée consiste à rapatrier la production dans le but de rapprocher le traitement des produits du lieu où ils sont achetés ou consommés, minimisant ainsi les besoins de transport.
Dans ce cas également, les robots jouent un rôle important. Car si ce rapatriement de la production peut être positif pour la continuité d’activité et la résilience des entreprises, les sociétés de transformation alimentaire implantées en Europe occidentale ou en Amérique du Nord n’ont pas accès à la même main-d’œuvre bon marché que d’autres régions. Les robots peuvent résoudre ce problème : ainsi selon l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA), 30 000 emplois sont restés non pourvus dans le secteur agroalimentaire en 2020 et une entreprise alimentaire sur deux rencontre des difficultés de recrutement (2). Autre atout, les robots sont la clé d’une approche plus modulaire et flexible de la production, accélérant l’évolution vers la personnalisation de masse.
De nouveaux rôles pour de nouveaux robots
Cette nouvelle vague d’automatisation change la donne : les entreprises innovantes imaginent de nouvelles façons d’automatiser qui nécessitent de nouveaux types de robots, ainsi que de nouvelles compétences pour leurs opérateurs humains.
L’une des principales évolutions concerne la conception et le déploiement des cobots. Ces « robots collaboratifs » ont pour mission d’éliminer la pénibilité et les efforts généralement associés aux tâches manuelles. Sous la supervision d’un opérateur humain, ils peuvent exécuter les tâches fastidieuses, répétitives ou dangereuses telles que la préparation des commandes, le placement, l’inspection, le tri, voire le nettoyage et la désinfection. En outre, la robotique améliore considérablement l’efficacité des tâches de préparation des aliments : en effet, la préparation de portions calibrées permet aux entreprises du secteur de réaliser d’importantes économies.
Lorsqu’un cobot est présent aux côtés d’un opérateur humain, la puissance utilisée et l’espace occupé doivent être nettement moins importants que dans le cas d’un robot autonome classique. Autrement dit, les cobots doivent être conscients de l’environnement où ils opèrent afin de ralentir ou de s’arrêter dès qu’ils détectent la présence d’un humain à proximité d’une pièce mobile, qu’il s’agisse d’un outil ou d’un bras articulé.
Pour leur part, les fabricants imaginent de nouveaux moyens de faciliter et d’accélérer la mise en service et la programmation des cobots. Ils ont ainsi introduit une approche différente de la programmation. Dans de nombreux cas, l’utilisateur n’écrit pas la moindre ligne de code, les opérations exécutées par le cobot pouvant être configurées à l’aide d’une simple tablette. L’opérateur peut ensuite effectuer une « programmation guidée », en positionnant le bras du cobot dans une série de points dans l’espace, avant d’appuyer sur une touche de son terminal pour enregistrer la séquence dans la mémoire du cobot.
Des cobots plus compacts, moins coûteux, plus rapides et plus faciles à déployer : telle est la vision des industriels pour promouvoir l’adoption des robots.
Ensemble, un cobot et un opérateur humain peuvent atteindre un niveau de production supérieur avec une sûreté accrue que lorsque l’opérateur intervient seul. Cette approche ouvre des possibilités exaltantes en réinventant le travail et le lieu de travail. Ce que nous avons longtemps considéré comme des « tâches manuelles » pourrait ainsi être transformé, d’une part en éliminant la tension physique, la pénibilité, le danger et les risques d’erreur humaine et, d’autre part, en donnant aux opérateurs la possibilité d’accomplir des tâches plus valorisantes en faisant un meilleur usage de leurs capacités cognitives.
Cette mutation doit être abordée avec soin pour faire en sorte que les industriels reçoivent l’adhésion des communautés où ils sont implantés. Aujourd’hui, bon nombre de personnes craignent que les robots ne prennent leur place, notamment dans les domaines les moins qualifiés et faiblement rémunérés. Cette crainte est compréhensible, mais non justifiée. En effet, le recours aux robots élimine des tâches exécutées par des opérateurs humains, mais ne détruit pas d’emplois. Les opérateurs doivent exécuter les tâches ce dont les cobots ne sont pas capables : gérer des processus, faire preuve de créativité pour les affiner ou les réinventer, ou former l’équipe qui travaillera avec les cobots. Ces fonctions requièrent de l’humain, et non des machines.
Les opérateurs déjà affectés à une tâche sont généralement les mieux placés pour configurer, exploiter et gérer un cobot. Dans une usine de transformation alimentaire, les agents travaillant en atelier possèdent ainsi une connaissance complète des processus et savent mieux que quiconque comment y intégrer des cobots. Bien sûr, cette évolution de leur rôle nécessite quelques compétences et formations supplémentaires, mais les entreprises peuvent remporter l’adhésion de leurs effectifs et des communautés si elles soutiennent cette transition par de généreux programmes de formation et de réorganisation. Les organismes publics ont également un rôle majeur à jouer, par exemple en élargissant à la robotique la formation professionnelle proposée aux jeunes en fin de scolarité afin d’accroître leur valeur auprès d’un premier employeur. La technologie est au cœur du succès des projets de robotique, mais pour profiter pleinement des avantages que recèle la nouvelle génération de robots, il convient également de tenir compte des personnes et des processus.
1. CP de l’ANIA et l’IFRIA Île-de-France 2021
2. Note de conjoncture ANIA 2021