La télésurveillance : la médecine de demain est déjà là

Alors que le nouveau Projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) entre en vigueur le 1er janvier 2022, la question de la télémédecine – et notamment de la télésurveillance médicale qui en fait partie – reste à l'ombre des débats animés. Or, si l'innovation dans la santé ne constitue pas un remède miracle, elle peut contribuer à traiter des maux sérieux. Comment et à quelles conditions ?

Prise en charge des patients : un potentiel toujours sous-estimé

Tout d’abord, se pose la question des bénéfices pour les patients. Bien moins connue que la téléconsultation, utilisée par de nombreux Français depuis la crise sanitaire, la télésurveillance est testée depuis 2018 dans le cadre d’ETAPES (Expérimentations de Télémédecine pour l’Amélioration des Parcours en Santé) et devrait être étendue prochainement à l’ensemble du territoire pour mieux suivre des pathologies telles que l’insuffisance cardiaque, rénale ou respiratoire, les prothèses cardiaques implantables ou le diabète. Pour ce dernier, par exemple, elle évite au patient d’avoir à réaliser régulièrement une piqûre sur le doigt pour faire analyser son sang dans un appareil dédié : à la place, via un dispositif médical collé sur le bras, celui-ci suit son niveau de glucose depuis son smartphone.

Cependant, la télésurveillance ne se réduit pas aux seules maladies chroniques, où son déploiement est d’autant simplifié que le patient a l’habitude de suivre sa pathologie. Elle peut être utilisée pour accélérer le diagnostic de nombreuses maladies, comme cela est le cas avec les autotests détectant la covid-19, ou encore à l’hôpital pour mieux suivre les patients. Dans ce dernier cas, elle peut prendre la forme d’un patch qui permet aux équipes soignantes de suivre en temps réel les paramètres vitaux d’un patient, tels que le pouls, la température, etc.

Enfin, elle joue un rôle préventif qui – malgré une certaine prise de conscience pendant la pandémie, où certaines personnes à risque se sont équipées d’oxymètres – paraît toujours sous-estimé. Or, elle permet de détecter des maladies et réagir plus vite.

Qu’il s’agisse de l’utilisation de la télésurveillance dans le cadre d’un suivi médical formel ou dans un objectif de prévention, des freins existent cependant. D’un côté, une éducation du patient, critique pour les malades chroniques et l’usage hospitalier, mais importante également pour un suivi quotidien. Un patient connecté doit être en mesure de surveiller le bon fonctionnement des appareils, de comprendre les éventuelles consignes qu’il reçoit, et rester en contact avec son médecin référent. De l’autre, se pose la question de la collaboration avec le corps soignant. Un second enjeu majeur pour innover dans le domaine.

La télésurveillance et le corps soignant : une relation à construire

En effet, la collaboration avec les médecins est nécessaire pour mettre en place des dispositifs médicaux connectés. Dans le contexte où de nombreuses entreprises de la Medtech s’adressent directement aux patients, en passant outre les professionnels de santé, certains médecins peuvent cependant ressentir de la méfiance.

Or, demain est déjà là. Un patient connecté peut venir au cabinet en disposant d’une quantité énorme de données, recueillies par exemple par sa montre connectée. De nouvelles sources de données, mais un rôle inchangé pour le médecin : celui qui interprète les données et qui prescrit les traitements. Les données ne pourront que le soutenir dans sa prise de décisions, a minima dans le cas où elles viendraient d’un véritable dispositif médical respectant les normes nécessaires.

La télésurveillance peut également améliorer le quotidien des médecins, et notamment dans des « déserts médicaux ». Le suivi continu des patients leur permet de mieux prioriser la prise en charge et anticiper les besoins, voire envoyer une ambulance à temps. Une façon de diminuer les risques pour les patients et améliorer les conditions de travail du corps médical. Enfin, elle est complémentaire des solutions de télémédecine telles que cabines ou bornes de téléconsultation, comme celles installées en novembre 2021 à Vareilles (Yonne).

Un remède à administrer sous surveillance

Néanmoins, face aux bénéfices se posent des questions de sécurité des données médicales, de soutien psychologique à distance et de la relation patient-médecin. A titre d’exemple, selon une étude réalisée pour France Assos Santé (sept 2021), 2 utilisateurs sur 10 se sentent moins à l’aise pendant la téléconsultation qu’en présentiel. Détecter et répondre à ces problématiques individuelles sera un des nouveaux enjeux pour les professionnels de santé.

Reste la question des financements. Sur ce plan, de multiples projets sont aujourd’hui lancés par des acteurs privés et publics, à l’instar du plan d’investissement France 2030 où la santé occupe une place importante. Le grand changement de ces dernières années ? Le service public recherche aujourd’hui, lui aussi, un retour sur investissement pour tout projet. Ce changement de paradigme dans la façon de dépenser l’argent public permet d’espérer une accélération du développement de ces technologies : il est sans dire que pouvoir renvoyer un patient à la maison plus tôt que prévu, mais avec un patch pour suivre ses signaux vitaux, serait une économie énorme pour le système. Chaque AVC ou crise cardiaque évitée le serait également.

Enfin, une attention particulière doit être accordée à la qualité et à la transparence des dispositifs concernés : s’agit-il d’un dispositif médical à proprement parler ? ou d’un simple gadget ? Une communication claire, transparente et réglementée des fabricants vis-à-vis de l’utilisateur est une condition sine qua non du développement de ces technologies.

La télésurveillance a un impact positif et direct sur le fonctionnement de l’ensemble du système de soins. Elle est un remède efficace contre de nombreuses difficultés actuelles. Seulement voilà, elle est un remède, et non pas une solution miracle. Alors que la crise sanitaire a convaincu de nombreux Français d’adopter la téléconsultation, son déploiement doit avancer vite pour nous éviter de revenir [en arrière] dès la fin de la crise sanitaire au monde d’avant. Pour quelles raisons irons-nous téléconsulter, s’il nous faudra ensuite nous déplacer pour le moindre examen ou suivi ? Les technologies sont là, les investissements sont là, la loi sera là. Qu’attendons-nous pour accélérer ?