IoT : 5 clés pour réussir son lancement de produit
Le mouvement des défaillances d'entreprise n'épargne pas le secteur de l'IoT. Plus d'une vingtaine de sociétés ont disparu de la galaxie IoT du JDN depuis l'année dernière, pour certaines leur solution ne trouvant pas leur place sur le marché. Un exemple : la société R-Pur, dont le masque anti-pollution avait rencontré un engouement pendant la crise sanitaire, fait l'objet d'un redressement judiciaire depuis le 30 mars dernier. "Le marché de l'IoT est en phase de structuration car il est bien trop fragmenté. Les redressements judiciaires et les opérations de fusion-acquisition vont se poursuivre en 2023", analyse Fabrice Aligand, directeur commercial chez le distributeur français EBDS Wireless & Antennas. Dans ce contexte, comment arriver à imposer son objet connecté sur le marché ? Plusieurs acteurs nous livrent leurs conseils.
Identifier ses clients
Avant de lancer la fabrication, il convient d'avoir déjà signé avec des clients. Cela permet de s'assurer que son objet connecté répondra à la demande et qu'il aura une valeur. "Cela ne sert à rien de concevoir un objet connecté pour de l'asset tracking par exemple, en pensant qu'il s'adaptera à tous les usages. C'est l'erreur que nous avons faite au départ. Pour le suivi de touret de câble, il nous a fallu redesigner le capteur car la fixation n'était pas adaptée, ni le mode de transmission par rapport à leur environnement", raconte Ludovic de Nicolay, directeur général du groupe ZeKat, rappelant qu'à chaque client correspond un besoin précis.
Chercher de forts volumes
S'imposer dans l'IoT ne peut pas fonctionner avec un produit de niche, assurent les acteurs interrogés. "Il faut chercher à atteindre de forts volumes, d'autant que les projets IoT commencent à passer à l'échelle", recommande Fabrice Aligand. Cette stratégie implique de faire l'impasse sur des produits imaginés qui ne créeraient pas de motif d'achat. "Si une entreprise imagine un capteur de température, elle ne sera pas perçue comme innovante car il en existe déjà des dizaines sur le marché", souligne Raphaël Autale, PDG de la société d'ingénierie française Tekin, pour qui les entreprises IoT se focalisent trop souvent sur la technologie au lieu de penser à la création de valeur.
"Dans l'IoT, le rêve se confronte souvent à la réalité. La question n'est pas de savoir si le produit est innovant mais à quel coût il est réalisable"
Un écueil qu'a rencontré notamment le groupe Baracoda : "Pendant la crise sanitaire, chacun avait besoin d'un thermomètre et souvent, celui conservé à la maison par les Français n'avaient plus de pile au moment où ils en ont eu besoin. Sur le marché, aucun n'existait en energy harvesting, nous en avons donc créé un. L'innovation était là, mais le produit coûtait 70 euros. Qui en France accepterait de payer ce prix pour un thermomètre autonome alors que ceux classiques sont vendus entre trois et dix euros ?", confie Thomas Serval, CEO de la healthtech française Baracoda, qui réoriente ainsi son produit dans le secteur de l'humanitaire, où l'absence de piles peut s'avérer crucial.
"Dans l'IoT, le rêve se confronte souvent à la réalité. La question n'est pas seulement de savoir si le produit est innovant mais à quel coût il est réalisable", ajoute-t-il, avant de rappeler que même les géants comme Apple ont un fort taux d'échec, "un produit sur dix seulement arrive sur le marché". Fort de cette expérience, Baracoda axe le développement de sa balance connectée dans le suivi de l'équilibre, pour détecter le risque de chute, et ouvre la voie à des opportunités prometteuse en santé avec un produit accessible .
Ne pas négliger l'ingénierie
Une fois le produit défini, sa phase de conception ne doit pas être bâclée. Tekin observe trop de clients qui négligent la phase d'ingénierie. Un objet connecté requiert un certain temps d'études, comme peut en témoigner le groupe Rossignol, qui prévoit de s'imposer sur le marché du ski connecté. "Nous planchons sur notre solution depuis 2017. Un projet IoT est long technologiquement car nous voulons maîtriser les questions énergétiques, en intégrant de l'energy harvesting au capteur, mais il a aussi fallu prendre en compte les contraintes de réseaux, d'étanchéité, de résistance au gel, etc.", indique Xavier Roussin-Bouchard, directeur de l'innovation du Groupe Rossignol, qui avait besoin de données sur le comportement du ski et considère l'IoT comme un excellent outil pour les obtenir. Les équipes de Rossignol ont commencé à tester la solution l'hiver dernier, les premiers retours s'avèrent prometteurs après six ans de labeur.
Réussir la phase d'ingénierie et à trouver le bon marché pour son objet connecté passe aussi par une bonne équipe. "Il faut les compétences adéquates pour réussir. Et si les équipes mettent plus de temps que prévu à concrétiser l'industrialisation du produit, cela a des coûts qui peuvent conduire à l'échec", prévient Thomas Serval, qui cite un exemple observé chez des partenaires : "La mémoire de l'objet connecté a été sous-dimensionnée par les équipes. Résultat : il leur a fallu recommander des cartes électroniques, refaire le design, repasser commandes aux sous-traitants, qui demandent des frais supplémentaires. Tout cela induit des délais dans le projet, accrus avec la pénurie de composants."
Ne pas sous-estimer le budget
L'une des raisons conduisant à la disparition de nombreuses start-up concerne le mauvais dimensionnement du budget prévu. "Entre les coûts de développement, de sécurité, des compétences, d'industrialisation, etc., les start-up mettent de plus en plus d'argent dans leur projet et ne veulent pas faire marche arrière quand le marché ne répond pas. C'est ce qui cause leur cessation de paiement", constate Raphaël Autale, PDG de Tekin. Un constat partagé par Quentin Lerichomme, à la tête de son cabinet de consulting : "Développer est toujours plus cher que l'on imagine, d'autant qu'il ne faut pas oublier les coûts cachés, comme les heures de formation ou la maintenance du système connecté."
Investir sur le marketing
Car un objet connecté ne doit pas se contenter d'être un simple capteur. Il doit donner envie d'être acheté. "Les entreprises IoT ne pensent souvent qu'à la technologie et oublient le marketing. Or, un produit beau bien mis en avant se vendra toujours", garantit Thomas Serval, CEO de Baracoda, qui préconise tout de même de ne jamais lancer un produit qui réunit des fonctions déjà existantes sur le marché. Un avis partagé par Georges Samperio, responsable commercial de Numerisat : "Une gamme d'objets connectés peut répondre à un besoin, mais il faut avant tout la faire connaître, bien la référencer et donner envie de la déployer plutôt qu'une autre."
"Au final, il y a beaucoup de cases à cocher pour que le produit prenne sur le marché"
"Au final, il y a beaucoup de cases à cocher pour que le produit prenne sur le marché", met en garde Raphaël Autale. Mais l'année 2023 est présentée comme celle du passage à l'échelle de l'IoT, un signe encourageant pour les solutions sur le marché.