Ikbal Ltaief (Kyndryl) "La 5G ne renie pas la 4G, il en sera de même pour la 6G"

Avec la mise en place de la plateforme France 6G, la technologie va commencer à faire parler d'elle. Ikbal Ltaief revient pour le JDN sur le bilan de la 5G en France et comment aborder la 6G.

JDN. Le gouvernement a annoncé cet été la mise en place de la plateforme France 6G. Les entreprises doivent-elles commencer à surveiller cette 6e génération de standards pour la technologie mobile ?

Ikbal Ltaief, practice leader Network, Edge & Digital Workplace Services chez Kyndryl France. © Kyndryl

Ikbal Ltaief. La recherche sur la 6G a bel et bien débuté. Un acteur comme Nokia en a fait sa thématique phare au Mobile Word Congress, début mars 2023, en donnant un aperçu des usages. La 6G concernera les expériences immersives, comme les hologrammes ou les capteurs dans des combinaisons haptiques pour la création de commandes via la gestuelle. Mais le cycle de passage d'une technologie à une autre est d'une dizaine d'années. La 6G est annoncée pour 2030, les entreprises commencent tout juste à adopter la 5G, il est trop tôt pour envisager la 6G. La transition se fera au moment opportun.

Vous dites que la 5G commence tout juste à se déployer au sein des entreprises. Quel bilan dresser alors de ces trois années de commercialisation ?

Il faut distinguer la 5G du grand public de celle des professionnels. Pour le grand public, le message s'était focalisé au lancement de la 5G sur les débits et les performances, notamment pour la vidéo et le gaming. Mais cela ne s'est pas révélé manifeste, les évolutions stagnent et les consommateurs ont été frustrés d'avoir payé un abonnement plus cher alors que les résultats n'étaient pas suffisants à leurs yeux. En France, la 5G n'a donc pas eu le succès anticipé alors que les opérateurs ont payé cher le prix des licences. Ces derniers n'ont pas assez répété que la 5G sert à pallier le manque de performance de la 4G, avec le nombre d'objets connectés grandissants.

Du côté des professionnels, l'avis est différent car les usages sont plus riches et ils adhèrent à la 5G. Mais les tarifs annoncés étaient prohibitifs, on parlait d'une licence à plus de 70 000 euros à l'année pour un seul site. Il a fallu attendre bien plus tard que cette contrainte soit levée, avec une licence inférieure au millier d'euros, pour que les entreprises se lancent. La 5G apporte beaucoup de valeur dans l'industrie 4.0 et la robotique, dans le secteur énergétique, notamment pour transférer les données d'une éolienne automatiquement vers son site de pilotage, dans la logistique pour le transport maritime et aérien ou encore dans les sites à ciel ouvert sans wifi, comme les mines. La santé est le prochain secteur qui se met à la 5G.

Quels conseils donneriez-vous aux entreprises concernant leur adoption de la 5G puis de la 6G ?

Il faut toujours garder en tête que l'adoption d'une technologie ne doit pas se faire dans une logique de curiosité mais dans le cadre d'un besoin, pour répondre à un vision métier. Si ce n'est pas respecté, le projet sera forcément coûteux. Il faut également retenir que l'adoption de ces technologies ne remet pas en cause les investissements passés car les technologies sont complémentaires. Le Wifi par exemple complète en indoor la 5G. La 5G ne renie pas la 4G, il en sera de même pour la 6G. Il ne faut pas voir une opposition entre les réseaux.

Quelle évolution anticipez-vous ?

Le monde professionnel est générateur d'un grand nombre de données. On a besoin qu'elles soient vite traitées pour prendre des décisions. La 5G va ainsi favoriser l'edge computing et l'IoT dans la mesure où elle va accroître les capacités à traiter l'information en local. L'edge computing va se justifier par la volumétrie des données et les besoins métier d'analyse, et la 5G répond justement à davantage de collectes d'informations. Le network slicing de la 5G offre par ailleurs la capacité d'appliquer un même protocole IT-OT (pour les technologies informatiques et opérationnelles) en edge computing. Cela renforce la cybersécurité.

Ikbal Ltaief est practice leader network, edge & digital workplace services chez l'entreprise de services numériques Kyndryl. Il a précédemment passé 17 ans chez IBM en tant que manager.