Comment les capteurs de Fluidion surveillent l'eau de la Seine pour les JO 2024

Comment les capteurs de Fluidion surveillent l'eau de la Seine pour les JO 2024 Le système permet de mesurer le niveau de concentration des bactéries et de valider si la baignade est possible.

La qualité de l'eau de la Seine est au centre de l'attention à Paris. Le 6 août dernier, la fédération internationale de natation a annulé le test pré-Jeux Olympiques en raison de la pollution du fleuve due aux orages survenus quelques jours avant. La Mairie de Paris a affirmé le lendemain que l'eau ne présentait finalement pas de risque. Si elle peut l'assurer, c'est grâce aux capteurs IoT de l'entreprise Fluidion. Une poignée d'appareils flottent depuis 2018 à différents points stratégiques, dont un au niveau du pont Alexandre III, pour analyser plusieurs fois par jour la qualité de la Seine.

L'atout de Fluidion est d'être la seule entreprise, aux dires de son PDG et fondateur Dan Angelescu, à pouvoir "effectuer sur le terrain des analyses de risque sanitaire, basées sur une culture bactérienne et en quelques heures seulement, alors que les autres doivent le faire en laboratoire, ce qui prend plusieurs jours". C'est déjà ce qui lui a permis de contribuer depuis 2017 aux contrôles de l'eau dans l'aire de baignade du bassin de la Villette, avant d'en permettre l'accès. 

Cette différenciation, l'entreprise la doit à l'IoT. Son système, intégré dans une bouée et immergé dans l'eau, se compose de deux capteurs qui mesurent la concentration de bactéries de E.coli et entérocoques, dont les concentrations sont corrélées aux risques de maladies hydriques. Pour effectuer une analyse, un échantillon d'eau est prélevé par une aspiration dans la cartouche du capteur. Des mesures optiques, en fluorescence et absorbance, sont effectuées toutes les cinq minutes. Résultat : l'évolution de la prolifération des bactéries, mises en culture, peut être suivie via des courbes. Une alerte est générée quand le taux de bactéries peut être quantifié avec précision.

Détecter la pollution dans les orages

L'équipe de techniciens de terrain vérifie l'état des capteurs lors d'une opération de maintenance. © Fluidion

Le challenge pour les 10 ingénieurs de Fluidion a été de concevoir un système adapté au milieu aquatique : "Il faut un capteur résistant car le milieu ne pardonne pas, le mouvement de l'eau induit de nombreux chocs et, à la moindre fuite, tout le système électronique est détruit. Il faut également travailler le choix des matériaux pour résister à la corrosion et limiter la croissance de biofilm sur l'appareil. Sans oublier la transmission des données : les ondes magnétiques ne se propagent pas de la même manière sur l'eau", détaille Dan Angelescu, expert des capteurs microfluidiques chez Fluidion. Face à ces contraintes, le coût des capteurs associé à l'abonnement aux données représente encore un investissement de plusieurs milliers d'euros pour les collectivités. Mais en supprimant les analyses en labo et en permettant d'adapter le traitement des eaux, les capteurs de Fluidion offrent un ROI en une saison, assure Dan Angelescu. "Sans compter que la pression des citoyens se renforce sur les politiques pour vérifier la qualité de l'eau près de chez eux", souligne le dirigeant.

Côté réseau, c'est par le LTE-M que les données sont remontées sur les serveurs de Fluidion. L'entreprise peut également recourir à un réseau LoRaWAN privé pour un deuxième produit couplé à un drone, afin de télécommander ce dernier sur deux kilomètres et vérifier la pollution avec plusieurs capteurs embarqués, pour des contrôles sur une large zone, comme le bras d'une rivière ou un lac, afin d'identifier la source exacte de la pollution. Ce qui permet actuellement à Fluidion de mener une étude sur l'impact des bateaux logements sur la qualité de l'eau de la Marne. L'entreprise a par ailleurs réalisé un premier test de R&D avec l'IoT satellitaire, qui serait idéal pour ses capteurs en mer utilisés dans des mesures océanographiques.

Une fois les données récoltées, c'est l'intelligence artificielle qui entre en jeu. "Nous utilisons du machine-learning pour certaines de nos mesures spectrales, avec des résultats significativement améliorés par rapport aux algorithmes standards de traitement", explique Dan Angelescu. Dans le cas de la Seine, si des améliorations ont été observées, il faut attendre la construction du bassin de rétention des eaux pluviales pour voir des résultats car les eaux usées sont encore déversées dans la Seine lors d'événements orageux.

L'avenir de Fluidion se dessine justement autour des orages. Cet usage est testé en Californie : "Les premières pluies peuvent amener beaucoup de bactéries et de métaux lourds, issu notamment du caoutchouc des roues de voitures qui se dégradent sur les bords des routes. Nous voyons ainsi de plus en plus de projets de rétention des eaux pour les retenir et les traiter. Nos solutions microbiologiques permettent, par temps d'orage, de comprendre comment fonctionne la vague de pollution, ce qu'elle apporte et à quel moment de l'orage elle arrive. L'intérêt est de ne traiter que les eaux polluées, et non l'ensemble de l'eau déversée." La dynamique du climat, avec le besoin de sauvegarder à la fois l'eau potable et l'environnement, fait de ce sujet un enjeu majeur pour Fluidion : la qualité de l'eau va faire encore couler beaucoup d'encre et lui offrir un moyen de se distinguer.