Smart metering : les atouts et les limites d'Helium à l'étranger

Smart metering : les atouts et les limites d'Helium à l'étranger Le réseau IoT communautaire américain basé sur LoRaWAN se renforce dans les usages BtoB à l'international, offrant aux acteurs de l'eau un nouveau modèle d'affaire pour le smart metering.

Les projets de smart metering se développent fortement en Europe de l'Est et du Sud, des régions où le taux de pénétration est encore faible, selon Think Smartgrids, une association qui représente la filière française des réseaux électriques intelligents. La société allemande E.ON, par exemple, installe 165 000 compteurs intelligents en Hongrie tandis que 150 000 compteurs d'eau intelligents sont installés à Nicosie, à Chypre, par l'Office des eaux.

Les compteurs d'eau communicants étant des objets connectés transmettant peu de données et placés pour une quinzaine d'années dans des coffrets métalliques, parfois sous l'eau, les acteurs du secteur s'interrogent sur les choix technologiques à faire.  "Opter pour le réseau IoT communautaire Helium représente une opportunité business intéressante", leur assure Paul Pinault, cofondateur du fournisseur de solutions IoT Ingenious Thinks, qui gère en Europe le réseau Helium. Le JDN a analysé les avantages et les inconvénients de ce réseau IoT pour ce cas de figure.

Un prix compétitif

Le prix est l'atout majeur d'Helium pour les acteurs du smart metering. La facturation se fait à l'usage et ne nécessite pas d'abonnement. "Pour un compteur d'eau communicant, qui ne remonte pas plus de quatre messages par jour, cela représente une solution compétitive par rapport aux réseaux privés : la connectivité représente en général chez nos clients un coût de 120 000 euros par an avec des réseaux privés, quand le paiement des messages via Helium revient à 2 000 euros par an", assure Paul Pinault, pour qui Helium fait évoluer le business modèle des solutions en apportant plus de souplesse.

Mais pour être rentable, la solution doit assurer une bonne qualité de service. "Un distributeur d'eau se sert des données IoT pour la facturation. Il ne doit pas y avoir de disfonctionnement. Si un problème survient, le coût d'intervention d'un technicien peut réduire à néant cet avantage du prix", nuance Berry Drijsen, responsable marketing clean water et utilities chez l'entreprise de gestion de l'eau Xylem.

L'infrastructure

Le deuxième grand avantage d'Helium est de pouvoir constituer un réseau privé décentralisé, chiffré et sécurisé, à l'intérieur du réseau public. Cela permet aux clients professionnels de déployer un réseau propre avec une infrastructure moindre, et ce en s'appuyant sur la densité des hotspots déployés. "La République tchèque est très ouverte à ce qu'on lui propose de nouvelles solutions pour changer ses compteurs d'eau mécaniques", note Berry Drijsen.

Si cette infrastructure souple à de quoi séduire, Berry Drijsen observe toutefois des réticences de certains acteurs de l'eau quant à la sécurité des données : "Les données remontées ne concernent pas seulement les consommations d'eau, mais aussi les alertes de pression, de température ou de retour d'eau. Celles-ci ne doivent être transmises sur un réseau public. La multiplication des cyberattaques et les risques de profilages des particuliers via les consommateurs d'eau rendent par ailleurs méfiants les acteurs sur la robustesse des réseaux."

La couverture

370 000 hotspots actifs dans 125 pays

La couverture complétant les autres réseaux est le troisième point fort d'Helium. Au niveau mondial, le réseau décentralisé comptabilise plus de 370 000 hotspots actifs dans 125 pays, qui envoient près de 5 millions de messages par jour. "Le réseau ne cesse de grandir et concentre un important volume d'objets en Europe de l'Est, où il y a peu d'opérateurs publics. Ingenious Thinks est le deuxième opérateur Helium après la maison mère Nova Labs, et enregistre trois fois plus de devices actifs sur ces douze derniers mois par rapport à l'année précédente, avec 20 000 objets actifs par mois échangeant quelque 500 000 messages par jour", détaille Paul Pinault.

"La densité est généralement bonne en zone urbaine, moins en campagne, où sont situés de nombreux marchés de comptage", met en garde Arnaud Delprat, directeur de l'opérateur Netmore en France, qui a choisi de créer sa propre densification radio LoRa. L'aspect communautaire représente un point d'attention, que les acteurs ne doivent pas négliger. "Les professionnels de l'eau ont besoin de pérennité et de qualité de service. Si les acteurs s'appuient sur un réseau existant dépendant des hotspots de particuliers, rien ne les assure de la durée de la solution dans le temps", met en garde Guillaume Soulères, directeur de projet au sein du cabinet de conseil Tactis.

Comparatif

Ces caractéristiques ont séduit un des clients d'Ingenious Thinks, dont le nom ne peut être communiqué, qui a débuté en Bulgarie une expérimentation sur cent compteurs d'eau et de gaz communicants, avant de déployer la technologie sur 15 000 compteurs. L'entreprise envisage d'étendre la solution sur 150 000 compteurs à terme.

"Le LoRaWAN correspond très bien pour la télérelève quand un réseau est déjà déployé par la municipalité"

Le choix du réseau dépend largement de l'écosystème national. En France, le LoRaWAN, par la richesse des acteurs et des solutions dédiés, fournit un modèle économique intéressant (lire notre article Le réseau LoRaWAN plébiscité dans le smart metering en France selon Tactis). "En Espagne ou en Asie, c'est le réseau NB-IoT, poussé par Vodafone, qui tire son épingle du jeu", observe Guillaume Soulères. Xylem a, pour sa part, opté pour du LoRaWAN et du NB-IoT, deux solutions complémentaires et idéales à ses yeux. "Le LoRaWAN correspond très bien pour la télérelève quand un réseau est déjà déployé par la municipalité. Le NB-IoT reste de son côté plus pérenne, raison pour laquelle il rassure les acteurs, mais il est plus cher, les fréquences sont publiques donc partagées et l'opérateur n'est responsable que jusqu'à la gateway. En cas de disfonctionnement d'un compteur, il n'interviendra donc pas", rappelle Berry Drijsen.

Au final, Helium voit ses usages BtoB se renforcer et se diversifier dans le tracking, l'environnement et l'agriculture, au-delà de l'offre de connectivité mobile et de minage de cryptomonnaies auprès des particuliers. Mais des interrogations quant à son avenir persistent. Et Berry Drijsen de conclure : "Sur le papier, Helium est une très bonne solution, mais elle représente une prise de risque plus importante."