L'avenir de l'énergie nucléaire ne s'écrira pas sans la simulation numérique
La simulation numérique est essentielle pour rendre l'énergie nucléaire plus durable et rentable, en optimisant la fusion nucléaire et en réduisant les coûts et les risques associés à sa production.
Alors que les prix de l’énergie connaissent une nouvelle hausse, liée à la fin progressive du bouclier tarifaire mis en place par le gouvernement en pleine crise sanitaire il y a trois ans, il semble plus que jamais nécessaire de pousser davantage la prospective quant à notre faculté d’innovation énergétique. Une nécessité d’autant plus urgente qu’en novembre dernier, le gouvernement publiait sa stratégie énergie et climat (SFEC) qui affichait un objectif ambitieux : une sortie totale des énergies fossiles d’ici à 2050.
Les innovations technologiques qui façonnent et transforment notre société sont de plus en plus nombreuses. À ce titre, la simulation et les jumeaux numériques ont un rôle décisif à jouer dans l’énergie nucléaire de demain.
Une transition énergétique qui pousse à se questionner sur nos méthodes de production actuelles
À mesure que notre société avance dans sa transition énergétique, les besoins en électricité vont augmenter de façon radicale. Avec l’objectif de sortie des énergies fossiles d’ici à 2050, les recours aux énergies propres et renouvelables deviendront massifs. Cependant, bien que les sources d'énergie éolienne et solaire soient renouvelables, elles sont intermittentes et dépendent des conditions météorologiques. Par conséquent, ces dernières ne peuvent pas constituer une solution complète pour les besoins énergétiques du monde. Ainsi, dans cette optique globale de réduction de l’empreinte carbone, le nucléaire apparait aujourd’hui comme l'une des formes d'énergie les plus durables et les plus propres au monde.
Si la production d'électricité nucléaire ne génère pratiquement aucune émission de dioxyde de carbone (CO2), celle-ci n’est pas exempte de déchets. Leur stockage comme leur rejet reste une problématique majeure.
La fusion nucléaire, miracle ou mirage énergétique ?
Face à ce défi, les ingénieurs sont mis au défi de concevoir des méthodes de production d'énergie renouvelable et nucléaire qui soient abordables. L’une d’entre elles apparait être la fusion nucléaire, à savoir la fusion entre deux noyaux atomiques pour former un noyau plus lourd. Celle-ci génère peu d'émissions ou de déchets radioactifs, tout en libérant près de quatre millions de fois plus d'énergie qu'une réaction chimique - comme la combustion du charbon, du pétrole ou du gaz - et quatre fois plus d'énergie que les réactions de fission nucléaire (à masse égale). À la clé, une énergie obtenue en abondance, ne comportant aucun risque d’accident nucléaire, produisant moins de déchets radioactifs et ne générant aucun gaz à effet de serre.
Mais il demeure une ombre au tableau : pour produire une réaction de fusion autosuffisante, la centrale doit chauffer des isotopes d'hydrogène à plus de 150 millions de degrés Celsius, formant ainsi un gaz chargé électriquement appelé plasma et particulièrement instable. Construire une centrale capable de résister à l'énorme chaleur et aux forces magnétiques d'une réaction de fusion demeure un défi de taille. C’est précisément à ce niveau-là que peut intervenir la simulation numérique. En réduisant les besoins en matériaux et les coûts liés à la construction de la structure électromagnétique prévues à cet effet.
Une source d’énergie à la hausse grâce à la simulation
L'Agence pour l’Energie Nucléaire (AEN) et l’Organisation de Coopération et de Développement Economiques (OECD) établissait en 2020 un rapport intitulé « Unlocking Reductions in the Construction Costs of Nuclear : A Practical Guide for Stakeholders » (Réduire les coûts de construction du nucléaire : un guide pratique pour les parties prenantes). Celui-ci identifie notamment plusieurs points clés technologiques pour accélérer le développement des projets nucléaires. Parmi ceux-ci, la transformation numérique peut être mise en œuvre pour améliorer les projets de réacteurs et réduire rapidement les coûts à court terme. La numérisation des systèmes peut en effet améliorer les méthodes d'ingénierie et l'intégration de la chaîne d'approvisionnement, permettre la surveillance en ligne des composants et accroître la productivité. Ces progrès peuvent rendre la construction et l'exploitation des centrales nucléaires plus rentables, facilitant ainsi leur adoption à plus grande échelle.
Au niveau d’une centrale de fusion nucléaire, si l’on prend l’exemple d’un turbogénérateur, c’est-à-dire la partie transformant l’énergie mécanique en énergie électrique à la fin de la chaîne de production d'énergie, son jumeau numérique permettrait de détecter les anomalies, d'éviter les arrêts imprévus, de fournir des informations permettant à l'opérateur d'optimiser la maintenance préventive et, en fin de compte, de réduire les coûts connexes. Ainsi, analyser le comportement des machines via la simulation numérique permettrait aux décideurs d’économiser de l'énergie et de réduire l'empreinte carbone de nombreux processus de fabrication. Et le processus de production d'une énergie propre et durable pour notre planète deviendrait de plus en plus évolutif et rentable. Si nous voulons rapidement répondre aux exigences croissantes en matière d'environnement et de sécurité, la transformation numérique au sein de l'industrie de l'énergie nucléaire est aujourd’hui une nécessité absolue.