Le bâtiment intelligent 5.0, la technologie au service de l'architecture durable

Le changement climatique représente une menace sérieuse pour l'humanité. Qu'il s'agisse des conditions météorologiques imprévisibles ou du réchauffement des températures nous en voyons déjà les effets.

Le secteur de la construction est responsable de 37 % des émissions mondiales selon une étude des Nations Unies et jouera un rôle déterminant dans la lutte contre la crise climatique.

Les bâtiments intelligents vont bien au-delà des bâtiments connectés que nous occupons déjà. Grâce aux objets connectés (IoT), aux technologies de l’Information (IT) et aux technologies opérationnelles (OT), ils utilisent les ressources de manière plus efficace, réduisant ainsi l'impact environnemental. 

Aujourd'hui, les bâtiments intelligents utilisent des technologies en temps réel pour ajuster l'éclairage, le chauffage et la climatisation en fonction de l'occupation, évitant ainsi le gaspillage d'énergie.  En France, le Décret Tertiaire paru en 2020 s’intéresse à la rénovation des immeubles tertiaires, en obligeant les propriétaires à diminuer progressivement les consommations énergétiques de leur bâtiment ; Quant au Décret BACS, publié au Journal Officiel en juillet 2020, il s’inscrit dans la même démarche que le Décret Tertiaire, tout en précisant le moyen d’y parvenir : le pilotage de l’énergie, jusqu’alors peu abordé dans les réglementations.

Néanmoins, si les bâtiments intelligents représentent une avancée technologique significative, ils ne représentent pas un point d'achèvement. Le véritable défi des bâtiments intelligents est de coordonner divers systèmes hétérogènes fonctionnant de manière isolée. Aujourd'hui, les systèmes de Gestion Technique du bâtiment (GTB ou BMS en anglais pour Building Management Systems) rassemblent partiellement les données de divers équipements et fournissent des outils de gestion OT ainsi que des tableaux de bord. 

Toutefois, les nouveaux bâtiments intelligents, reposent sur une plateforme BIS (Building Information System) plus mature qui combine les technologies OT/IT, une interopérabilité fluide avec les divers sous-systèmes, et un intergiciel définis comme un système d'exploitation du bâtiment (Building Operating System - BOS). Nous vivons actuellement un tournant numérique où la définition du BOS fait encore débat parmi les experts et fournisseurs, signalant la mutation rapide des technologies de gestion bâtimentaires vers le numérique. Cependant, pour prévenir les pires effets du changement climatique et garantir l’avenir de la planète, il ne suffit pas de réduire notre impact. Nous devons prendre des mesures pour inverser la tendance et restaurer l'environnement. C'est là qu'intervient la phase ultime de développement : les bâtiments intelligents du futur (bâtiment 5.0) ou bâtiments régénératifs.

Alors que les bâtiments intelligents se concentrent sur la consommation d'énergie pour réduire les émissions de carbone et préserver les ressources naturelles, les bâtiments intelligents 5.0 vont plus loin. Ils sont adaptatifs et capables d'améliorer l'écosystème, d'augmenter la biodiversité et de produire de l'énergie renouvelable. Cela signifie que les ressources naturelles ne seront pas seulement préservées, mais également reconstituées. Pour développer ces capacités, une gamme de technologies avancées, bien au-delà de celles des bâtiments intelligents actuels, est nécessaire. Bien que les architectures, les matériaux de construction et évidemment les systèmes CVC (Chauffage, Ventilation, Climatisation) joueront un rôle crucial, les nouvelles technologies seront essentielles pour continuer de gérer en temps réel, à un coût et une empreinte carbone acceptables, les volumes de données qui vont se démultiplier et in fine, permettre l'essor de ces bâtiments régénérateurs.
Quelles sont donc les technologies qui permettront le développement des bâtiments intelligents ?

Convergence IT/OT

Les technologies opérationnelles et de l'information transmettent et stockent toutes deux des informations, mais elles jouent des rôles distincts au sein d'un environnement. En fusionnant ces deux systèmes en un seul, les bâtiments intelligents seront en mesure de traiter toutes les données de l’OT à travers un seul réseau numérique unifiant la gestion des sous-systèmes, ainsi que des multiples IoT tout en sécurisant et en exploitant l’ensemble des données pour une efficacité optimum. En pratique, cela signifie un système plus simple, plus autonome, plus sécurisé, plus adaptable aux besoins fonctionnels et contextuels ainsi qu’au confort des occupants. 

Biomimétisme

Le biomimétisme signifie comprendre puis imiter les systèmes et processus utilisés dans la nature, dans le but de résoudre des problèmes humains complexes, souvent de manière plus durable. Non seulement ce processus de conception peut créer des conditions propices à la résilience d’un bâtiment, mais il peut également conduire à un meilleur bien-être pour les utilisateurs et rendre l'édifice plus attrayant sur le plan esthétique. Le biomimétisme peut être utilisé pour répondre à différents objectifs. Par exemple, une conception biophilique comportant des toits et des murs verts contribuera à restaurer une biodiversité urbaine. Plusieurs techniques permettant de collecter, stocker et filtrer l’eau ont également émergé des principes de la vie naturelle et contribueront à relever le défi critique de la préservation de l’eau dans les bâtiments régénératifs.

Swarm Intelligence 

La Swarm Intelligence (Littéralement « intelligence en essaim ») ou encore intelligence distribuée est un concept reposant sur la coordination d’un grand nombre d’intelligences individuelles inspirée par le comportement des abeilles.  

Actuellement, la technologie opérationnelle des bâtiments reste très fragmentée et sa gestion centralisée, ce qui signifie qu’il n’y a pas vraiment de communication directe entre les systèmes et encore moins entre les capteurs et les IoT. Cependant les systèmes et architectures distribués sont plus résilients et plus efficaces pour les réseaux de communications et d’informations.

Cette structure d'intelligence décentralisée et distribuée sera possible grâce à l’émergence de la Swarm Intelligence. Chaque capteur, IoT, sous-système sera assimilé à un agent autonome, travaillant en collaboration avec un ensemble hétérogène d’autres agents autonomes. Ce modèle collaboratif sera plus évolutif et ne présentera pas de point critique de défaillance, ce qui le rendra beaucoup plus résilient. Il sera capable de gérer les capacités complexes requises pour que les bâtiments intelligents 5.0 deviennent une réalité.

AIoT 

L'IoT collecte d'énormes quantités de données, mais il s'agit ensuite de les analyser de manière pertinente, de les classifier, de les partager et de s’en servir pour optimiser la gestion technique ou l’autonomie du bâtiment aux services des gestionnaires mais aussi des occupants. Aujourd'hui, ces données sont transférées vers un serveur et analysées de manière centralisée, mais l’augmentation de la quantité de données peut rendre la tâche non adaptée à l’usage. L'AIoT est la convergence de l'IA et de l'IoT. L'efficacité opérationnelle augmentera et permettra à l'IoT de « monter en compétence » offrant de nouvelles capacités intrinsèques de traitement de l’information captée. L'IoT pourra apprendre de ses erreurs et réajuster certaines actions.

De même l'émergence du Edge Computing contribuera à rapprocher la capacité de traitement des données de la collecte des données, réduisant la latence des réseaux et facilitant ainsi l’autonomie des systèmes.

À l'instar des voitures autonomes, les bâtiments intelligents exécuteront des fonctions plus complexes, en s’appuyant sur un éco-système de technologies avancées. Les systèmes qui alimentent ces bâtiments créeront et maintiendront un plan interne de l'environnement du bâtiment, analysant la température, le niveau de lumière, la consommation d'énergie et l'occupation de chaque pièce en temps réel. Parallèlement, ils analyseront l'extérieur du bâtiment, notamment les pertes de chaleur, la qualité de l'air, la vitesse du vent, la capacité des poubelles et bien d'autres choses encore. Les bâtiments intelligents produiront de l'énergie à partir de sources renouvelables, notamment des panneaux solaires et des éoliennes, et prédiront les besoins en énergie, en stockant l'énergie excédentaire pour les périodes de pointe ou en la réinjectant dans le réseau maillé (smart grid) des opérateurs d'énergie.

Imaginez la scène : Le soleil brille alors que vous vous réveillez un samedi matin. Lorsque vous ouvrez vos rideaux, les lumières de la pièce s'éteignent car les capteurs y détectent une augmentation de la luminosité. Le niveau de pollution de l'air étant particulièrement élevé aujourd'hui, votre maison a activé un système de filtrage pour le purifier. Vos plantes d'intérieur améliorent également la qualité de l'air intérieur et sont arrosées automatiquement uniquement lorsque c'est nécessaire. Vous mangez une barre de céréales et jetez l'emballage. Classé comme recyclable, il est placé dans la bonne poubelle, qui sera collectée le jour où elle sera pleine. Alors que vous vous détendez sur le canapé, vous pouvez voir les panneaux solaires sur le côté de votre maison tourner lentement pour s'adapter à la position du soleil. Une notification sur votre téléphone indique que vous avez gagné 50 euros aujourd'hui grâce à la vente de l'énergie excédentaire. Alors que vous quittez la maison, le chauffage s'éteint automatiquement.

Les technologies disponibles aujourd’hui permettent déjà cela, tout comme elles permettent de mettre quelques voitures autonomes en circulation, mais le défi de demain est d’en faire un usage répandu et durable, c’est tout l’enjeu des évolutions technologiques évoquées qui ne se limitent pas uniquement à améliorer le confort de l’occupant mais aura aussi un effet régénérateur sur le climat, en stimulant la biodiversité, en réduisant la pollution et en produisant de l'énergie verte. Tel est l'avenir que la technologie des bâtiments intelligents permettra d'envisager.