Qui veut être mon associé : les entrepreneurs stars se sont-ils plantés ?

Qui veut être mon associé : les entrepreneurs stars se sont-ils plantés ? Capuche Paris, Foodvisor et La Boulisterie sont repartis sans soutien financier de la première saison du show télé. Deux ans après, ils en ont tiré les leçons.

Démarchés par la production de Qui veut être mon associé ?, les fondateurs de Capuche Paris, Foodvisor et La Boulisterie se sont prêtés au jeu du pitch télévisé lors de la première saison, tournée en juin 2019 et diffusée en janvier et février 2020 sur M6. Dans le jury face à eux, six investisseurs se relayaient : Marc Simoncini (Angell, Meetic), Catherine Barba (Peps lab), Frédéric Mazzella (Blablacar), Delphine André (Groupe Charles André), Marc Vanhove (Bistro Régent) et Eric Larchevêque (Ledger). Si nos trois participants n'ont pas fait chavirer le portefeuille des experts des levées de fonds, les remarques de ces derniers se sont-elles révélées pertinentes ?

Capuches à Mémé a changé de nom

"D'un point de vue des ventes, ça a été assez impressionnant", se rappelle Juliette Babelot, fondatrice de Capuches à Mémé, marque de capuche de pluie. Au point que son site Internet plante lors de la diffusion, comme bon nombre de participants. La fondatrice demandait aux investisseurs 50 000 euros contre 8% des parts de sa société de vente de capuches de pluie, pour améliorer sa stratégie digitale.

Séduits par le produit, les investisseurs lui reprochent néanmoins de manquer d'expertise. "L'émission m'a donné envie d'être accompagnée", raconte aujourd'hui Juliette Babelot. Ancienne directrice artistique, c'était la première fois qu'elle se confrontait à des investisseurs. "J'ai pris conscience qu'il fallait se professionnaliser et être capable de présenter un business plan pour pérenniser son projet." Elle est recrutée l'année suivante par le programme d'accélération Talents, de la Fédération française du prêt-à-porter féminin.

"Frédéric Mazzella m'a dit que le nom Capuches à Mémé était compliqué pour l'étranger"

Dans l'émission, Delphine André se demandait si la capuche n'était pas un achat auquel on pensait uniquement en cas de pluie. C'est un problème auquel a dû faire face la fondatrice : "En 2020, les boutiques étaient fermées, et on allait peu en extérieur, donc il n'y avait pas de besoin de capuche. Les ventes et la visibilité générées grâce à l'émission ont sauvé mon année 2020." Dans la foulée de la diffusion, elle est notamment contactée par Le Bon Marché, qui lui permet de rentrer sur un corner de Noël. "Aujourd'hui, mon rythme de croisière est autour de 5 000 capuches vendues par an. J'espère multiplier ce chiffre par dix cette année." Par ailleurs en contact avec des investisseurs, la fondatrice a décidé de ne pas diluer le capital de sa société pour le moment. "J'ai préféré faire un emprunt pendant la période du Covid, un PGE (prêt garanti par l'Etat, ndlr)".

"Frédéric Mazzella m'avait dit que le nom Capuches à Mémé était compliqué pour l'étranger, raconte l'entrepreneuse. Je suis passée sur Capuche Paris pour séduire le Japon et Etats-Unis."

Foodvisor a pivoté vers le payant et séduit les Etats-Unis

Visualiser les informations nutritionnelles de tous les aliments qui composent votre assiette en prenant une photo, c'est la promesse de Foodvisor. Créée en 2015 en école d'ingénieur, l'application gratuite veut aider ses utilisateurs à mieux manger. Forte d'une première levée de fonds d'un million d'euros bouclée en 2018, la start-up participe à Qui veut être mon associé ? l'année suivante en proposant aux entrepreneurs stars d'investir 400 000 euros, contre 5% de son capital.

A l'époque, l'application peut reconnaître 1 200 aliments et compte sur le machine learning pour gonfler ce chiffre. Le concept ne plaît pas à Marc Vanhove, fondateur de la franchise Bistro Régent. Il questionne la précision de Foodvisor, soulignant que la façon de cuisiner un plat varie et peut être plus ou moins grasse, par exemple. Autre possibilité, qui soulève elle-aussi son lot de problèmes : scanner dans l'application les codes-barres des aliments industriels. "On avait seulement une base de codes-barres européenne, concède Aurore Tran, directrice marketing. Entre-temps, on a racheté une base de données américaines".

Catherine Barba et Marc Simoncini voyaient en la start-up un génie français fait pour s'exporter

Plus de deux ans après l'émission, Foodvisor permet toujours de prendre en photo son assiette et de scanner des codes-barres, mais ce n'est plus aussi central. "L'application est devenue payante début 2022, pour proposer à chaque utilisateur un programme personnalisé élaboré par des nutritionnistes et un suivi quotidien", nous confie Aurore Tran.

Passée de 1,3 million de téléchargements en 2019 à 5 millions aujourd'hui, Foodvisor table sur une nouvelle levée de fonds cette année, glisse la directrice marketing. Catherine Barba et Marc Simoncini voyaient en la start-up un génie français, fait pour s'exporter. Après avoir retravaillé leur image de marque pendant un an avec une agence américaine, "30, voire 40% de nos téléchargements ces derniers mois, proviennent des Etats-Unis, assure Aurore Tran. Nous avons pour ambition de nous y développer."

La Boulisterie s'est diversifié et a abandonné le BtoC

Arrivés dans l'émission avec leur estafette et leurs terrains éphémères, les fondateurs de La Boulisterie exercent déjà, à ce moment-là, une activité d'événementiel autour de la pétanque qui fonctionne bien. Ils souhaitent développer un nouveau business de vente de terrains pour lequel ils auraient besoin de soutien financier : 300 000 euros contre 20% des parts du capital. "On n'avait pas besoin de financement direct à ce moment, mais de financement pour baisser les coûts, se rappelle Guillaume Lieutier. Un terrain à 800 euros, c'est cher pour les gens."

"J'adore votre marque", "une super marque"… Après le pitch, les investisseurs saluent l'univers de La Boulisterie. En revanche, ils sont moins séduits par la vente de terrains. Eric Larchevêque aurait voulu investir sur l'ensemble des activités, Catherine Barba conseille de se concentrer sur l'événementiel. Marc Simoncini glisse : "organisez le plus d'événements possible. Et quand vous quittez l'événement, c'est assez facile de dire à l'organisateur que vous lui laissez le terrain. Une fois sur deux, vous allez le convertir en une vente."

Marc Simoncini : "Organisez le plus d'événements possible, une fois sur deux vous allez convertir en vente"

Plus de deux ans plus tard, Guillaume Lieutier semble rebondir sur ce conseil. "On ne s'adresse plus aux particuliers puisque 'nous aussi on peut construire un terrain', disent certains. Pour la vente, on cible désormais les cafés, hôtels et restaurants et c'est plus adapté, reconnaît le cofondateur. Les restaurants utilisent les terrains tels qu'on les a imaginés, en les installant en quinze minutes pour une soirée à thème guinguette par exemple." La Boulisterie est passée d'environ 50 à 80 ventes de terrains par été.

Mais, depuis Qui veut être mon associé ?,  la société s'est surtout diversifiée et structurée : ouvertures d'un bar restaurant et d'un concept store à Nice et collaborations avec la marque de vêtements Jack and Jones (une collection de 25 pièces avait été lancée avec succès avant la diffusion de l'émission, une deuxième a suivi) et avec la marque Rasurel autour d'un maillot de bain.

On accorde à Guillaume Lieutier le mot de la fin : "Au final, l'émission c'est une rencontre avec cinq personnes qui nous font un retour excellent et qui nous encouragent à continuer." Et qui prodiguent de bons conseils, se permet-on de compléter.