Laurent Grandguillaume (Député de Côte d'Or) "Il faudra un an pour créer le nouveau statut d'entreprise individuelle"

L'auteur du rapport sur la simplification des régimes de l'entreprise individuelle détaille ses propositions.

Le député PS de Côte d'Or, Laurent Grandguillaume, a planché pendant deux mois sur le régime de l'auto-entrepreneur et, plus généralement, de tous les entrepreneurs individuels. Son rapport, remis à Sylvia Pinel, ministre de l'Artisanat, et Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, propose d'unifier les différents statuts de l'entreprise individuelle. Les entrepreneurs auraient alors la possibilité de choisir entre deux régimes fiscaux : un régime réel et un régime forfaitaire.

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Laurent Grandguillaume. ©   DR

JDN. Pour simplifier les régimes de l'entreprise individuelle, vous proposez de fusionner tous les statuts existants (EI, EIRL, EURL...). Pourquoi ce big bang ?

Laurent Grandguillaume. Aujourd'hui, quand vous voulez créer votre entreprise, vous avez le choix entre une EI, une EURL, une EIRL, une Sasu, etc. Sans parler des régimes fiscaux et sociaux ! C'est le parcours du combattant. Si on veut vraiment simplifier les choses, revenons à la question de de base : quand je veux créer mon entreprise, soit je suis seul et je suis entrepreneur individuel, soit je veux m'associer et je me mets en société . Et avec ce nouveau statut, il sera beaucoup plus simple de basculer entre les deux : vous aurez déjà une personne morale, vous aurez déjà une séparation des patrimoines, vous serez déjà soumis à l'impôt sur l'entreprise sur les bénéfices...

Et si, comme beaucoup d'auto-entrepreneurs, je souhaite simplement conserver une activité complémentaire ?

Cela sera évidemment toujours possible. Il y aura deux régimes : le régime forfaitaire, qui regroupera l'auto-entrepreneur et le micro-fiscal, et le régime réel qui sera simplifié et qui permettra de répondre à la logique de croissance.

L'exemption de TVA pour les auto-entrepreneurs, vous n'y touchez pas ?

Le régime micro-fiscal, dans lequel sont 40% des artisans non auto-entrepreneurs, bénéficie aussi de la franchise de TVA. A partir du moment où on réunit le régime de l'auto-entrepreneur et le micro-fiscal, abaisser la franchise de TVA impacterait aussi les artisans qui sont au micro-fiscal. Je propose de laisser cette franchise à 32 600 et à 81 500 euros, mais de mettre en place un véritable suivi par les organismes de gestion agréés (OGA), à partir de 20 000 euros par exemple.

"Revenons à la question de de base : soit je crée mon entreprise seul et je suis entrepreneur individuel, soit je veux m'associer et je me mets en société"

Votre idée consiste donc non pas à contraindre cette transition à partir d'une certaine activité mais de rendre cette évolution plus intéressante pour l'entrepreneur ?

On peut estimer que, selon l'activité, il va être intéressant de basculer au réel à 24 ou 25 000 euros. C'est pourquoi il faut travailler sur la question des "minimales" [les cotisations sociales minimales, versées même en cas d'activité faible ou nulle, auxquelles ne sont pas soumis les auto-entrepreneurs, NDLR]. Un artisan au micro-fiscal paie aujourd'hui 1 650 euros de "minimales". Si on veut fusionner le micro-fiscal et l'auto-entrepreneur, il faut donc supprimer les "minimales" pour tous. Cela implique aussi qu'il faut les diminuer pour ceux qui sont au réel, de manière à ce que le passage de l'un à l'autre soit plus simple. Mais elles sont nécessaires pour garantir les droits, de retraite notamment, pour les artisans et tous ceux qui sont au réel.

Les artisans se plaignent aussi d'être mis en concurrence avec des auto-entrepreneurs sans qualifications. Que proposez-vous ?

Je réponds qu'il faut renforcer la vérification des qualifications, garantir que la personne soit assurée, en particulier une garantie décennale quand c'est nécessaire, et qu'elle soit soumise aux même obligations. Aujourd'hui, vous pouvez être artisan en auto-entrepreneur sans être soumis aux mêmes obligations que les artisans sous un autre statut : ça n'est pas logique !

L'une de vos propositions consiste à créer l'impôt sur les entreprises, l'IE, sur le modèle de l'IS. Est-ce vraiment le bon moment pour créer un nouvel impôt ?

A un moment, il faut aussi un peu de courage et d'audace. Ce n'est pas un impôt en plus, c'est simplement un raisonnement de bon sens : un entrepreneur individuel ne peut pas être soumis à l'impôt sur les sociétés, il doit donc être soumis à un impôt équivalent. Dans mon raisonnement, j'ai toujours cherché la neutralité pour les finances publiques et la neutralité pour l'entrepreneur.

Un artisan en auto-entrepreneur n'est pas soumis aux mêmes obligations que les autres : ça n'est pas logique !"

Comment les ministères ont reçu votre rapport ?

Je pense qu'il est plutôt bien reçu. Nous avons toujours travaillé en liens étroits, je les ai toujours tenus informés de mon travail, j'ai travaillé avec les cabinets... Désormais, le gouvernement doit voir comment intégrer ces propositions dans les textes. Le projet Pinel sur la réforme de l'auto-entreprenariat est prévu pour début février, mais si le gouvernement veut prendre des éléments du rapport, il peut ajouter des amendements au texte. En revanche, la question du statut juridique unique demandera un travail un peu plus long avec les juristes, avec les organisations professionnelles... Certains éléments peuvent être pris par décret, d'autres dans le projet de loi de Sylvia Pinel, d'autres encore dans un autre texte législatif.

Quel serait le calendrier d'une loi sur le nouveau statut ?

A mon avis, il faut une bonne année pour travailler l'ensemble, parce qu'en fait cela concerne beaucoup de monde. Il faut le faire sérieusement, évaluer tous les impacts, pour gérer le stock. Faire une loi pour créer un nouveau statut ne demande pas longtemps. En revanche, si on veut prendre en compte le basculement des entrepreneurs actuellement en EI, EIRL ou en EURL, c'est plus compliqué.

Comment les entreprises existantes changeront-elles de statut ?

Si cette idée est retenue et si le travail est fait sérieusement, il faut laisser deux ou trois ans aux entrepreneurs pour basculer au fur et à mesure. C'est une convergence qui peut se faire au fil de l'eau, avec une date limite.

Avez-vous bon espoir de voir vos propositions se concrétiser ?

Tout le monde veut simplifier. S'il y a bien quelque chose qui fait consensus au niveau national, c'est bien cela : simplifier. Avoir un formulaire d'une page plutôt que six pages, je ne vois pas comment il pourrait y avoir un clivage politique là-dessus.