L'imprimerie face au piège du greenwashing

A l'heure où nombre d'imprimeurs se targuent de laver plus "vert" que leurs confrères, les acheteurs doivent être plus que vigilants s'ils souhaitent mettre en place une logique authentique d'éco-responsabilité.

Dans les métiers de l'imprimerie comme dans la plupart des secteurs, la mode est au vert. Pas à l'encre ni au Pantone : plutôt à une bonne couche de peinture verte bien épaisse censée recouvrir les aspects les moins reluisants de cette industrie. En d'autres termes, il faut faire bio, il faut faire beau, il faut faire écolo. C'est ce que l'on appelle le "greenwashing", ou l'éco-blanchiment en français.
Il en est dans ce domaine comme dans bien d'autres : il existe des gens sérieux, des professionnels consciencieux, honnêtes et rigoureux. Et puis il y a les autres : ceux qui profitent de la vague verte pour gagner de nouveaux clients, éviter d'en perdre, ou tout simplement se donner bonne conscience.
Lorsqu'on est acheteur de services d'imprimerie, il est franchement difficile de s'y retrouver dans la jungle des labels et certifications qui s'affichent au fronton des imprimeries. Voici quelques conseils pour éviter les pièges du greenwashing.

1. Commencez par faire votre examen de conscience
Charité bien ordonnée commence par soi-même. Avant d'exiger de vos fournisseurs d'être vertueux, commencez par réfléchir à ce que vous leur demandez de faire. Par exemple, imprimer sur un papier recyclé pour ajouter ensuite un pelliculage polypro ou un vernis UV constitue un véritable non-sens écologique.
Soyez donc avares d'effets spéciaux et privilégiez le papier "nature" : évitez les vernis UV, les pelliculages... avant chaque projet, demandez l'avis d'un professionnel, soit chez l'imprimeur, soit dans une agence de communication. Et surtout, sachez écouter ses conseils...

2. Ecologie ne rime pas forcément avec papier recyclé
Si recycler est une véritable nécessité, utiliser du papier recyclé à tout bout de champ n'est pas forcément la panacée.
Avant de penser à recycler, pensez à moins produire : réfléchissez à la manière dont vous pouvez réduire votre production d'imprimés. Soit en utilisant des procédés qui permettent de commander au fil de vos besoins (le numérique et le e-procurement sont très intéressants à ce sujet) et donc éviter de gérer des gros volumes qui parfois finissent à la poubelle. Soit en choisissant des supports numériques lorsque c'est approprié : par exemple, opter pour des versions PDF de vos documentations, des catalogues électroniques...
La filière papier est essentielle à l'équilibre de nos forêts : en France, les scieries vendent leur déchets aux papetiers pour produire de la pâte à papier, et cette vente des sous-produits est une source de rentabilité pour la filière bois. Sans cette manne, l'exploitation forestière perdrait en rentabilité, et du coup, ce sont nos forêts qui en pâtiraient. Par ailleurs, la demande est telle en matière de papier recyclé qu'il faut aller le chercher de plus en plus loin. Donc cette question se pose inéluctablement : entre du papier recyclé produit au Danemark et acheminé en France par camions entiers, et du papier "classique", produit dans nos contrées, lequel présente le meilleur bilan carbone ?
Intéressez-vous aux papiers non-recyclés mais certifiés FSC ou PEFC : depuis 10 ans, les papetiers et les professionnels du bois font de gros efforts. Des labels reconnus attestent de la manière dont sont gérés les forêts, et permettent de réaliser une traçabilité de chaque papier. Si vous n'optez pas pour un papier recyclé, pour diverses raisons, vous pouvez choisir du papier "classique", à condition qu'il soit certifié FSC ou PEFC. Il existe également le label Blue Angel en Europe du Nord. Ces certifications qui concernent à la fois le papier et les imprimeurs vous prémunissent contre des papiers d'origine douteuse.
Recyclé + FSC : prenez le meilleur des deux mondes ! le papier recyclé n'est pas toujours très flatteur, mais il donne une belle image de l'entreprise. Et le papier FSC s'il est très beau, est moins connu du grand public. Sachez qu'aujourd'hui, des papetiers proposent de nouveaux papiers magnifiques, composés d'un mélange de papier recyclé et de papier FSC. C'est l'un des meilleurs compromis actuel entre qualité de rendu et démarche éco-responsable.

3. Faites l'audit de votre imprimeur
Aujourd'hui, quasiment tous les imprimeurs arborent des labels liés au développement durable. On s'y perd franchement, entre les labels de corporation, les normes ISO, les labels auto-promus à la limite de la légalité...
Privilégiez les imprimeurs qui ont une démarche ISO 14001, FSC et PEFC. Ce sont des normes véritablement sérieuses, qui exigent un suivi dans le temps pour être renouvelées...
Intéressez-vous aux imprimeurs qui ont le label "Imprim'vert", mais en veillant à ce que ce label soit renouvelé chaque année. C'est une démarche constante qu'il faut répéter dans le temps...
Procédez à votre propre audit. En effet, il existe énormément de paramètres qui influent sur l'impact environnemental de votre imprimeur. Le type d'encres qu'il utilise, la manière dont il retraite ses déchets, la façon dont il est organisé... Le WWF a publié un document de travail très intéressant à ce sujet : il s'agit d'une grille d'audit des imprimeurs, qui passe en revue chacun de ces aspects. C'est très pertinent.
Optez pour des plateformes collaboratives d'édition. La création des supports de communication est une activité génératrice de pollution. Impressions à n'en plus finir, réunions, déplacements, supports magnétiques jetables, épreuves de validation... vous pouvez réduire tout cela en vous équipant d'une plateforme éditoriale web-to-print, ou en choisissant un imprimeur qui en est équipé. Vous trouverez plus d'information à ce sujet sur ce blog ou dans ce livre blanc.

En conclusion
Il est louable et même essentiel de réfléchir à la réduction de son empreinte environnementale. Mais quitte à le faire, faites-le de façon éclairée, en vous posant les bonnes questions, pour choisir les bons interlocuteurs. Ne cédez pas aux sirènes du greenwashing !!
Et si vous êtes perdus, n'hésitez pas à faire appel à des spécialistes qui vous conseilleront dans cette démarche.