L'abus de télétravail est dangereux pour la santé

Le télétravail a permis et permet encore la continuité d'activité, mais il n'est pas sans risque, tant pour la santé des salariés que celle des entreprises.

Télétravail : on a bien entendu parlé des bienfaits…

Jeudi 21 mai 2021, au plus fort de première vague de la covid-19, Mark Zuckerberg, le fondateur et PDG de Facebook, souhaite, lors d’une conférence pour ses employés diffusée en public sur la plate-forme, devenir l’entreprise la plus en avance du monde sur le télétravail. Puis le 15 septembre dernier, CNN annonce que Facebook acquiert 40 000 m² de bureau à Washington…paradoxal ? En tout cas, pas un cas isolé ; car Google annonce, un mois plus tard, dans le San Francisco Chronicle étendre ses locaux de San Francisco de plus de 14 000m²…

Probablement l’illustration d’une courbe d’apprentissage, sur un phénomène récent qui s’est déployé brutalement en quelques jours, et dont nous sommes loin d’avoir mesuré tous les impacts. Les bienfaits, visibles et immédiats du télétravail sautent aux yeux : temps de transport économisé, diminution de l’empreinte carbone, réduction des surfaces et économie financière…et ont été largement diffusés, repris et commentés. La réalité semble pourtant plus nuancée. Quelques alertes émergent, des employeurs et salariés s’expriment contre le 100% télétravail et soulèvent la question : l’abus de télétravail ne serait-il pas dangereux pour la santé des salariés er des entreprises ?

On commence à identifier chez les salariés les dégâts d’un télétravail généralisé et prolongé…

Côté salarié, la parole commence juste à se libérer sur les méfaits du "full télétravail" et les études nous renseignent sur ses impacts négatifs. : isolement, stress, dépression, augmentation des conduites addictives (alcool, drogue). D’ailleurs, le gouvernement a bien identifié les risques inhérents au full télétravail, en mettant en place un numéro vert pour les salariés. L’étude HP sur la transformation du monde du travail révèle que les sondés s'estiment globalement plus stressés et ne sont pas aussi impliqués dans la logique d'entreprise qu'au bureau. Près de 31 % des salariés interrogés se sentent moins loyaux envers leurs employeurs lorsqu'ils télétravaillent, révèle le rapport. L’étude ClickShare révèle également que 38% des employés français interrogés ont trouvé que le travail à domicile devenait moins agréable au fur et à mesure que le temps passait. Même son de cloche chez Facebook. Une enquête interne auprès des employés montre que 65% d’entre eux souhaiterait revenir au bureau le plus vite possible. Plusieurs DRH, de sociétés 100% en télétravail, constatent une recrudescence de demande de dérogation pour des salariés souhaitant revenir au bureau à minima un jour par semaine.

Le bureau n’est pas qu’un simple lieu pour réaliser des tâches assis derrière son ordinateur. iI joue un rôle éminemment social et relationnel. C’est un espace de partage, d’échange et de cohésion, un élément constitutif du sentiment d’appartenance, à une communauté.

….et une réelle menace pour les entreprises…

Côté entreprise, aussi l’excès de télétravail est une menace sur le collectif d’une entreprise. Comment intégrer une nouvelle recrue, sans rencontrer ses collègues ? Le bureau est le lieu de transmission des compétences, du savoir et de l’histoire de l’entreprise. La transmission du savoir s’y opère de manière diffuse, au gré des contacts informels, dans les espaces communs de l’immeuble de bureau, autour de la machine à café, sur le palier d’ascenseurs, dans les couloirs, au restaurant, dans la salle de sports. L’entreprise a besoin d’incarnation physique, existe parce qu’elle est "habitée et animée". Le bureau est un hub de rencontre, où se créée et vie la communauté des salariés. Il se doit d’être un lieu de service : le salarié doit trouver un intérêt à venir. Enfin, c’est la vitrine de l’entreprise, à l’image de ses valeurs.

Trouver la bonne dose de télétravail, enjeu crucial des mois à venir

L’apprentissage, le recul d’expérience vont s’enrichir progressivement dans les mois à venir, pour permettre de placer le curseur au bon niveau l’intensité du télétravail. Dans cet apprentissage, l’exemple de IBM est riche d’enseignements. Pendant 20 ans, IBM fut l’une des entreprises les plus visionnaires, et a pratiqué le travail à distance. Pourtant, en février 2017, IBM brutalement a fait volteface, et a demandé à ses employés de retourner au bureau, jugeant que le travail à distance nuisait à la créativité. A la lumière de cette expérience, l’expression la plus adaptée pour résumer l’incertitude de la période :  l’histoire est un éternel recommencement. Le bureau n’est pas mort, il mue pour s’adapter à la nouvelle normalité. Cette crise est un parfait motif pour innover et le repenser afin qu’il soit plus serviciel, expérientiel et en phase avec les besoins de ses résidents.