L'humain : l'alpha et l'oméga de la transformation digitale ?

L'adage selon lequel les crises sont d'excellents leviers d'accélération vient-il d'être mis à mal par notre expérience des confinements ? Un domaine semble avoir échappé à cette tendance : la transformation digitale.

D'après le baromètre Croissance et digital, si 70% des entreprises percevaient en 2019 le digital comme une opportunité, moins d'une sur deux pilotaient pourtant une telle stratégie. Comment l'expliquer ? Quel rôle l'humain joue-t-il dans cette transformation ?

Transformation numérique… ou digitale ?

Les nombreux débats sémantiques autour du digital ne facilitent en rien une compréhension claire de ce concept. Numérisation, digitalisation, webisation, codification… ces termes sont souvent employés à tort ou à raison comme synonymes. Pourtant, si l’on se réfère à l’étymologie du mot digital, celui-ci se rapporte à l’usager et à son expérience de la technologie numérique, soit ce qu’il en fait avec ses doigts. La transformation digitale englobe ainsi la transformation numérique.

Pour les entreprises, cette transformation s’articule autour de trois axes : la relation client, la création et l’utilisation de nouveaux services et l’optimisation des processus. Si la transformation digitale n’a donc rien de récent, certains de ces axes le sont davantage, à l’instar de l’émergence de nouveaux services, allant de pair avec une forme de contraction du monde. En effet, aujourd’hui, même une PME peut exporter ses produits aux quatre coins du globe. Cela induit forcément un changement dans la notion de concurrence. Avec les technologies actuelles et leur accessibilité, de nouveaux entrants sur les marchés peuvent concurrencer les mastodontes de leur secteur.

Toutefois, la digitalisation ne s’arrête pas aux portes de l’entreprise. Ses impacts sont nombreux et touchent autant nos manières de consommer que nos interactions sociales. On assiste à une forme de « cataloguisation » massive de nos sociétés, à l’image des succès de Tinder, Amazon ou Netflix. Le numérique est à l’origine d’une révolution anthropologique. De nouveaux usages, comportements et produits ont émergé avec le digital. Des produits qui n’en ont parfois que le nom. Aujourd’hui, un géant du secteur hôtelier comme Airbnb peut ne posséder aucun bâtiment : c’est le règne de la plateforme.

Mais en France comme ailleurs, l’utilisation du digital n’est pas sans risque. Les problématiques autour de la cybersécurité et de la souveraineté sont désormais au cœur des débats : traçage des données, usurpation d’identité numérique, fraude commerciale en ligne, brèche de sécurité, violation de l’intimité sur les réseaux, etc. Si les pouvoirs publics commencent à se pencher sérieusement sur ces questions et sur la réglementation des géants du net (GAFAM, BATX), ces manœuvres lourdes prennent du temps. Un temps différent de celui des technologies numériques.

La transformation digitale nécessite l’implication de tous

La transformation digitale a sonné le glas de la patience. Nos sociétés progressent de plus en plus vite, tant sur des questions technologiques que sociétales. Ce phénomène d’accélération, les entreprises n’en sont pas exemptes. Elles doivent innover en permanence, sous peine d’être concurrencées ou de disparaître. A ce titre, les grands groupes multiplient les campagnes de communication pour encourager la génération Z, rompue à la culture start-up, à rejoindre leurs rangs. Cependant, la culture d’une multinationale et d’une start-up ont peu de choses en commun. Sans réflexion sur la manière d’intégrer un esprit start-up au sein de ces grosses organisations, ce choc des cultures peut vite tourner à l’échec.

C’est également le cas lorsque le management essaie d’imposer la transformation sans en expliquer les tenants et les aboutissants. Dès lors que l’on parle de transformation, les attentes sont rarement naturellement alignées. Le management doit offrir un cadre. Mais quand ce cadre est mal défini ; pire, quand il n’est même pas expliqué aux équipes opérationnelles, la mise en œuvre de la transformation peut tourner au cauchemar. L’implication des collaborateurs est essentielle, ne serait-ce que pour recueillir leurs attentes et les aider à s’approprier de nouveaux outils et de nouveaux modes de travail. En somme, tout l’enjeu pour le management consiste à accompagner les différentes strates d’une organisation, à les désiloter pour, in fine, améliorer l’expérience client et collaborateur.

L’humain précède la digitalisation

Les modèles poussés par le digital sont plus décentralisés. L’entreprise doit s’en inspirer pour faire davantage confiance à ses employés et leur accorder plus d’autonomie. En effet, avec la crise sanitaire et la généralisation du télétravail, il est apparu que décentralisation ne rimait pas forcément avec perte de contrôle. Cela implique simplement de travailler différemment, depuis n’importe où et de manière collaborative grâce aux nouvelles technologies.

Ce mouvement rend la place de l’entreprise d’autant plus saillante. Désormais, on attend de l’entreprise qu’elle joue, de concert avec l’Etat et la société civile, un rôle prépondérant dans la réponse aux enjeux sociétaux soulevés par le digital. En effet, se demander comment rendre son offre plus green ne suffit plus. Les entreprises doivent repenser leur offre pour faire en sorte que le green en fasse partie intégrante. Certaines startups l’ont d’ailleurs parfaitement compris.

Il reste toutefois encore de la place pour la création de nouveaux projets et l'émergence de nouvelles pratiques. D’ailleurs, les TPE et PME peuvent plus facilement tirer leur épingle du jeu. Leur organisation à taille humaine leur offre la possibilité de changer de mode de fonctionnement bien plus simplement que dans les grands groupes.

La digitalisation n’est d’ailleurs qu’une question d’humain. Pour convaincre de la pertinence de ses services, pour construire sa stratégie marketing, pour prendre en compte les besoins de ses clients : sans humain, pas d’avancée. C’est à lui de convenir ce qu’il adviendra de la transformation digitale.