À l'ère post-covid, les entreprises doivent inventer le management 3.0

Face à l'urgence de la situation, les entreprises doivent prendre la mesure des transformations à l'œuvre et abandonner leurs modes de management traditionnels.

Transformation digitale, transition écologique et gestion post-Covid : voici trois des mutations gigantesques auxquelles sont aujourd’hui confrontées les entreprises. Un changement d’une ampleur inédite et brutale. En deux ans à peine, la crise sanitaire a précipité des millions de salariés dans l’ère du télétravail, provoquant chez certains une perte de repères, qui a parfois engendré une réelle détresse psychologique et une recherche de sens exacerbée. Face à l’urgence de la situation, les entreprises doivent prendre la mesure des transformations à l’œuvre et abandonner leurs modes de management traditionnels pour inventer de nouvelles pratiques plus agiles et résilientes.

Des managers en perte de repères

Un triple constat doit aujourd’hui nous alarmer. Tout d’abord, des situations de burn-out dans l’entreprise qui ont bondi de 25 %, en France, au semestre dernier (1). Des managers, ensuite, dont la moitié considère leurs missions trop difficiles depuis la crise sanitaire. Enfin, des salariés qui ont carrément jeté l’éponge, pour chercher une activité plus riche de sens : à la mi-2021, leur nombre avait augmenté de près de 20 % en comparaison à 2019 (2). Loin d’atteindre les taux de démission constatés aux États-Unis, la tendance est suffisamment significative pour être qualifiée d’inquiétante. Face à ces signaux, les entreprises auraient intérêt à prendre la réelle mesure des changements intervenus depuis 2020. En l’espace de deux ans, tout, ou presque, a changé ; le télétravail et ses déclinaisons hybrides se sont généralisés, tandis que les enjeux du développement durable sont devenus plus prégnants, conduisant les sociétés à repenser entièrement leur politique RSE. Enfin, ces dernières sont aussi entrées dans l’ère des pénuries, de matières premières comme de compétences, auxquelles elles doivent désormais s’adapter.

Vraiment écouter ce que les salariés ont à dire

Sans être expliquées et accompagnées, ces transformations sont porteuses de forts éléments de déstabilisation pour les salariés, dont les capacités d’adaptation ont déjà été mises à rude épreuve ces deux dernières années. Certaines entreprises ont été tentées de reprendre leurs méthodes de management traditionnelles dès la crise passée. Or, à l’ère de l’économie 3.0, le costume du chef autoritaire, dirigeant une organisation pyramidale d’une main de fer, est définitivement révolu. L’écoute est ainsi le premier fondement d’un nouveau management efficace et légitime. Elle doit être active et réciproque, permettant de prendre réellement en compte les attentes et les difficultés individuelles et collectives, mais aussi les idées de chacun. Alors que les entreprises passent leur temps à écouter – leurs clients, les tendances marketing, les nouveaux comportements des consommateurs -, elles oublient encore trop souvent de le faire avec leurs propres équipes, générant désintérêt et frustration. Les managers auront tout à gagner à impliquer davantage leurs collaborateurs en prenant en compte leurs propositions, en particulier celles des équipes "terrain", au contact de la clientèle, dans une approche gagnant-gagnant.

L’agilité au cœur des nouvelles pratiques managériales

Dans un monde complexe, où les décideurs doivent composer avec l’incertitude, les entreprises vont devoir également inventer une nouvelle forme d’agilité managériale. Cela passe avant tout par une bonne maîtrise des compétences : savoir identifier les forces et faiblesses de ses collaborateurs, les faire monter en expertise, mais aussi favoriser la diversité de leurs équipes au profit de l’intelligence collective. À l’heure de la pénurie de ressources, notamment dans la tech, il faudra de plus en plus apprendre à travailler avec des personnes externes, dont les origines ou les cultures "métiers" seront très différentes de celles de l’entreprise. Parfois, celles-ci seront situées à l’autre bout du monde, et le manager 3.0 devra donc impérativement savoir piloter une équipe dispersée géographiquement. En la matière, les entreprises ont eu trop tendance à faire confiance aux outils, et à les multiplier, au risque de diluer les informations, en oubliant qu’ils ne remplaceront jamais les relations humaines.

Faire évoluer les mentalités pour réinventer la fonction de manager

Enfin, les entreprises vont devoir aller à l’encontre d’une culture bien française, en favorisant la prise de risque et en étant au cœur de la conduite du changement ; faute de formation dispensée par leur employeur, 40 % des managers (3) ont en effet appris leur métier sur le tas, avec tous les écueils que cela engendre. À elles de se rappeler également qu’un bon expert ne fait pas forcément un bon manager. Et c’est là, peut-être, la première des choses à changer : créer une nouvelle vision de la notion de « carrière », dans laquelle la réussite professionnelle ne passe pas exclusivement par la case « management ». Un changement d’approche impératif, pour créer les conditions qui feront du manager 3.0 un visionnaire, capable de donner un cap et de le tenir dans une période où le changement est permanent.

(1) Étude OpinionWay, réalisée entre mai et octobre 2021 

(2) Étude OpinionWay - mars 2021

(3) Chiffres de la Dares