"Les défis de la Destination France : deux hôteliers répondent à Monsieur Bruno le Maire"
Le 11 janvier, Okko Hotels et de nombreux hôteliers ont été conviés au Château de Chantilly pour échanger, à l'initiative du Gouvernement et d'Atout France, sur les enjeux de la Destination France.
Il y a 10 ans, nous avons ouvert à Nantes le premier établissement de notre groupe hôtelier familial. Okko Hotels compte désormais 14 hôtels, 300 collaborateurs et est devenue en avril dernier, la première marque hôtelière entreprise à mission. Le 11 janvier, nous avons eu le plaisir d’être conviés aux côtés de nos éminents confrères, au Château de Chantilly pour échanger, à l’initiative du Gouvernement et d’Atout France, sur les enjeux de la « Destination France ».
Nous nous réjouissons que l’industrie du tourisme, qui représente 7,5% du PIB et 2 millions d’emplois directs et indirects, soit au cœur de l’actualité nationale au travers de thématiques plus valorisantes que les punaises de lit ou les tarifs pratiqués lors des JO.
Dans son discours d’ouverture, Monsieur Bruno Le Maire, nous a invités à dire ce qui n’allait pas et ce qu’il fallait améliorer pour que la Destination France conserve son premier rang mondial. Nous souhaitons partager ici notre vision d’entrepreneurs, construite au fil des années passées au sein de cette industrie qui nous passionne. Nous identifions quatre enjeux forts qui structureront l’avenir de notre activité.
L’attractivité des métiers de notre industrie : en 2023, 65% des 390 516 tentatives de recrutements du secteur de l’hôtellerie-restauration ont été difficiles (1). Ces métiers qui impliquent des rythmes de vie contraignants et de faibles rémunérations en début de carrière peinent encore plus à attirer en post Covid. Il a fallu la fermeture de chambres et de restaurants faute de personnel pour que la crise des vocations soit au cœur des préoccupations des dirigeants de l’industrie. L’heure est au mea culpa et au travail sur la marque employeur, mais l’Etat a un rôle fondamental à jouer sur le volet éducation.
Si les écoles privées d’hospitality font recette et forment les futurs cadres du secteur, l’enseignement public souffre lui d’un déficit d’image et d’un contenu obsolète. Les CAP sont encore vus comme des filières où échouent ceux qui n’ont pas le niveau de suivre un cursus général. L’enseignement donné dans les lycées hôteliers, très empreint de l’héritage traditionnel de l’art de vivre à la française, est parfois déconnecté des besoins du terrain. Il est aujourd’hui plus pertinent de former aux éco-gestes, à la cuisine saine, aux langues étrangères, à l’interculturel, à la gestion de conflit, au management que d’apprendre à servir des crêpes Suzette. Les programmes doivent être revus en profondeur et les professionnels du secteur doivent y être associés.
L’accès au travail des personnes issues de l’immigration : nous en avons la conviction, l’industrie de l’hôtellerie-restauration, dont les besoins en main d’œuvre sont énormes, ne saurait fonctionner sans les hommes et les femmes issues de l’immigration. Par pur humanisme, nous en sommes persuadés et cela n’engage que nous, mais la réalité économique ne peut être ignorée.
Dans l’immédiat, la simplification des procédures de régularisation est de renouvellement des permis de séjour est nécessaire pour alléger les difficultés RH que rencontre notre profession. Rappelons que ces collaborateurs qui travaillent au sein de notre industrie participent à l’économie et paient des impôts. La politique actuelle qui empêche les migrants de travailler, alors que de nombreux postes ne trouvent pas preneurs, est pour nous une hérésie, qui ne peut que développer encore l’exploitation cynique de ces populations vulnérables.
La structuration de l’offre : nous avons entendu un appel répété à monter en gamme, qui de notre point de vue ne peut s’affranchir de la réalité économique et peinera à constituer un facteur de différenciation. Et s’il ne s’agissait pas de faire plus grand, plus beau, plus fort, mais de faire mieux ? Mieux que les destinations des autres pays du monde, qui sont désormais nos concurrents quand il s’agit d’accueillir un évènement d’ampleur internationale, un congrès, une manifestation culturelle ou tout simplement un prochain projet de voyage. Mieux en termes d’hospitalité, de service, de rapport-qualité prix, d’urbanisme et de design.
Mieux aussi en termes de responsabilité sociale d’entreprise. Que veut-on aujourd’hui pour la Destination France ? Doubler le nombre de palaces, qui bénéficieront à quelques happy fews ou devenir le pionnier du tourisme durable et responsable ? Nous sommes persuadés que le choix d’un projet porteur de sens, qui intègre les enjeux de l’ensemble des parties prenantes, tout en donnant de vraies perspectives d’avenir à notre industrie, contribuera à développer l’attractivité de nos métiers auprès de futurs collaborateurs.
L’urgence climatique : nous le savons, notre maison brûle. Un travail certain a été engagé pour accompagner la filière dans sa transition, mais les résultats partagés sont très loin du niveau d’anticipation nécessaire pour que notre activité puisse envisager un avenir serein. Comment se financera la rénovation énergétique de nos établissements dans un contexte de contraction des marges ? Comment structurer une grille de lecture commune qui permettrait à nos clients de distinguer les acteurs qui s’engagent ? Comment anticiper les conséquences déjà palpables du changement climatique sur les activités saisonnières et notamment la montagne, les littoraux et les régions les plus ensoleillées ? Comment réinventer notre offre touristique si demain la France limite sa dépendance au trafic aérien ?
Le Gouvernement actuel nous a démontré au travers du Plan Tourisme, qui a permis au secteur de surmonter le Covid, sa capacité à trouver des solutions concrètes et efficaces dans un contexte inédit et incertain. Nos attentes à leur égard sont à la hauteur du défi climatique que doit relever la Destination France.
Comme nos collègues, nous donnerons le meilleur pour faire rayonner la Destination France lors des Jeux Olympiques. Le Gouvernement peut compter sur notre engagement, nous espérons pouvoir compter sur son écoute.
(1) : baromètre BMO Pôle Emploi