Pourquoi aucune transformation numérique n'est possible sans empathie ?
Il est temps de repenser radicalement la manière dont les entreprises abordent la transformation numérique pour éviter de nouveaux échecs retentissants.
Peut-être faut-il commencer par le rappeler, une entreprise ne se limite pas à un ensemble de services, de processus et de chiffres. C’est avant tout un regroupement d’êtres humains. Des humains qui aspirent à être reconnus, à tisser des liens sociaux équilibrés et sincères, et à se sentir écoutés, compris et valorisés pour ce qu’ils sont. Et ces besoins fondamentaux ne disparaissent pas lorsque nous franchissons les portes de l’entreprise. Au contraire, le lieu de travail est sans doute un endroit où ces aspirations s’expriment de manière particulièrement forte, car c’est là que nous passons une bonne partie de nos journées, et même de notre vie, en quête de sens et d’accomplissement.
Et alors que la transformation digitale est souvent présentée comme un moyen de placer l’humain au cœur des entreprises, elle se concentre surtout sur les aspects stratégiques et budgétaires, le reste beaucoup moins, voire pas du tout. Résultat : selon McKinsey, 70% des chantiers de transformation numérique échouent, souvent à cause d’une mauvaise prise en compte des enjeux humains. Une enquête récente de la BPI auprès de 1000 entreprises fait les mêmes constats.
Générique ou empathique, il faut choisir !
Trop souvent, parce que cela semble plus simple à mettre en œuvre et moins cher, les entreprises se tournent vers des solutions préfabriquées, des solutions pensées par des éditeurs pour correspondre au plus grand nombre. Mais en voulant plaire à tout le monde, ces solutions ignorent inévitablement tout ce qui est spécifique. Les entreprises se retrouvent alors à déployer des outils qui peinent à s’intégrer dans leurs processus existants, sont inadaptés à ceux-ci et aux usages de leur propre organisation.
Le résultat est sans appel : les collaborateurs rechignent à adopter ces outils préfabriqués qui ne leur conviennent pas. Se sentant ignorés, ils considèrent qu’il n’ont pas d’importance, ce qui affecte leur motivation, leur productivité et à terme leur engagement envers l’entreprise. Pire encore, pour pallier ces défauts, ils se tournent vers des solutions non approuvées, le fameux “shadow IT”, au risque de fragiliser tout l’IT et la gestion de la data de l’entreprise. Ces solutions, mettant en péril la sécurité et la pérennité du numérique de l'entreprise, finissent toujours par être terriblement coûteuses.
Côté clients, l’approche générique est tout aussi contre-productive. En cherchant à tout templatiser et à standardiser les interactions, on passe à côté de ce qui fait la singularité d’une entreprise : sa capacité à marquer, à attirer, à créer des liens personnalisés, à comprendre les besoins spécifiques de chaque client et à y répondre de façon singulière. Lorsque nous allons au restaurant, nous sommes sensibles à la décoration, au fait que le patron nous reconnaisse, qu’il nous accompagne à notre table préférée, nous offre un verre et échange quelques mots amicaux avec nous et cela s’applique au digital de la même manière : la démarche sur-mesure vient servir une approche personnalisée des besoins, des attentes (conscientes ou inconscientes), et ajoute la plus-value différenciatrice agissant sur l'expérience des utilisateurs en les fidélisant à l'ADN assumé et communiqué de l'entreprise. Sans cela, l’expérience client est froide, fade, insatisfaisante, elle ne crée pas d’attraction, d’adhésion et de différenciation durable et hop direction le concurrent d’à côté.
Placer l’humain au cœur du changement, mais VRAIMENT !
Pour réussir sa transformation digitale, il faut donc faire preuve d’empathie à tous les niveaux.
Envers le dirigeant d’abord, en écoutant ses besoins spécifiques et en lui proposant des solutions réellement sur-mesure, sans jargon ni fausses promesses. Trop souvent, les conseils et prestataires se cantonnent à des recettes toutes faites et l’intégration de progiciels, alors que chaque entreprise a sa propre histoire, sa culture, son organisation. Un chef d’entreprise a lui aussi besoin d’être appréhendé, compris et accompagné de manière sincère et personnalisée.
L'empathie doit être réciproque, et par conséquent dirigée aussi envers les prestataires. Pas de leurre ici, garder les masques, les postures égo-centrées n'incite pas autrui à les faire tomber et à se montrer, trop de risques. Puisqu'une transformation digitale passe par un alignement des besoins et des propositions du prestataire, il est primordial de casser cette boucle vicieuse de fausse bienveillance entre client et prestataire. L'empathie vient ici agir sur la vraie capacité du client à se montrer avec ses véritables attentes, ses besoins, ses dysfonctionnements (il en a aussi), pour que le prestataire puisse lui proposer de vraies solutions adaptées ; cette relation de confiance engendre une collaboration productive et évitera des coûts inutiles d'itérations excessives.
L’empathie doit également s’appliquer à chaque collaborateur. En co-construisant avec eux des outils adaptés à leur mode de travail, de communication et d’organisation, l’entreprise valorise leur singularité et leur implication. C’est seulement en répondant en profondeur aux aspirations de chacun que l’entreprise pourra booster sa productivité et son innovation. Plutôt que raboter les liens et les interactions en imposant des solutions, il faut s’attacher à identifier et comprendre les besoins spécifiques de chaque individu, de chaque équipe, de chaque métier, et leur donner ainsi les moyens de s’approprier le changement. Une démarche vertueuse puisque lorsqu’un individu se sent écouté et valorisé, il développe naturellement plus d’empathie envers les autres. Cela nourrit une culture d’échange, d’écoute et de partage, très bénéfique pour la productivité et la cohésion de l’organisation, ce qui répond à la quête de place et de sens de chacun, la boucle est alors bouclée.
Une étude Deloitte de 2020 est venue insister sur le fait que les entreprises qui combinent une approche technologique et une approche réellement centrée sur l’humain dans leur transformation digitale sont 2,5 fois plus susceptibles d’atteindre leurs objectifs stratégiques.
L’empathie, le meilleur ROI d’une transformation digitale
Il est vrai que l’approche empathique et sur-mesure est plus exigeante à mettre en place qu’une solution “plug and play”. Elle réclame davantage d’écoute, d’effort, de co-construction avec les différentes parties prenantes mais à long terme, l’impact d’une transformation digitale sur-mesure est sans commune mesure. Non seulement elle permet une bien meilleure adoption mais elle crée aussi une différenciation durable. Le ROI, en termes de performance, d’innovation et de fidélisation, est donc très largement supérieur à celui d’une approche générique.
Au fond, l’empathie n’est pas un luxe ni un simple supplément d’âme, mais une nécessité vitale. C’est la seule façon de faire du digital un outil au service de l’entreprise et de l’humain, et non l’inverse. Rappelons-le haut et fort : un digital qui ignore l’humain est le meilleur moyen de gaspiller ses investissements, ses ressources, sans parler des risques majeurs en matière de fiabilité et de sécurité. En intégrant l’empathie dans nos démarches, nous pouvons créer des organisations numérisées qui épanouissent véritablement les individus. Sinon, nous risquons de les perdre, et une entreprise sans les humains qui l’animent, il ne reste plus grand-chose.