Près de 90 % des postulants à un emploi souhaitent connaître le salaire proposé avant de candidater. Un vœu bientôt exaucé...
La directive européenne sur la transparence des rémunérations devrait obliger les entreprises à mettre à plat leur stratégie de recrutement
Il semblerait que la mise en œuvre des exigences réglementaires ait un effet bénéfique sur les informations mises à disposition des salariés, et plus particulièrement celles leur permettant de mieux appréhender la politique rémunération de leur entreprise. Que ce soit la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF), la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), qui obligent les grandes entreprises à publier des informations sur leurs politiques de rémunération, ou encore le rapport sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, incluant des indications sur les écarts de rémunération, les informations relatives aux pratiques et niveaux de rémunération commencent à sortir des murs de l’entreprise. Il n’en demeure pas moins que ces éléments peuvent rester difficilement accessibles pour les salariés.
Trop peu de sociétés communiquent un niveau de salaire dans leurs offres d’emploi.
Selon le site parlonsrh.com, en 2022, seulement 11 % des offres d’emploi publiées par les sociétés du CAC 40 mentionnent la rémunération. Pourtant, selon la 4ème édition du baromètre « Ce que veulent les Candidats » du cabinet Robert Half, le salaire est le premier déterminant motivant une réponse à une offre d’emploi.
En l'absence d'indications claires concernant la rémunération sur les offres de recrutement, des sites d’emploi spécialisés (de type Indeed, Talent.com ou encore SimplyHired) offrent un référentiel de comparaison des salaires pratiqués. Mais là encore, l’accès n’est ni simple, ni transparent et nécessite de la part des candidats la mise en œuvre de stratégies d’information, d'interprétations, voire de contournement.
À partir de juin 2026 au plus tard, les offres d’emploi devront préciser une fourchette de rémunération. Les simples mentions « salaire attractif », « salaire selon le profil » ne semblent plus devoir être de mise.
La Directive européenne sur la transparence des rémunérations semble néanmoins vouloir changer la donne et bousculer certaines habitudes. Des informations claires devront être communiquées de manière à garantir une négociation éclairée et transparente en matière de rémunération. Ainsi, les candidats à un emploi auront le droit de recevoir, de l’employeur potentiel, des informations sur la rémunération initiale ou la fourchette de rémunération initiale ainsi que les dispositions pertinentes de la convention collective (de type 13ème mois, prime de vacances...). Par ailleurs, l’employeur ne pourra plus demander aux candidats un historique de leur rémunération.
Dans l’attente de la transposition de la Directive européenne en droit français et de ses modalités de mise en œuvre, plusieurs questions semblent se poser :
Quels éléments prendre en compte dans la rémunération affichée ?
En premier lieu, vient la question du détail des éléments à mentionner. Doit-on parler (chiffrer) uniquement du salaire fixe ou évoquer ses différentes composantes variables ainsi que tout autre avantage financier associé au poste ? Il est certain qu’une société proposant un salaire fixe, un bonus, une prime d’ancienneté, des éléments de primes familiales ou encore de l’épargne salariale, une protection sociale avantageuse aura tout intérêt à mentionner les différentes composantes du package de rémunération, ainsi que les éventuelles équivalences financières de ces différents éléments. Présenter les grandes lignes de sa politique de rémunération permet non seulement de valoriser sa marque employeur, d’améliorer son attractivité, mais également de retranscrire de manière juste les piliers structurant la rémunération (salaire, performance, RSE, …).
Quelles référence pour les niveaux de rémunération à afficher ?
Doit-on se baser sur les niveaux pratiqués dans l’entreprise issus des emplois effectivement occupés, sur les fourchettes définies à travers les cotations de postes internes, les grilles salariales, ou bien les niveaux associés aux conditions de marché ? Sans doute faudra-t-il appréhender l’ensemble du champ des possibles pour statuer sur les valeurs les plus pertinentes. Une analyse a posteriori des montants proposés, du nombre de candidats et l’adéquation des candidats avec le poste sera nécessaire afin d’ajuster la mire.
Quelle fourchette de rémunération proposer aux candidats ?
Il faudra dans un second temps réfléchir à la bonne stratégie de présentation : une fourchette de rémunération a l’avantage de montrer la flexibilité des salaires et de jouer directement sur le nombre de candidats, elle doit prendre en compte les tendances du marché. La fourchette doit dépendre de l’emploi proposé, mais sans doute également de l’expérience attendue. En l’absence de référence à tout niveau d’expérience, la fourchette sera plus large. Cependant, un employeur peut-il être raisonnablement crédible en proposant une fourchette de salaire brut mensuel comprise entre 1 500 € et 2 400 € ? Si telle est la proposition, il faudra à l’embauche faire preuve de plus de transparence et de pédagogie. N’oublions pas non plus que dans le cas d’emplois rares sur un marché tendu, dans un contexte de recherche de talents spécifiques, la fourchette devra savoir se montrer plus attractive sans pour autant déséquilibrer les pratiques de l’entreprise, ni sacrifier l’avenir.
Quand afficher la rémunération proposée au candidat ?
De manière à garantir une négociation éclairée et transparente, l’employeur devra indiquer la fourchette de rémunération sur l’offre d’emploi ou bien la communiquer au candidat avant son premier entretien, nous dit la Directive. Cette possibilité d'arbitrer sur le moment où la rémunération sera affichée doit permettre de contrôler la communication externe que l’on souhaite faire des niveaux proposés. On pourrait ainsi ajuster sa stratégie de recrutement en fonction des postes et des profils recherchés. Il n’en demeure pas moins que, dans tous les cas de figure imaginés par l'entreprise, un processus d’information doit être établi et respecté de telle sorte que le candidat ait bien perçu l’information en temps et en heure..
On le voit bien, désormais la transparence des rémunérations imposera de définir une stratégie de recrutement plus globale. Il faudra sans doute, comme le préconisent déjà certains acteurs, faire évoluer les BSI (Bilan Social Individualisé), document récapitulant les salaires et les avantages perçus par un salarié au cours de l’année écoulée, vers des PRI (Politique de Rémunération Individualisée), document présentant des persona d’embauche permettant au candidat de se projeter.