Réindustrialisation européenne : l'ambition de faire du vieux continent un champion technologique

La réindustrialisation européenne cherche à renforcer sa souveraineté technologique, notamment via l'European Chips Act, en misant sur l'innovation et l'autonomie industrielle.

Pendant des années, le développement de compétences et de technologies en France et en Europe relevait davantage d’une volonté commune que d’un projet d’envergure. Aujourd'hui, ce souhait se concrétise au moyen d’investissements conséquents. L'Europe vient en effet de dévoiler un nouveau plan d'investissement de 325 millions d'euros destiné à la recherche dans le domaine des semi-conducteurs. Ce financement, qui s'inscrit dans le cadre de l'European Chips Act, sera soutenu par la contribution des États membres.

Une relance industrielle en France

Depuis 1972, la France a connu un déclin notable de son industrialisation, avec une chute de la part de l’industrie dans le PIB, passant de 19 % en 1972 à 9 % en 2020. Ce déclin, aggravé par la perte d'emplois et la fermeture de nombreux établissements, a laissé certaines régions en crise économique. Dans ce contexte de réindustrialisation, le salon Choose France a d’ailleurs révélé l'attractivité de la France en tant que terre d'investissements, avec notamment l’investissement de 4 milliards d’euros de Microsoft en matière d’intelligence artificielle. De plus, Soitec, leader français des puces électroniques, vient d’annoncer des innovations à l’image de SmartSiC à destination des véhicules électriques, renforçant ainsi la position de la France comme acteur majeur de l’électronique mondiale.

Défis et perspectives au niveau européen

La France ne se bat pas seule contre les moulins à vent, mais aux côtés de l'Europe qui frappe fort pour regagner sa souveraineté industrielle avec le European Chips Act de 2023. En allouant un budget ambitieux de 43 milliards d'euros, ce programme se donne pour mission de revitaliser le secteur des semi-conducteurs en Europe. Il s'appuie sur trois axes majeurs : l'innovation technologique à grande échelle, le renforcement de la robustesse du secteur, et la sécurisation des chaînes d'approvisionnement. En orchestrant une coordination étroite entre la Commission européenne, les États membres et les acteurs clés du marché, l'Europe met en place les fondations d'une compétitivité durable et renforcée.

Le Chips Joint Undertaking (Chips JU) et le Chips Fund figurent parmi les projets phares de cette initiative, visant à stimuler les investissements dans l'exploration de puces plus compacts et plus rapides, ainsi que dans leur développement, fabrication et conditionnement. Toutefois, ce programme est confronté à divers obstacles, notamment un manque de financement de 32 milliards de dollars, qui pourrait être compensé par des investissements en actions grâce à l’émission d’obligations de l'Union européenne. Ainsi, la création d’un mécanisme fiscal unifié reste une tâche à accomplir. Le European Chips Act représente donc une initiative clé pour contrer la désindustrialisation sur son continent, mais ce dernier devra surmonter des défis financiers et organisationnels pour réaliser ses ambitions.

Régionalisation et autonomie dans la chaîne de valeur

Pour atteindre cet objectif, une stratégie globale combinée à une production régionalisée est essentielle. L'Europe ne pourra acquérir une véritable autonomie dans la fabrication de semi-conducteurs que si elle met en place une chaîne de valeur totalement intégrée à l’échelle continentale, depuis la production initiale jusqu’à la phase finale. Cela nécessite d'augmenter le nombre d'usines de production et de promouvoir la régionalisation des secteurs de transformation. Sans ces mesures, l'Europe demeurera vulnérable aux perturbations globales de la chaîne d'approvisionnement et continuera de dépendre de l'Asie. Pour parvenir à une véritable souveraineté sur le marché européen des semi-conducteurs, il est crucial que chaque étape de la fabrication soit autonome.

Dans ce contexte, l'Italie et les Pays-Bas se placent également comme des acteurs clés. L'Italie prévoit d’investir 10 milliards d'euros pour se positionner en leader de la microélectronique, en attirant des entreprises comme Silicon Box et en soutenant STMicroelectronics en Sicile. Les Pays-Bas, quant à eux, lancent un plan de 2,5 milliards d'euros pour maintenir des entreprises stratégiques comme ASML, en se concentrant sur le développement des talents et l’attractivité régionale. Ces initiatives, en alignement avec le Chips Act, visent à renforcer la souveraineté industrielle européenne.

C'est dans ce cadre que se dessine la stratégie de réindustrialisation en France et plus largement en Europe, qui, en plus de renforcer le tissu entrepreneurial, aborde des enjeux futurs comme le développement dans le domaine des semi-conducteurs. Cette approche s’inscrit dans une dynamique de compétition tant au niveau régional qu’international. Pour demeurer compétitive, la France doit promouvoir l’autonomie industrielle au sein de l’Europe et établir des pôles technologiques attractifs. Bien que la France et l’Europe ne possèdent pas de pétrole, elles sont riches en idées créatives et en capacité d'attraction.