Je me suis fait licencier pour des SMS et la justice est d'accord - Ne critiquez pas votre patron par téléphone
Un message à vos collègues dénigrant la hiérarchie pourrait vous coûter cher : un salarié vient d'en faire les frais devant la Cour de cassation.
L'histoire commence en 2018 dans les bureaux de la société MAPE. Un cadre supérieur, embauché sept ans plus tôt en qualité de business unit manager se voit notifier un licenciement pour faute lourde. Sa hiérarchie lui reproche son refus de collaborer avec la nouvelle direction, mais surtout des propos dénigrant l'entreprise et ses dirigeants, envoyés à des collègues par SMS via son téléphone professionnel.
C'est sur ce deuxième point que le cadre décide alors de contre-attaquer en justice. Pour sa défense, il invoque d'abord sa liberté d'expression, garantie par le Code du travail et la Convention européenne des droits de l'Homme. Ensuite, il soutient que les SMS mis en cause, quand bien même ils avaient été envoyés depuis un téléphone professionnel, relevent de conversations privées, et ne pouvent donc pas justifier une sanction disciplinaire. Deux arguments grâce auxquels il espère bien faire annuler son licenciement par la Cour de cassation.
Dans les messages pointés du doigt, le salarié avait notamment critiqué certaines décisions de gestion, dont l'obligation pour les cadres de déclarer leurs heures de travail. Il avait aussi soutenu un ancien collègue dans son action aux prud'hommes, prédisant même la défaite de l'entreprise. Un jeu de mots grossier, enfin, a retenu l'attention des juges : dans un SMS à un collègue, il avait transformé l'acronyme "EPD" (entretien progrès développement) en "le PD" pour désigner le directeur général.

Cette affaire fait écho à d'autres décisions récentes de la Cour de cassation. En septembre 2024, les juges avaient par exemple annulé le licenciement d'un salarié qui échangeait des messages à caractère sexuel et sexiste avec ses collègues via sa boîte mail professionnelle. La Haute juridiction avait alors estimé que ces propos relevaient de l'intimité et de la vie privée.
La conclusion est pourtant différente pour le cadre de l'entreprise MAPE. Dans l'arrêt du 11 décembre 2024, la Cour de cassation confirme cette fois-ci le licenciement, en répondant point par point à la défense du salarié : sur la liberté d'expression, d'abord, les juges estiment que "l'emploi de termes injurieux et excessifs" en constitue un "abus", et ce malgré "le caractère restreint de la diffusion de ces propos."
Mais surtout, la Cour réfute le caractère privé des SMS en question, estimant qu'il y a au contraire "présomption de caractère professionnel" : en plus d'avoir été émis via un téléphone professionnel, les juges considèrent que le contenu même des messages, en lien direct avec l'activité de l'entreprise, ne peut être considéré comme privé. Dès lors, ces SMS sont susceptibles d'être "retenus au soutien d'une procédure disciplinaire" en vue d'un licenciement pour faute lourde, conclut l'arrêt.